DESCRIPTION DU PAYS
Tibilisi. Source: pixabay.com
LA GÉORGIE VUE D’AILLEURS
La Géorgie est un petit pays de 69,700 km² avec 3,8 millions d’h, où l’on boit le vin le plus ancien du monde.
C’est un pays montagneux, de très hauts sommets de plus de 5 000 mètres y forment au nord une barrière imposante avec la Russie, traversée par un seul passage : la passe de Darial.
Durant l’Antiquité, les Géorgiens étaient connus des Grecs et des Romains sous le nom de Colchiens ou Ibériens. Le territoire fut plus tard étape sur la Route de la Soie avec ses caravansérails. Pris entre des voisins puissants, Perses, Ottomans, et puis Russes, il fut de tous temps un champ de bataille et pour échapper aux envahisseurs, les Géorgiens s’établirent dans les hauteurs, ainsi monastères, forteresses et tours de guet se dressent dans le Petit Caucase, au sud, et le Grand Caucase, au nord. A l’ouest le pays dispose d’une façade sur la mer Noire de 310 km.
Au sud, trois voisins: Turquie, Arménie, Azerbaïdjan. La Georgie est un pays morcelé ou amputé par l’histoire récente avec 3 régions autonomes ;
-L’Abkhazie : 8 600 km² au nord-ouest près de la mer Noire, a déclaré son indépendance en 1992, elle n’est reconnue que par sept États dont la Russie.
– L’Adjarie (3 400 km²) au statut de république autonome est située au sud-ouest, 337 000 habitants. Elle a une frontière commune avec la Turquie et possède une façade sur la mer Noire. Sa capitale est Batoumi.
–L’Ossétie du Sud (3 900 km² et 50 000 h), est une région autonome située dans le centre-nord du pays, en 1992 elle a proclamé son indépendance, à la suite de la guerre de 2008 (la médiation du président français Sarkozy et de Medvedev pour un plan de paix de l’UE fut acceptée par les deux parties). Seule une poignée de pays au monde la reconnaissent dont la Russie, la Transnistrie et l’Abkhazie. Sa capitale est Tskhinvali.
La population, comme dans tous les Etats du Caucase est une mosaïque ethnique et religieuse. Plus d’une cinquantaine de groupes ethniques. Azéris, Arméniens, Russes, Ossètes, Kurdes, Yezidis, Grecs du Caucase, Ukrainiens, Abkhazes, Assyriens, Mingréliens, Svanes, Lazes, Bats, Adjares….Donc de nombreuses minorités dont des Russes, des Tchétchènes, des Biélorusses, des Kistines dans la vallée de Pankissi etc.
Le christianisme est la religion principale (88% des habitants) d’ailleurs le pays fut l’un des premiers dans le monde à adopter le christianisme comme religion d’État au IV°. Cette Église est autocéphale, autrement dit indépendante. Catholiques de culte romain et grec et petites communautés protestantes, Eglise apostolique arménienne (4% de la population), musulmans près de 10%, en baisse depuis 2003. Aujourd’hui seulement une dizaine de milliers de juifs vivent sur le territoire géorgien.
Des Georgiens ont marqué l’histoire du XX° siècle, des artistes comme Balanchine 1904-1983), célèbre danseur et chorégraphe, «représentant de la veine classique dans la danse contemporaine », collaborateur d’Ivan Stravinsky avec qui il dirigea plus de 30 ballets, d’origine georgienne. Khatchatourian Aram (1903-1978), compositeur soviétique majeur, aux côtés de Prokofiev et Chostakovitch;
Maïakovski, (1893-1930) poète futuriste russe et soviétique d’origine cosaque, né à Bagdati en Imérétie (Géorgie occidentale).
D’autres Georgiens se sont illustrés au pouvoir dans l’ex- URSS comme Béria, (1899-1953) né en Abkhazie, haut responsable soviétique, patron du NKVD et membre du Politburo de 1946 à 1953, « à la sombre réputation, puisqu’il fut l’exécutant de la terreur stalinienne en Transcaucasie dans les années 1930 ». Mikoyan, (1895-1978), dirigeant soviétique à la longévité légendaire, il traversa presque toutes les époques politiques de l’URSS au sommet du pouvoir, « devenu la figure par excellence de l’apparatchik machiavélique au flair politique aiguisé », né dans le village arménien de Sanahin. Et puis Staline, Joseph (Iossip Vissarionovitch Djougachvili) (1879-1953), maître absolu de l’Union soviétique de 1928 à sa mort, le plus grand responsable de millions de morts en URSS, créateur d’un culte de la personnalité, né à Gori.
