SAKÉ

ÉLABORATION

Le saké est fabriqué à partir des grains d’une céréale: le riz. Cependant, les enzymes qui décomposent les molécules d’amidon en sucres fermentescibles dans la fabrication du saké doivent provenir de l’extérieur des grains de riz, qui ont déjà été broyés pour éliminer les parties externes, et qui ne peuvent donc pas être maltés comme pour la bière. Ces enzymes sont fournies par un champignon microscopique appelé kōji-kin, ou Aspergillus oryzae, de la classe des ascomycètes, appartenant aux moisissures « nobles », proche de Penicillium et qui est délibérément cultivé sur du riz cuit à la vapeur. Cela fournit les enzymes qui effectueront la saccharification requise, tout comme le maltage dans la production de bière.

​Le riz cuit à la vapeur sur lequel ce kōji-kin a été propagé est mélangé avec du riz tout simplement cuit à la vapeur, de l’eau et de la levure dans le même récipient. Le point essentiel ici est que la saccharification et la fermentation par la levure ont lieu en même temps dans la même cuve. En cela, le saké est unique dans le monde des boissons alcoolisées. Ce processus est connu sous le nom de heikō fukuhakkō «fermentation parallèle multiple».

ASPERGILLUS ORYZAE. SOURCE: flickr.com

POLISSAGE DU RIZ (SEIMAI)

Tout le riz est, lorsqu’il est récolté est du riz brun même lorsque l’enveloppe extérieure est enlevée, le noyau lui-même est d’une couleur brunâtre. Cette partie externe du grain doit être broyée avant que le riz soit utilisable pour l’élaboration du saké. Le bon riz saké diffère du riz consommé aux repas à bien des égards. Une différence importante est la concentration d’amidon au centre du grain du bon riz de saké. Autour de ce centre riche en féculents se trouvent des graisses, des protéines et des minéraux qui sont généralement préjudiciables au processus de fermentation du saké.

Pour cette raison, le riz est broyé pour éliminer cette partie externe, éliminant efficacement les matières indésirables, tout en conservant précieusement les amidons. Aujourd’hui des machines modernes, contrôlées informatiquement, effectuent le polissage de saké et ce processus est connu sous le nom de seimaiki. Ils poliront le pourcentage souhaité dans le laps de temps spécifié. C’est l’une des rares étapes du processus de brassage du saké dans laquelle on peut dire que la technologie moderne est largement supérieure aux méthodes traditionnelles. En fait, c’est avec le développement d’une machine verticale de polissage du riz en 1933 que la qualité du saké a commencé à s’améliorer considérablement.

MACHINE DE POLISSAGE DU RIZ: SOURCE: https://www.sunfieldam.com/

Le poids du riz qui reste dans le récipient est mesuré et comparé au poids d’origine avant le début du processus. De cette façon, le degré de polissage peut être surveillé de près. Cette poudre est appelée nuka, elle est utilisée dans l’alimentation du bétail et de nombreux aliments, parmi lesquels des cornichons à la japonaise, le miso et les sauces de soja.

Pour le riz de table, environ 10% du riz sont polis pour produire le riz blanc que nous connaissons. Le riz saké est poli de façon à ce qu’il ne reste généralement que 80 % du grain (pour le saké très bon marché) et 35% (pour le saké très cher). Le «pourcentage de la granulométrie restante» est connu sous le nom de seimaibuai (prononcé «say-my-boo-eye»). Cela doit être fait en douceur pour plusieurs raisons. Comme les grains de riz sont polis, la friction entre eux génère naturellement de la chaleur. Cette chaleur affecte la capacité du riz à absorber l’eau, ce qui affectera chaque étape suivante de la production. Le maintien de la structure physique des grains de riz est aussi important. Les grains cassés ou fissurés ne fermentent pas aussi bien que les grains intègres.

