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 À LA RECHERCHE DES CÉPAGES ANCIENS AUTOCHTONES EN TERRE SAINTE

La viticulture domestiquée s’est étendue de la Transcaucasie (Caucasie du Sud) jusqu’à Israël d’aujourd’hui il y a environ 6 000 ans A.V.J.C. Israël était un centre important de la viticulture et du vin, approvisionnant, en autres l’Égypte, avant que l’Islam au VIIe siècle ne mette fin à l’industrie viticole au pays de Canaan.

 Le renouveau de la viticulture israélienne ne date que du XIXe siècle.

Si en Israël était découverte  une variété de cuve ancienne, autochtone et de qualité, alors il pourrait être mis  un grand coup de projecteur sur le pays viticole, cela  permettrait une mise en avant de certains vins israéliens, comme ce fut le cas pour l’Argentine avec le malbec ou la carménère pour le Chili.

Le Dr. Shivi Drori[1] est coordinateur de la recherche agricole et œnologique pour la Samarie et le Rift jordanien à l’université d’Ariel en Israël. Il est plongé dans des recherches sur les variétés locales, qui pourraient transformer le « story telling » du vin israélien.


[1] Le Dr. Shivi Drori, en plus d’être un universitaire, est propriétaire d’un petit domaine de 3 hectares à Givat Harel,  un avant-poste israélien en Cisjordanie, établi illégalement en 1998 principalement sur des terres privées palestiniennes.  Il se situe à côté du village palestinien de Sinjil, dont les terres ont été « saisies de force par les colons israéliens » afin de construire Givat Harel. La communauté internationale considère les colonies israéliennes en Cisjordanie comme illégales au regard du droit international. Des avant-postes comme Givat Harel sont considérés comme illégaux, même en vertu de la loi israélienne.

La recherche de Drori est triple. Premièrement, savoir s’il existe des variétés locales, indigènes, qui conviennent à la vinification. Grâce aux Mamelouks qui, obéissant aux règles de l’Islam   sur la consommation de l’alcool, transformèrent certaines variétés locales en raisins de table, qui ont survécu jusqu’à aujourd’hui. Deuxièmement, pour savoir s’il existe une relation entre les variétés européennes locales et classiques. Et enfin, trouver s’il existe une relation entre les variétés indigènes et les pépins de raisin anciens trouvés par des archéologues et qui remontent à des centaines et des milliers d’années !

Il a prélevé des échantillons de tous les cépages locaux qu’il a pu trouver, qu’il s’agisse de vignes sauvages ou cultivées, et jusqu’à présent, il a récupéré pas moins de 120 variétés. Certains proviennent de vignobles cultivés, d’autres de vignes sauvages solitaires trouvées dans les arbres, ou même de la pergola d’un particulier trouvés sur un balcon.

Jusqu’à présent, il estime qu’une vingtaine de variétés ont le potentiel nécessaire pour faire du vin.

Dr. Shivi Drori auprès d’un ancien pressoir en Israël. Source: https://kosherwinemusings.com/2

Des vins des cépages Hamdani, Jandali, Dabouki, Marawi ont récemment été mis sur le marché auxquels il faut ajouter l’argaman, cépage autochtone récent.

Le monastère de Crémisan, qui vinifie depuis 1885, a été le premier à proposer des vins issus de cépages locaux autochtones. Leur assemblage de Hamdali et de Jandali est un vin remarquable dans un style Rhône blanc. Ce sont deux variétés qui sont cultivées principalement à Bethléem et à Hébron par des producteurs arabes. C’est de la vallée d’Eshkol, de la région d’Hébron, que provenaient les fameuses grappes ramenées il y a plus de 3 000 ans, par les émissaires de Moïse au pays de Canaan- dit la Bible-. C’est aussi aujourd’hui la principale région viticole pour certains de ces cépages rares. Plus de quatre-vingt-cinq pour cent des vignobles palestiniens sont situés dans les régions de Bethléem et d’Hébron.

Le Hamdani et le Jandali sont des raisins de cuve Vitis vinifera, mais ils ont été utilisés au fil du temps comme raisins de table. Ils sont savoureux, c’est pourquoi ils ont survécu lorsque les raisins de cuve ont été arrachés. Le Jandali est le plus aromatique avec des notes florales mais manque de densité en milieu de bouche. Le Hamdani a des arômes d’agrumes, de citron vert et de pamplemousse avec une finale plus longue. Il a plus de profondeur, se prête à l’élevage en barrique et a un meilleur potentiel.  Il convient aussi aux assemblages.