PRÉSENTATION DU PAYS VITICOLE
Si la Géorgie est sans doute le plus vieux pays viticole avec entre 8 000 et 6 000 d’histoire, son industrie viticole actuelle est l’une des plus récentes car les aléas de l’histoire n’ont pas permis à la viticulture et à l’élaboration du vin de suivre un cours normal et le renouveau n’a commencé qu’avec le rétablissement de la démocratie en début des années 2000.
La superficie viticole est de 55 000 hectares en 2018 soit un accroissement de 7 000 hectares par rapport à 2014. La Géorgie compte aujourd’hui 1 300 petits domaines viticoles dont 300 exportent leurs vins et qui cohabitent avec les grandes exploitations viticoles, au nombre de 10, mais qui sont responsables de 50% de la production.
La renaissance de la Géorgie viticole est concomitante de la percée des vins « natures » il y a une vingtaine d’années car le pays a une solide histoire d’élaboration du vin avec des méthodes artisanales en particulier avec les qvevris, des cuves en terre cuite utilisées depuis le Néolithique, elles servent à élaborer des vins artisanaux. Mais on élabore aussi des vins de style européen. Étant probablement le berceau de la culture de la vigne, le pays possède une riche diversité variétale avec probablement plus de 400 cépages dont certains ont peut-être aujourd’hui disparu.
De son époque soviétique, le pays a conservé une culture des vins doux qui va à contre-courant des goûts internationaux d’aujourd’hui, mais on n’abandonne pas facilement des marchés qui sont toujours lucratifs. Le pays a su jouer intelligemment de son histoire passée pour enclencher sa renaissance viticole mais la route est encore longue pour pouvoir mettre la Géorgie sur la carte des grands pays viticoles du monde.
Aujourd’hui, la réglementation des vins de Géorgie est largement alignée sur celle de l’Union Européenne. La consommation intérieure n’est pas exactement connue précisément car beaucoup de Géorgiens consomment leurs propres vins et cette particularité culturelle ne rentre pas dans les statistiques.
HISTOIRE
De tous les pays du Caucase qui revendiquent la paternité de la viticulture et de l’élaboration du vin, la Géorgie est celui qui incarne le mieux le renouveau tout en maintenant son ancrage dans le passé. Il ne fait nul doute que le mouvement des vins natures, avec sa philosophie non-interventionniste de l’élaboration du vin, a beaucoup aidé la réémergence du pays sur le devant de la scène vitivinicole depuis une vingtaine d’années. La viticulture dans le pays est très ancienne et culturellement la Géorgie est articulée autour de la vigne et du vin, en témoigne la statue de la Mère Géorgie surplombant la capitale, Tbilissi qui tient une épée dans une main et une coupe de vin dans l’autre.
Les recherches sur l’histoire de la vigne et du vin ont commencé dans les années 1960, avec la découverte sur le territoire de la Géorgie du Sud moderne, de l’Arménie du Nord et de l’Azerbaïdjan occidental d’une des premières civilisations du Caucase du Sud, connue sous le nom de la «culture Shulaveri-Shomu Tepe » qui date de 6.000 – 4.000 avant notre ère. Les premières preuves de vin de raisin au Proche-Orient provenaient du village néolithique d’Hajji Firuz Tepe dans les montagnes du nord-ouest de Zagros en Iran, environ
5 400-5 000 avant J.C. Six bocaux, dont deux ont été analysés ont montré la présence d’acide tartrique et d’une résine d’arbre. Ils avaient été enfoncés dans le sol en terre le long d’un mur d’une «cuisine» d’une maison néolithique en briques crues. Archéologiquement, cette culture est identifiée à travers son architecture en briques crues, ses céramiques, ses outils en pierre et en os, et son agriculture avancée avec la domestication de plusieurs cultures dont celle du raisin. La découverte d’un motif de quatre grappes de raisin stylisées apparaît assez fréquemment sur les murs de pots d’argile, dont l’exemple le plus révélateur a été découvert à «Khramis Didi Gora» et qui maintenant exposé au Musée national géorgien.