POLISSAGE DU RIZ À L’ANCIENNE. SOURCE: Domaine Public

LAVAGE ET TREMPAGE (SENMAI ET SHINSEKI)

Une fois le riz poli au degré indiqué, il est lavé (senmai) pour éliminer la nuka, la poudre de type talc qui s’y accroche toujours lors du processus de polissage. Il est ensuite trempé dans de l’eau (shinseki) pour le préparer au processus de cuisson à la vapeur. Cette étape d’une simplicité trompeuse est cruciale. La teneur en eau du riz avant la cuisson à la vapeur affecte de manière significative l’état du riz durant la cuisson à la vapeur. Cela affecte à son tour l’état du kōji (riz blanc de cuisson à la vapeur sur lequel une moisissure, appelée kōji-kin, a été cultivée). Elle affecte également la façon dont le riz ajouté directement à la purée en fermentation (c’est-à-dire non inoculé avec de la moisissure kōji) sera dissous pendant la fermentation. Le riz hautement poli utilisé dans le saké de qualité supérieure est généralement trempé en petits lots, d’approximativement 30 kilogrammes (66 livres), et le temps passé à le tremper est mesuré avec un chronomètre. Souvent, l’artisan chargé de préparer le riz de cette manière peut détecter la teneur en eau à 1 ou 2 pour cent près et il fera des ajustements subtils si nécessaire.

CUISSON DU RIZ À LA VAPEUR (MUSHIMAI OU JOMAI)

La cuisson à vapeur du riz est encore une autre étape cruciale dans la fabrication du saké, pour laquelle l’équipement et la technologie ont changé et se sont améliorés. Mais il y a encore des limites définitives à la quantité d’automatisation qui peut être utilisée dans cette étape très importante sans sacrifier la qualité du produit final.

L’état du riz après sa cuisson à la vapeur, sa fermeté ou sa consistance molle, par exemple, affecte chaque étape de la fermentation (brassage). Bien sûr, la façon dont le riz va être cuit à la vapeur a déjà été influencée par la façon dont il a été poli, lavé et trempé lors de la préparation.

Mais le processus de cuisson à la vapeur lui-même est toujours vital. La cuve dans laquelle le riz est cuit à la vapeur dans les grandes quantités nécessaires à la production de saké est appelée koshiki. À l’origine, les koshiki étaient faits de bois et la vapeur était envoyée par un trou au fond du cuiseur. Il est à noter que le riz n’est pas mélangé avec de l’eau, mais est directement cuit à la vapeur. La vapeur est répartie de manière à circuler le plus régulièrement possible dans le riz. Les koshiki modernes se présentent sous différentes formes et tailles, et sont généralement en acier. Les grandes kura (brasseries de saké) utilisent souvent une machine qui cuit le riz à la vapeur en continu pendant qu’il descend sur un tapis roulant. Cela élimine la nécessité pour les brasseurs de cuire à la vapeur de nombreux petits lots quotidiennement. Il existe également d’autres variantes, comme les liquéfacteurs de riz, bien que ceux-ci soient rarement utilisés dans la production de saké premium. Une fois le riz cuit à la vapeur, il est refroidi en l’étalant sur de gros morceaux de tissu à l’air frais du kura (l’équivalent du chai pour le saké), ou en le faisant passer dans une machine qui brise les mottes et le refroidit rapidement.

KOSHIKI. SOURCE: http://sakeexperiencejapan.com/​

PRODUCTION DE KOJI (SEIKIKU OU KŌJI-ZUKURI)

La production de Kōji est au cœur du processus de brassage du saké. Ce processus, remarquablement délicat et complexe, prend des années à maîtriser. Le kōji est du riz blanc cuit à la vapeur sur lequel a été cultivé un champignon microscopique, appelé kōji-kin (kōji). Connu sous le nom d’Aspergillus oryzae dans le monde scientifique, ce champignon s’infiltre dans les grains de riz, libérant ainsi des enzymes. Une molécule d’amidon est une longue chaîne qui ne peut pas être fermentée telle quelle; les cellules de levure ne peuvent pas traiter ces longues chaînes et les convertir en alcool et en dioxyde de carbone. Ils doivent d’abord être décomposés en chaînes plus petites de deux ou trois molécules par les enzymes créées par le kōji. Ces molécules plus petites, qui ne sont plus des amidons mais des sucres, peuvent être métabolisées par les cellules de la levure. On convertit 30% du riz poli prêt pour la fermentation kōji, le reste étant du riz cuit à la vapeur. Les enzymes créées par ces 30% créeront du sucre à la fois pour le riz sur lequel la moisissure kōji a été cultivée ainsi que le riz cuit à la vapeur ordinaire ajouté plus tard directement à la purée en fermentation, connue sous le nom de moromi.