Au XIXème siècle, les caves Shor et Teperberg dans la vieille ville de Jérusalem utilisaient ces variétés pour faire du vin. Les raisins étaient livrés dans la vieille ville à dos d’âne. Un érudit du XVIe siècle, le rabbin Menahem di Lonzano, les a mentionnés comme variétés de cuve à Jérusalem. Certains disent même que ces cépages auraient été mentionnés en 220 A.P.J.C.

Recanati Winery a choisi le nom Marawi pour le vin qu’ils ont mis sur le marché. Marawi est en fait un synonyme de Hamdani. Autour de Jérusalem et de Bethléem, la variété est connue sous le nom de Hamdani mais dans le passé, lorsqu’elle était cultivée dans les contreforts de Judée et la plaine côtière du sud, elle était connue sous le nom de Marawi.

Les raisins sont cultivés à 900 mètres d’altitude près de Bethléem, sur ce qu’on appelle une pergola de style Hébron. Ils sont cultivés en sec, sans irrigation. Le vin a été fermenté en fûts dans de vieux fûts usagés et élevé sur lies.

Le vin a des arômes de citron, de miel, de pêche et une texture minérale, mais malgré les efforts, il manque un peu d’acidité. Lors de sa sortie, il a suscité l’intérêt des médias internationaux. Un cépage indigène de Terre Sainte, un producteur palestinien, un médiateur israélien, travaillant avec les Palestiniens dans les colonies des « Territoires occupés », en Cisjordanie et un vigneron israélien, c’est une belle histoire et une belle  coopération.

La variété Dabouki serait originaire d’Arménie. Cela signifie « douceur » en arabe. Il est cultivé à Bethléem et à Hébron, mais il a également été cultivé depuis la région du mont Carmel jusqu’à la plaine de Judée pendant des siècles. Dans le passé, il était principalement utilisé pour la distillation et l’eau-de-vie et les producteurs locaux d’Arak, comme El Namroud, l’utilisent encore pour produire leur vin de base avant la distillation et l’ajout d’anis.

Le viticulteur Avi Feldstein a élaboré un Dabouki avec des raisins de vignes âgées de cinquante ans dans la région du Mont Carmel et le monastère de Crémisan produit également un Dabouki des vignobles de Bethléem. Ces vins ont tendance à avoir un nez floral tropical, un corps moyen, une bouche ample, un peu comme un chardonnay gras.

Les raisins rouges locaux n’ont pas autant de succès. Cremisan Winery produit un vin rouge à partir d’un cépage indigène appelé Balady. Il n’est certainement pas au niveau des cépages blancs. Le rouge est léger, fin avec une acidité prononcée. Cependant, dans les recherches menées par Shibi Drori, il existe des variétés rouges potentielles avec des noms comme Balouti et Zeitani qui offrent plus d’espoir pour l’avenir. Alors que les recherches se poursuivent, la variété rouge typiquement israélienne est probablement l’Argaman.

Argaman, qui signifie violet foncé en araméen, est un cépage créé par le professeur Roy Spiegel à l’Institut d’agriculture Volcani. Il est le résultat d’un croisement entre le souzão, un cépage portugais et le Carignan. Il a été créé en 1972, expérimenté dans les années 80 et planté commercialement au début des années 1990.

Source: wines of Israël

Les premiers vins se distinguaient par leur couleur mais avaient peu de sophistication. Le raisin était planté dans les régions côtières chaudes, principalement dans le Shefela de Judée, et utilisé principalement pour les assemblages.

Avi Feldstein, alors vigneron chez Segal Wines, a vu un potentiel inexploité dans cette variété. Il a planté l’Argaman dans le vignoble de Dovev, à plus de 700 mètres d’altitude, en Haute Galilée. Grâce à une taille correcte, une gestion habile de la canopée et une réduction drastique des rendements, il a obtenu de bien meilleurs résultats que ceux produits dans la plaine côtière chaude. Reconnaissant un manque de tanin dans les raisins, il les fait fermenter sur des peaux de Merlot.

Le résultat était un excellent vin qui était de couleur profonde, avec des fruits rouges mûrs. Il est riche et sur la prune en bouche avec une finale bien équilibrée.

Crédit: Inspiration Adam Montefiore:https://adammontefiore.com