Cette période a sans doute coïncidé avec le début de la production de vin de Vitis vinifera au Néolithique. La Géorgie a identifié trois sites de la «culture Shulaveri-Shomu Tepe », (SSC), Gadachrili, Shulaveri Gora et Imiri Gora situés à environ 50 kilomètres (30 miles) au sud de la capitale actuelle, Tbilissi qui ne purent être fouillés avant que la stabilisation politique de la Géorgie, suite à son indépendance en 1991, soit fermement établie et la démocratie parlementaire restaurée.
Ce n’est qu’en 2014 que l’Agence nationale du vin de la République de Géorgie a lancé un projet de recherche de trois ans pour l’étude de la culture de la vigne et de l’élaboration du vin en utilisant une approche multidisciplinaire, comprenant: l’archéologie, l’histoire, l’ethnographie, la génétique moléculaire, l’archéologie biomoléculaire, la paléobotanique, l’ampélographie, l’œnologie, la climatologie et d’autres domaines scientifiques. Même si ces recherches n’ont pas amené à la découverte de pots ayant contenu du vin, des grains de raisins et des sarments de vignes datant du néolithique, elles ont cependant permis de recouvrer de la poterie. Celle-ci est souvent le point de départ de nombreuses recherches archéologiques biomoléculaires car elle a la capacité à la fois d’absorber les liquides et de les conserver pendant des millénaires.
Cinq fragments d’argile de Gadachrili et trois de Shulaveri ont été testés positivement, non seulement pour l’acide tartrique (comme à Hajji Firuz Tepe en Iran), mais on y a aussi trouvé d’autres acides organiques (malique, succinique et citrique) qui sont des composants importants du vin élaboré avec du raisin. Les datations au radiocarbone de certaines des couches associées aux fragments de poteries les placent au premier siècle du sixième millénaire avant notre ère. Elle précédent donc celles des récipients d’ Hajji Firuz Tepe de plusieurs siècles (environ un demi-millénaire).
Cela fait-il pour autant de la Géorgie le berceau de la culture de la vigne ? Il serait prématuré de conclure sur la base d’une étude aussi bien faite soit-elle. Les découvertes faites en Arménie (Areni-1), en Iran à Hajji Firuz Tepe, à Gadachrili et Shulaveri en Géorgie ne sont distantes que quelques centaines de kilomètres. C’est à la fois peu de nos jours et beaucoup au temps du Néolithique. Quelques indications sur ces découvertes donnent un avantage certain à la Géorgie comme étant le berceau de la culture de la vigne. L’absence de résine dans les pots ayant contenu du vin à Gadachrili et Shulaveri est une indication qu’elle n’avait pas encore été découverte à cette date. Elle fut sans doute le résultat d’observations de la dégradation du vin et de la meilleure façon d’y remédier et cela implique un processus cognitif qui prend du temps.
La présence de résine dans les découvertes d’Hajji Firuz Tepe est une indication que l’élaboration du vin de cette région est sans doute postérieure à celle de la Géorgie. D’une manière similaire, l’extraordinaire organisation de la cave d’Areni-1 est une indication que l’élaboration du vin dans cette région est postérieure à celle de la Géorgie qui semble plus artisanale.
Si la Géorgie semble tenir la corde dans la course à la domestication de la vigne, il serait hasardeux de conclure sur la base de ces trois découvertes. De nombreuses autres régions du Proche-Orient, en particulier le large arc de terrain montagneux bordant le Croissant Fertile au nord, reste à étudier. Le Néolithique n’est pas nécessairement la période de domestication de la vigne car une période pré-Néolithique l’a précédée, remontant à environ 10 000 avant JC. Au cours des quatre millénaires qui ont suivi, les premières colonies permanentes, soutenues par les cultures fondatrices, ont été établies. Les sites de cette période doivent encore être découverts et fouillés dans la région SSC de l’est de la Géorgie, mais ils sont bien représentés vers l’ouest et vers le sud dans d’autres régions montagneuses. Avec leur architecture et leurs œuvres d’art monumentales extraordinaires, Göbekli Tepe et Nevali Çori dans les montagnes du Taurus au sud-est de l’Anatolie en Turquie se distinguent parmi les sites néolithiques pré-poteries.