La température est extrêmement importante dans la production de kōji, et pour cette raison, elle est élaborée dans une pièce spéciale au sein du kura. Connue sous le nom de kōji muro, elle est maintenue à une température et une humidité plus élevées que la température ambiante du kura. La température à laquelle le kōji est cultivé au cours du processus de quarante à soixante heures est cruciale. Ce sont les températures tout au long du processus qui détermineront le degré de saccharification par le kōji, ce qui déterminera la douceur, la richesse, la légèreté du saké. Le kōji lui-même dégage de la chaleur à mesure qu’il se développe, et cela doit être pris en compte tout en essayant de maintenir la courbe de température souhaitée. Le riz identifié pour le kōji sera apporté au kōji muro après refroidissement, et saupoudré de spores de kōji-kin vert foncé extrêmement fines lorsque la température est adéquate. Après avoir saupoudré les spores de moisissure, le riz est ensuite mélangé et maintenu à une température constante pendant environ deux jours. Les machines peuvent créer des kōjis acceptables en utilisant divers degrés d’automatisation, et en fait la plupart des sakés massifiés sont produits avec des kōjis fabriqués à la machine.

Le meilleur kōji est fait à la main. Cela peut nécessiter de diviser environ 200 kilogrammes (440 livres) de riz dans de petits récipients ou plateaux, et de réorganiser ceux-ci, souvent toutes les deux heures, jour et nuit. La saison de brassage du Ginjō (saké super premium) peut être difficile pour les kurabito (travailleurs de la brasserie). La façon dont le champignon microscopique se propage, connu sous le nom de « brume », est importante. Il peut contourner les grains ou se diriger vers le centre. Ce qui est mieux dépend de la qualité du saké et du profil de saveur souhaité, ainsi que certains paramètres comme la qualité de l’eau et de la levure. Chaque kura a ses propres techniques et méthodes spéciales de production de kōji. Le processus a été étudié, à la fois empiriquement et scientifiquement en profondeur depuis des centaines d’années. Les détails de la production de kōji sont spécifiques à chaque type et style de saké, et les méthodes changent en fonction du produit final souhaité. Si les choses se passent mal à ce stade, l’odeur du kōji peut être évidente dans le produit fini. C’est une odeur faible, insidieuse et légèrement moisie qui plane en arrière-plan de la saveur et du parfum du saké.

KOJI MORO. SOURCE: flickr.com

LE LEVAIN (MOTO OU SHUBO)

Afin de donner aux cellules de levure une chance de survie contre les innombrables bactéries qui autrement les domineraient et pourrait produire des déviations aromatiques, un petit réservoir avec une concentration extrêmement élevée de cellules de levure est préparée. On appelle cela un pied de cuve en vinification. Pour cela, le kōji, le riz vapeur ordinaire et l’eau sont mélangés dans une petite cuve, et à cela s’ajoute une culture de cellules de levures pures. Habituellement, une petite quantité d’acide lactique, pour protéger les cellules de levure naissantes contre les bactéries néfastes à l’air ambiant est également ajoutée. Sur une période de deux à trois semaines, le kōji décompose les amidons pour fournir de la nourriture aux cellules de levure, qui se multiplient rapidement jusqu’à ce que le mélange soit prêt à contenir des quantités de plus en plus importantes de riz, de kōji et d’eau. Il existe d’autres méthodes pour créer le moto mais celui-ci décrit l’essentiel du processus le plus couramment utilisé.

SHUBO. SOURCE: https://sakemarket.kurand.jp

MOROMI ET SANDAN SHIKOMI

Le moto est ensuite transférée dans une cuve plus grande, où du riz, du kōji et de l’eau sont ajoutés, généralement trois fois. À partir de ce moment, la purée est désignée sous le nom de moromi. Ces trois ajouts de riz, d’eau et de kōji, une méthode connue sous le nom de sandan shikomi (brassage en trois étapes), sont effectués sur une période de quatre jours. Un ajout de riz, d’eau et de kōji est fait le premier jour, un le troisième jour et un le quatrième. Le deuxième jour où rien n’est ajouté est appelé odori, qui signifie littéralement «danse», et est réservé pour permettre aux levures de se disséminer. En général, le deuxième ajout de riz, d’eau et de kōji est environ deux fois plus important que le premier, et le troisième est environ deux fois plus que le second. Il existe, bien sûr, des variations sur cette formule.

Après que tout le riz, l’eau et le kōji aient été ajoutés, le moromi est fermenté de dix-huit à trente-deux jours. Quand arrêter la fermentation est une décision cruciale. Laisser la fermentation se poursuivre trop longtemps peut conduire à saveurs désagréables dans le saké. Parce que le kōji convertit progressivement les amidons, la levure n’est pas inhibée par la présence de trop de sucre et peut continuer à produire de l’alcool et du dioxyde de carbone. Cela donne au saké une teneur en alcool allant jusqu’à 20%. Bien que les températures de fermentation et les types de levure y soient pour beaucoup, aucune autre boisson fermentée au monde n’a une teneur en alcool naturelle plus élevée.

