LA CARMENÈRE
La carmenère n’est certes pas un cépage chilien mais sans le Chili il serait resté dans les oubliettes de l’histoire où le ravage du phylloxéra en France l’avait condamné car la variété ne fut pas replantée d’une manière extensive compte de la difficulté à faire mûrir ce cépage dans la région bordelaise dont il est originaire. Il fut mentionné pour la première fois fin du XVIIIe siècle sous le nom de carmeynere avant que le nom de carménère s’impose en début du XIXe siècle. Son étymologie n’est pas connue avec certitude mais pourrait venir du mot carmin. Son orthographe varie de carmenere à carménère mais Jancis Robinson, la reine des cépages, l’épelle carmenère et nous retiendrons donc cette orthographe.
C’est en 1994 que l’on a redécouvert ce cépage. Un œnologue français de l’université de Montpellier, Claude Valat, arpente les vignes du domaine de Carmen au Chili. Il remarque, au milieu d’un vignoble de merlot, des pieds différents. Les raisins sont plus gros et la couleur des feuilles différente. Les analyses ADN ont confirmé en 1997 que la carmenère est un croisement naturel entre cabernet franc et gros cabernet, une très ancienne variété de la Gironde et du Tarn. Le gros cabernet n’est plus cultivé, c’est plus que probablement un croisement d’hondarribi beltza et de fer, deux cépages basques.
DE LA VERDEUR DU CARMÉNÈRE Á LA SURMATURITÉ
Beaucoup de choses ont été écrites sur cette confusion entre merlot et carmenère mais il a été suggéré que la plupart des producteurs chiliens connaissaient la différence entre le merlot et la carmenère qui était connue sous le nom de merlot chileno.
On découvrira plus tard qu’un aristocrate chilien, Silvestre Ochagavía, avait eu l’heureuse idée d’emporter avec lui des pieds de carménère au mitan du XIXe siècle et comme le Chili est l’un des rares pays qui n’ont pas souffert du phylloxéra, le cépage a survécu.
On replante ce cépage d’une manière intensive au Chili depuis 1994. La superficie plantée en carmenère a explosé : de zéro en 1996 à 7 183 hectares en 2006, diminuant apparemment un peu par la suite à 7 054 hectares en 2008. Elle s’établit aujourd’hui à 9 502 hectares.
Le cépage est vigoureux et peu fertile. Il produit des petites grappes aux grains bleu foncé de taille moyenne. Il est sensible à la coulure et à l’infestation racinaire. Il mûrit tardivement (4–5 semaines après merlot au Chili). On comprend pourquoi il ne fut sans doute pas replanté à Bordeaux car il ne devait pas souvent arriver à maturité. Il produit des vins denses et concentrés. Si les raisins sont récoltés avant d’être complètement mûrs, les vins ont de fortes saveurs de géranium et sont herbacés. Ceux-ci se transforment en fruits rouges et parfois en poivre noir ou en tomate lorsque les grains sont juste mûrs, puis à pleine maturité les vins sont sur la mûre, la myrtille avec des nuances de chocolat et de café.
On trouve aussi ce cépage dans le nord de l’Italie où il a longtemps été confondu avec le cabernet franc. La variété est connue en Chine sous le nom de cabernet gernischt.
LES PRINCIPALES RÉGIONS DE PRODUCTION DE LA CARMENÈRE
La grande majorité des vignobles de carmenère se trouve dans la région viticole de la ‘Central Valley« , la plus importante région de production de vin chilien dans la région viticole aussi connue sous le nom »Entre-Cordillères » dans la classification des vins chiliens de 2011.
Au Nord, la région de Maipo, plus connue pour ses cabernets sauvignons est l’épicentre de la carmenère où il était considéré pendant longtemps comme du merlot mais dans cette région, les vignes de carménère sont en général plus jeunes que dans certaines autres régions de production de ce cépage. Les vins sont très floraux sur la cerise et l’hibiscus avec une minéralité granitique qui leur donne de la tension.
Si la région de Maipo est considérée comme le lieu de naissance de la carmenère c’est sans conteste la région de Cachapoal qui lui a donné ses lettres de noblesse en particulier dans la région de Peumo qui s’articule autour de la ville éponyme de 15 000 habitants.
Cette région fait partie de l »Entre-Cordillères‘ sur sa partie ouest, donc éloignée de la Cordillère des Andes et de son climat froid. Elle bénéficie aussi des vents venus de l’océan qui remontent le long de la rivière Cachapoal. Cet ensemble crée un microclimat qui empêche les gelées d’hiver et de printemps et permet à ce cépage très sensible aux basses températures de développer son cycle végétatif dans des conditions quasi idéales.
La carmenère est une variété difficile car la maturité alcoolique se développe en décalage avec la maturité phénolique et tannique. Il faut donc des conditions climatiques qui permettent une longue maturité des raisins sur la vigne pour obtenir un équilibre entre ces deux composantes. Dans la région de Peumo, les températures sont les mêmes à la floraison et à la vendange et les raisins bénéficient de 7 mois de maturation, le cycle le plus long de tous les grands cépages du monde. Dans cette région, l’équilibre de la générosité du fruit et la structure tannique sont en parfaite harmonie.
C’est aussi une grande région de production de carménère et la majorité des vins de ce cépage proviennent de cette région. Les meilleurs Carmenères proviennent de la région d’Apalta à une latitude très similaire à celle de Peumo dans la ‘Cachapoal Valley‘.
Cette petite région qui ne compte que 6 domaines jouit d’un climat méditerranéen avec des étés chauds et des hivers doux et les sols sont d’origine alluvionnaire, sableux argileux. Comme la région de Peumo dans la Cachapoal Valley, Alpalta bénéficie d’un temps de maturation particulièrement long des raisins sur la vigne parfaitement adapté à la carmenère. Les équilibres acidité, fruits et tannins sont particulièrement harmonieux.
Valle del Rapel:
Les Carmenères étiquetés « Rapel » proviennent généralement de la région de Cachapoal et de Colchagua.
CARMENÈRE PAR ZONE VITICOLE EN HECTARES