La domestication de trois plantes fondatrices de l’histoire des hommes, le blé épineux, le pois chiche et la vesce amère, a été attribuée à cette région. Il a même été proposé que le blé pour fabriquer de la bière fût l’incitation qui a attiré les humains ici et a conduit à la domestication du grain. La fermentation pourrait avoir été effectuée dans de grandes cuves en calcaire à Göbekli Tepe, qui font l’objet d’analyses chimiques de nos jours. Des bols et des gobelets en pierre ont également été découverts sur les sites qui pourraient être des précurseurs d’exemples de la poterie, et ils étaient parfaitement adaptés pour servir et boire une boisson fermentée. Le chlorite, la pierre dont ils étaient faits, est un minéral argileux hautement absorbant qui conserve d’anciens composés organiques comme la poterie. Les récipients sont actuellement extraits et analysés chimiquement. Mais les habitants de Göbekli Tepe et Nevali Çori ont-ils limité leur consommation d’alcool à la bière de blé? Peut-être ont-ils expérimenté le vin de raisin sauvage d’Eurasie ou l’hydromel du miel. Enfin, il convient de noter que Jiahu dans la vallée jaune de la Chine a toujours la particularité d’avoir produit le premier vin de raisin au monde confirmé chimiquement, dès environ 7 000 ans avant JC. Ce vin a probablement été élaboré à partir d’une espèce sauvage locale (Vitis amurensis riche en sucre). Cependant, cette boisson fermentée du début du Néolithique n’était pas purement un vin de raisin, comme cela semble avoir été le cas dans le Caucase du Sud, mais était combinée avec du vin de fruits d’aubépine, de la bière de riz et de l’hydromel.
UNE ÉTUDE D’IMPORTANCE MAJEURE REMET EN CAUSE LA DOMESTICATION DE LA VIGNE ET SA DATATION
Un article publié dans la prestigieuse revue Science en début 2023 a remis en cause sur la base d’analyses génétiques l’histoire de l’origine de la vigne. Alors que l’on pensait que la domestication de la vigne provenait de la Transcaucasie (Géorgie, Arménie et Azerbaïdjan d’aujourd’hui) il y a environ 8 000 ans, il y a en fait eu une autre région de domestication dans les pays du Levant (Israël, Palestine, Liban et Jordanie). De plus, les origines de la domestication sont plus anciennes et remontent à 11 000 ans. Les chercheurs ont travaillé sur 2 448 génomes de vigne prélevés dans 23 institutions dans 16 pays. Ce sont les raisins domestiqués au Levant qui ont progressé vers l’ouest avec les populations humaines et, par une série de croisements accidentels avec des vignes sauvages, en Europe, ils ont donné naissance aux variétés Vitis vinifera largement cultivées aujourd’hui. Les vignes domestiquées du Caucase, jusqu’à présent considérées comme les ancêtres des raisins de cuve dans le monde entier, ont donné naissance aux variétés actuellement cultivées en Géorgie et en Arménie, et sont d’origine très différente, bien que les raisins partagent des caractéristiques communes, car les sélections qui ont accompagné la domestication ont été effectuées sur les deux catégories de raisin. La domestication au Levant concernait initialement le raisin de table destiné à la consommation et non à la vinification, elle a fini par avoir une énorme influence sur le monde moderne du vin. Depuis le Levant, ces raisins domestiqués de Vitis vinifera se sont répandus vers l’est à travers l’Asie centrale, en Inde et en Chine, en suivant le corridor montagneux d’Asie intérieure (un itinéraire emprunté par d’autres plantes et civilisations) et ils se sont étendus au nord jusqu’au Caucase, en passant par les montagnes du Zagros, puis au nord-ouest à travers l’Anatolie jusqu’aux Balkans. Et ils se sont également répandus vers l’ouest sur la côte nord-africaine. Ils ont également voyagé dans la péninsule ibérique et en Europe occidentale.