MOROMI. SOURCE: Wikipedia.org

PRESSURAGE (JOSO)

À ce stade, le moromi est prêt à être pressé à travers un filet qui séparera le saké des restes solides du riz fermenté, appelés kasu, l’équivalent des bourbes en vinification. Il existe plusieurs façons de procéder. La méthode traditionnelle, encore utilisée assez souvent de nos jours, consiste à placer le moromi dans des sacs en coton d’un mètre de long (39 pouces) et à les déposer dans un grand récipient appelé « fune », qui est généralement en bois. Le saké s’évacue par une ouverture dans le fond du récipient laissant le kasu dans les sacs. Lorsque le saké est pressé à l’aide d’un fune, le pressurage est généralement divisé en trois sous-lots. Le premier tiers du saké qui s’écoule est connu sous le nom d’arabashiri («ruissellement grossier» qui est une traduction un peu péjorative mais appropriée), et c’est le saké produit avant qu’une pression ne soit appliquée sur le dessus des sacs en coton contenant le moromi. C’est l’équivalent du jus de goutte en vinification. Le couvercle est ensuite orienté vers le bas dans la boîte, lentement et progressivement, et ce qui sort pendant plusieurs heures est connu sous le nom de nakadare, ou nakagumi, et est généralement la portion la plus prisée. Enfin, les sacs en coton sont retirés et réarrangés à l’intérieur du récipient afin de les presser un peu plus avec encore une fois le couvercle est tourné vers le bas. Ce qui sort après cette phase finale est connu sous le nom de seme.

La plupart des sakés de nos jours sont cependant pressés à l’aide d’une grande machine qui ressemble à un accordéon. Techniquement connu sous le nom d’assakuki, il est le plus souvent appelé Yabuta, la société qui fabrique la plupart des unités utilisées. Le moromi est pompé directement et les sacs en caoutchouc qui ressemblent à des ballons se gonflent pour presser le saké à travers des dizaines de panneaux maillés, laissant le kasu soigneusement derrière. L’efficacité du travail de ce type de machine est largement supérieure à celle de l’ancien fune, mais le fune conduit sans doute à un meilleur saké, de l’avis de la plupart.

Une autre méthode de pressage est connue sous le nom de shizuku, ou «goutte à goutte». Les sacs en coton sont remplis de moromi puis suspendus, ce qui permet au saké de s’égoutter sans aucune pression appliquée sur le moromi dans les sacs. Cette méthode est également connue sous le nom de kubi-tsuri ou fukuro-tsuri, et conduit généralement à un saké encore plus élégant et complexe. Mais évidemment, cela a un coût car c’est beaucoup plus de travail avec des rendements bien inférieurs.

FUNE À L’ANCIENNE: SOURCE: http://sake-world.com/

FILTRATION (ROKA)

Après une dizaine de jours de repos pour permettre aux réactions chimiques résiduelles de se terminer et aux sédiments de se déposer, le saké est filtré (roka). Il s’agit d’un curieux processus dans lequel du charbon en poudre est d’abord ajouté au saké, et le liquide noir résultant passe à travers un filtre. Les éléments et les saveurs indésirables peuvent être filtrés et la couleur ambrée naturelle du saké peut être supprimée, laissant un saké transparent que certains connaisseurs préfèrent. Il faut cependant être prudent, car un filtrage trop agressif peut trop dépouiller et priver un saké de son caractère distinctif.

En fait, de nombreux brasseurs de nos jours ne filtrent pas leur saké, en particulier les grades supérieurs. Le saké qui n’a pas subi cette filtration au charbon est souvent beaucoup plus attrayant et intéressant. Il peut être délicieusement moins raffiné, mais lorsque de grandes qualités d’eau, de riz et de brassage se rencontrent, un saké raffiné et élégant peut être produit sans cette étape de filtration.

SOURCE: https://www.urbansake.com/

PASTEURISATION (HI-IRE)

La plupart des sakés sont pasteurisés à ce stade du processus. Ceci est accompli en chauffant momentanément le saké à environ 65 degrés Celsius (150 degrés Fahrenheit), généralement en le passant à travers un serpentin métallique qui se trouve dans une cuve d’eau chauffée. Alternativement, le saké en bouteille peut être immergé dans de l’eau chaude pendant une durée donnée ou le saké est chauffé lorsqu’il est pompé dans des bouteilles sur une ligne d’embouteillage. Quelle que soit la méthode, la pasteurisation est appelée hi-ire.

On n’a pas toujours pasteurisé le saké mais cela causait un problème récurent car, si le saké n’était pas conservé au froid, il devenait généralement trouble et la saveur et le parfum s’altéraient. Empiriquement, les brasseurs de cette époque ont eu l’idée de chauffer brièvement le saké et ont constaté que le saké ainsi traité restait intact, même s’il n’était pas réfrigéré. Sans s’en rendre compte, et bien avant que Louis Pasteur les brasseurs avaient inventé la pasteurisation. Si le saké non pasteurisé (namazaké) n’est pas conservé au froid, il peut souffrir d’une affection appelée hi-ochi, dans laquelle il devient trouble, pâteux et au goût de levure. Habituellement, ce processus est effectué deux fois, une fois avant le stockage et une fois de plus avant l’expédition. Cependant, les procédures varient un peu d’un kura à un autre. À la mise en bouteilles, de l’eau est généralement ajoutée pour ramener le taux d’alcool naturel d’environ 20% à environ 16%.

PASTEURISATION DES BOUTEILLES. SOURCE: https://www.sakejourneys.com/

LE SAKÉ ET SA TERMINOLOGIE

Nihonshu: le terme générique pour une boisson alcoolisée

Seishu: Il apparaît sur toute les bouteilles et il veut dire littéralement « saké raffiné ». Il donne au saké un statut légal.

Futsūshu: un saké ordinaire

Seishu: un saké raffiné

TOKUTEI MEISHŌSHU

Toutes les classifications de saké premium peuvent être groupées sous le terme: tokutei meishōshu. Ce terme inclut les classifications junmaishu, honjõzõ, tokubetsu junmaishu, tokubetsu honjõzõ, et les quatre classifications de ginjõshu. Le terme tokutei meishōshu ne figure pas sur les bouteilles et il est utilisé pour différentier les sakés ordinaires des sakés premiums.

Junmaishu

Un saké pur ou rien d’autre n’a été utilisé à part le riz, l’eau et le kōji-kin. Les sakés qui ne portent pas cette mention peuvent contenir des sucres et des acides organiques. La désignation impose aussi que riz soit poli et réduit pour que pas plus de 70% de son volume ne reste après le polissage. Le junmaishu est en général un peu plus dense et plein que les autres types de saké avec souvent un peu plus d’acidité. C’est plus un saké de repas.

Honjõzõ (Honjõzõkuri)

C’est un saké dans lequel on a ajouté une très faible quantité d’alcool pur dans la phase finale du moromi, juste avant qu’il ne soit pressé pour séparer le saké de ses lies. La quantité d’alcool ajouté ne peut pas dépasser 120 litres (32 gallons) par tonne de riz utilisé pour le brassage. Cela allège le saké et le rend plus facilement buvable et le Honjõzõ est souvent celui qui est choisi quand on le sert chaud. Cela accroît aussi la fragrance des saveurs du moromi car beaucoup des substances sont solubles dans l’alcool. De plus, le pourcentage après le polissage ne peut pas être plus de 70% de la quantité originale du riz.

Ginjõshu

Ginjõshu n’est pas juste une autre classification, on entre dans un autre monde du saké. Le polissage du riz a réduit la quantité à un maximum de 60% de son volume initial.

Le ginjõshu est divisé en sous-catégories :

Daiginjōshu

Le polissage du riz a réduit la quantité à 50% maximum de son volume initial et même parfois jusqu’à 35%.

Ginjōshu

Un saké qui est entre un daiginjōshu et un ginjõshu mais sans stricte définition sur le pourcentage de polissage du riz. L’ajout ou pas d’alcool s’applique aussi à cette catégorie. Le daiginjōshu et ginjõshu auxquels aucun alcool n’a été ajouté sont connus respectivement sous le nom de junmai ginjõ et junmai daiginjō.

Tokubestsu Junmaishu et Tokubestsu Honjõzõ

Tokubestsu veut dire spécial en japonais

Ces termes désignent une version plus raffinée de ces deux catégories soit par un polissage par la qualité du riz, du pourcentage du polissage et de la méthode employée pour élaborer le saké. En principe cela devrait être indiqué sur l’étiquette mais ce n’est pas toujours le cas.

Namazaké

C’est un saké qui n’est pas pasteurisé donc ses arômes et ses saveurs sont en général plus vibrantes. Ce type de saké doit être impérativement réfrigéré pour conserver son côté vif.

Namachozō

C’est un saké qui n’a été pasteurisé qu’une seule fois à la mise en bouteilles. Il est un peu moins délicat que le Namazaké et il est conseillé de le garder réfrigéré.

Tazurake

C’est un saké qui a été conservé ou élevé en tonneaux de chêne (taru) et qui acquiert des arômes et des saveurs du tonneau usagé.

Nigorizaké

Après la fermentation, il reste des matières solides similaires aux bourdes après la vinification. Elles sont habituellement retirées du ferment. Dans le cas du Nigorizaké, une partie est laissée dans le ferment ou rajoutée au ferment et il donne au saké un côté funky trouble qui a ses amateurs.

Genshu

C’est un saké où aucune eau n’a été ajoutée pour abaisser son taux d’alcool qui est d’environ 20%. Ils sont parfois servis sur glace. Il faut préciser que tous les sakés ne terminent pas leur fermentation à 20%. La réduction d’alcool peut être obtenue avec une fermentation à température plus basse, ou avec des levures spéciales ou tout simplement en arrêtant la fermentation.

Yamahai-Shikomi et Kimoto

À l’origine, les producteurs pensaient que le riz et le kōji devaient entre réduits en purée pour que la fermentation se produise et les brasseurs (kurabito) passaient un temps infini avec des piges pour réduire l’ensemble en purée. Le moto (l’équivalent du moût en vinification) et les sakés faits de cette façon s’appelaient Kimoto. Quand les scientifiques découvrirent en 1909 que tout ce travail de titan n’était pas nécessaire et les enzymes du kōji étaient bien suffisantes pour dissoudre le riz si un peu plus d’eau était ajouté et si la température était un peu plus élevée. La fibre (yamanoroshi) pouvait être éliminée (kai-shi), le terme yamanoroshi hai hi était né et il sera ensuite abrégé yamahai; shikomi veut simplement dire faire un lot.

C’est un processus hasardeux susceptible d’être dévoyé à tout moment par des bactéries néfastes, l’hygiène est donc primordiale. Mais on découvrit en 1911 qu’en ajoutant une petite quantité d’acide lactique le processus pouvait être complété en la moitié du temps habituel. C’est l’alter ego de yamahai/kimoto et il est appelé sukujō-moto ou (moto rapide). Aujourd’hui presque tous les sakés sont élaborés de cette façon.

Shiboritate

Ce mot veut dire « pressé » et le saké qui arbore ce nom sur l’étiquette indique que le saké a été élaboré avec le jus fraîchement pressé. C’est frais, un peu fougueux et primaire mais cela n’indique en rien le grade du saké ou s’il a été pasteurisé ou pas.

Muroka

C’est un saké qui n’a pas été filtré au charbon. À ne pas confondre avec nigori qui signifie non filtré.

Koshu

C’est un saké avec de l’élevage, en général au moins trois ans. Le saké d’entrée de gamme ne vieillit pas bien et il devient lourd et déséquilibré. Le premium saké acquière de la complexité et un goût plus fort avec l’âge et il prend une couleur plus profonde. Depuis peu, ce style de saké est connu sous le nom de chōki jukuseihu (saké élevé pendant longtemps).

Jizaké

Littéralement parlant, cela veut dire saké local ou saké de pays. Cela implique que le saké a été élaboré avec du riz et de l’eau de la région. Jizaké a aussi une connotation de saké de petits producteurs par opposition aux grands producteurs censés être moins qualitatifs.

Sanzōshu

Ce terme, peu flatteur est derivé de futūshu et il ne figure pas sur les étiquettes. Durant la deuxième Guerre mondiale, le riz était devenu une denrée rare. Les brasseurs furent forcés par les autorités de se regrouper ou de cesser leur activité. Ceux qui persévèrent furent forcés d’utiliser moins de riz ou d’ajouter de l’alcool de grains pour augmenter les quantités. Cela éventuellement tripla les volumes produits et celle pratique fut appelée sanbai zōjōshu ou abrégé sanzōshu. Aujourd’hui ce terme désigne le bas de gamme des sakés.

FACTEURS AFFECTANT LA QUALITÉ ET SAKÉ

NIHONSHU-DO

Ce terme indique la position du saké sur l’échelle : du sec au doux. On l’appelle aussi Saké Meter Value, SMV (la valeur paramétrique du saké. En termes chimiques, c’est le poids spécifique moyen du saké comparé à celui de l’eau. C’est l’équivalent du sucre résiduel dans les vins. L’échelle utilisée n’est par contre pas scientifique et date des temps anciens. Elle s’étire de -3 à +12 et plus le chiffre est élevé plus le saké est sec. ​Quand l’échelle fut instaurée, le zéro correspondait avec un ressenti gustatif sucré-sec neutre. Le changement des goûts vers une préférence pour les saveurs moins sucrées, le point de neutralité est sans doute + 3 et l’on trouve beaucoup plus de sakés avec des scores de + 8 ou + 10 qu’avec des scores négatifs.

ACIDITÉ (SANMI OU SAN-DO)

Comme pour le vin, l’acidité est une composante importante de la perception de goût mais contrairement au vin où elle se mesure en termes de Ph ou d’acide tartrique, elle est estimée sur une échelle de 0,9 à 2 pour le saké. Le nombre exprimant le san-do d’un saké est le nombre de millilitres d’hydroxyde de sodium liquide nécessaires pour neutraliser dix millilitres de saké. Il est, en d’autres termes, mesuré par titrage, comme il l’est pour le vin. L’acidité (et dans une certaine mesure, la teneur en acides aminés) peut vous donner au moins une vague idée de ce à quoi pourrait ressembler un saké simplement en regardant l’étiquette. En particulier, l’acidité et le nihonshu-do sont très souvent utilisés ensemble pour donner une indication avant l’achat de ce que pourrait être le profil aromatique. Une acidité élevée peut augmenter la sensation de sécheresse d’un saké en éclaircissant et en prolongeant la saveur. Une faible teneur en acide, d’autre part, peut aider un saké à donner une sensation de plénitude et à augmenter un sentiment de douceur.

AMINO-ACIDES (AMINOSAN)

Les aminoacides sont le résultat du métabolisme des protéines dans le riz par le kōji et de la chaleur produite par la cuisson du riz à la vapeur. Le contenu en aminoacides est une mesure qui n’apparaît pas toujours sur les étiquettes contrairement aux autres paramètres décrits dans cette section. Une concentration basse en aminoacides indique que le saké est plus léger et plus aérien alors qu’une concentration élevée donne une sensation plus ample et plus généreuse (koku ga aru). La concentration en aminoacides est étroitement liée à la sensation d’umami, une perception gustative de la satisfaction.

LE RIZ

Ce riz est au saké ce que le raisin est au vin. Primordial. Il existe de nombreuses variétés de riz. Le riz pour l’élaboration du saké est un riz de grains courts comparativement au riz de table qui est un riz de grains longs. Le riz du saké est connu sous le nom de sakamai et le grain est d’environ 25% plus large que le shokumai, le riz de table. Le sakamai possède une plus grande proportion d’amidon, ce composé qui sera fermenté, un fois converti en sucre. Cette substance est concentrée au centre du grain du sakamai alors que le gras, les protéines et les minéraux sont à la périphérie du grain. Cette partie centrale est connue sous le nom de shinpaku et elle est visible au centre du grain sous forme d’une région blanche opaque. Cette propriété physique rend le polissage plus facile jusqu’à la composition désirée d’amidon. Mais le sakamai est plus difficile à faire pousser que le shokumai pour plusieurs raisons. Le sakamai est un riz plus haut que le shokumai, souvent plus d’un mètre, et la lourdeur de la plante peut causer son affaissement en particulier lors de tempêtes ou de typhons. Sa longue tige le rende impropre à la mécanisation de la récolte qui doit être faite manuellement. Ses rendements sont plus bas et les volumes récoltés plus faibles. Le sakamai est donc beaucoup plus cher que le shokumai, jusqu’à trois fois plus onéreux. Le riz du saké, sakamai, anciennement shuzō-kōtekimai, fait l’objet d’une réglementation et d’une accréditation par les autorités et il en existe plus d’une soixantaine. Les principales variétés sont : yamada nishiki, gohyakuman goku, miyama nishiki, Hantan et Hantan nishiki, kame no ō, ōmachi. Seul le riz fraîchement récolté est utilisé pour l’élaboration du saké, le riz ne s’améliore pas avec le temps. Le yamada nishiki est considéré comme le riz le plus qualitatif pour l’élaboration du saké. Il est à noter que seuls les sakés premiums sont élaborés avec des riz nobles et 75% de sakés produits sont élaborés avec des variétés de riz de table.

SAKAMAI RICE. SOURCE: https://www.nippon.com/

L’EAU

Comme pour le vin, la composition du saké est majoritairement de l’eau qui compte pour 80% de la boisson. L’eau représente trente fois le volume du riz dans le saké. Comme pour le whisky écossais, la disponibilité en eau a été l’un des moteurs du développement de l’industrie du saké. Les eaux de source de Nada dans la ville de Kobe dans la préfecture d‘Hyogo, filtrées dans le massif de Rokko en sont un des meilleurs exemples et elle sont connues sous le nom de myamizu (sanctuaire d’eau). C’est ainsi que Nada est devenue l’un des principaux centres de brassage du saké. Après la découverte, plus empirique que scientifique, de l’importance de qualité de l’eau, les analyses modernes ont fourni les éléments tangibles qui étayent l’importance de l’eau utilisée pour le saké.

Une forte concentration en fer est néfaste car la molécule de fer s’attache au centre du grain de riz et le décolore et elle donne une couleur brune au saké et les réactions chimiques qu’elle provoque affectent la fragrance du saké. Le manganèse, joue aussi un rôle néfaste car, quand le saké est exposé aux ultraviolets, le manganèse provoque une réaction chimique qui décolore le saké et lui donne une apparence terne.

Les éléments de l’eau favorables au saké sont le potassium, le magnésium et l’acide phosphorique qui servent de catalyseur aux levures de fermentation et aussi au développement du kōji. La plupart des domaines (kura) utilisent des eaux de puits artésiens et des eaux de sources naturelles. L’eau peut être dure (kōsui) ou douce (nansui). L’eau dure permet une fermentation plus vigoureuse et elle donne un saké plus vif et tranchant alors qu’une eau douce donne un saké plus voluptueux et le saké Hiroshima est un exemple classique de saké produit avec une eau douce.

NADA WATER. SOURCE: https://tadaimajp.com/

LEVURES

Jusqu’en début du 20esiècle, le saké était élaboré en levures indigènes. Les développements scientifiques et techniques ont permis le développement de levures de culture et il en existe 15 aujourd’hui (juin 2020) produites par l’association japonaise des brasseurs de saké mais les domaines ont aussi développé leurs propres souches en interne. Les préfectures développent aussi leurs propres souches qu’elles mettent uniquement à la disposition de brasseurs de la préfecture. Les souches n° 1 et n° 2 ne sont plus utilisées aujourd’hui car elles donnaient trop de puissance aux sakés. La souche n° 7 est celle qui est le plus utilisée car elle tolère des températures de fermentation élevées et elle donne des sakés moelleux et propres. La levure n° 9 est la levure de choix pour les amateurs des Ginjōshus. La levure n° 10 est plus communément utilisée pour les sakés du haut de gamme du nord du Japon et elle donne la meilleure adéquation entre le temps, le riz et l’eau. Les levures préfectorales les plus utilisées sont : Akita Ryūka Kōchi et Yamagata.

SACCHAROMYCES CEREVISIAE. SOURCE: Morgana Das Murtey and Patchamuthu Ramasamy – https://commons.wikimedia.org/

PRODUCTION

Au cours de l’année 2017, le volume de production de saké au Japon a encore diminué pour atteindre un niveau plancher record d’environ 411 millions de litres. En 1975, la consommation annuelle de saké au Japon était de 16 700 millions de litres et en 2010, elle était de 5 890 millions de litres. Les principaux fabricants nationaux de saké sont Hakutsuru Saké Brewing Co., Ltd., Gekkeikan Saké Co., Ltd. et Takara Holdings Inc.
Face au désamour des consommateurs japonais, en particulier des jeunes, pour le saké, les exportations par contre, sont en pleine expansion. Elles ont atteint 212 millions USD en 2019, un record pour la 10e année consécutive. Cela représente environ 35% de la valeur totale des exportations (600 millions USD) de boissons alcoolisées japonaises. Le saké a été exporté dans 69 pays. (Singapour et l’Allemagne sont devenues des plaques tournantes de réexportation pour l’Asie et l’Europe respectivement). Le prix moyen à l’exportation était de 4$ la bouteille en 2010, mais en 2019 il était de 6,10$, une véritable augmentation de valeur de plus de 50% au cours de la dernière décennie.

GEOGRAPHICAL INDICATIONS POUR LE SAKÉ

Understanding Awa Sake. https://www.guildsomm.com/