Les raisins du Levant sont arrivés en Europe, ils ont été croisés avec des raisins sauvages locaux pour produire des raisins plus petits, moins sucrés avec des peaux plus épaisses qui n’étaient pas très bons à manger, mais qui en fait étaient parfaits pour faire du vin. La majeure partie de notre patrimoine viticole provient de cette lignée.
il n’y a pas de preuves archéologiques directes de raisins domestiqués à une époque aussi précoce. Cependant, l’équipe a également daté génétiquement l’âge des raisins dans divers endroits à travers l’Europe, et ils correspondent à la propagation initiale de l’agriculture. Pour en être absolument certain il faudra récupérer des génomes anciens à partir d’échantillons archéologiques de pépins de raisin. Plus difficile à dire qu’à faire. Lire: LES ORIGINES DE LA DOMESTICATION DE LA VIGNE ET DES CÉPAGES
Que s’est-il donc passé pour que ces régions viticoles, fondatrices de la culture de la vigne, avec une aussi riche culture, soient devenues des pays viticoles de seconde zone de l’ère viticole moderne ?
La culture «culture Shulaveri-Shomu Tepe » fut supplantée entre -4000-2000 A.V. JC., par la culture Kura-Araxe qui dura 2 000 ans; elle s’étendait sur une vaste zone d’environ 1 000 km sur 500 km et englobait principalement, le sud du Caucase (à l’exception de la Géorgie occidentale), le nord-ouest de l’Iran, le nord-est du Caucase, l’est de la Turquie et jusqu’en Syrie. Cette période fut sans doute une période de stabilité pour la culture de la vigne et pour l’élaboration du vin. Mais la situation géographique de cette culture l’a rendue vulnérable, car entourée par une multitude d’adversaires au fil du temps. Elle dut faire face à de nombreux envahisseurs, Assyriens, Grecs, Romains, Perses, Mongols, Arabes et Turcs qui ont tous envahi la Géorgie et le Caucase au cours des siècles. Les rois assyriens, qui réclamaient un tribut sous forme d’or aux peuples conquis, firent une exception: les Géorgiens purent payer leur tribut en vin.
La culture viticole profondément enracinée depuis le Néolithique, voire depuis pré-Néolithique prendra encore une autre dimension, plus spirituelle, avec la christianisation de la région en 337 après .J.C.. Pendant 300 ans s’ensuivra une période de relative stabilité; elle prendra fin au VII° siècle avec l’invasion des Perses. Les églises furent détruites, les vignobles arrachés, les maisons pillées mais les habitants s’accrochèrent à leur identité, à leur religion, à leurs vignes et à leurs vins. La Géorgie antique, connue sous le nom d’Ibérie, sera alors divisée au début du VIIe siècle en plusieurs principautés qui seront réunifiées finalement au XIe siècle sous le règne de Bagrat III (960 – 7 May 1014). Ce fut alors le deuxième âge d’or du Caucase et de la Géorgie en particulier qui atteint son apogée aux 11e siècle et 12e siècles.
Dès lors, les régions géorgiennes se retrouvèrent écartelées entre les sphères d’influence de l’Empire ottoman et de la Perse séfévide. Cela créa un chaos dans le Caucase, or les périodes de chaos ne sont jamais propices au commerce, mais en dépit des lois turques et perses contre l’alcool, la production viticole ne s’arrêta pas. Le Caucase entier changea de camp pour se retrouver absorbé dans la sphère impériale russe en 1800.
Dmitri Yermakov (Empire russe/Géorgie 1846-1916) Un vendeur de vin avec des outres de vin, Tbilissi v. 1880. Yermakov, était un photographe de l’Empire russe connu pour sa série de photographies du Caucase. Il est né à Tiflis/Géorgie en 1846, fils de l’architecte italien Luigi Caribaggio et d’une mère géorgienne d’origine autrichienne. Elle s’est remariée avec le Russe Yermakov dont son fils Dmitri a pris le nom de famille. De formation topographe militaire, il participe à la guerre russo-turque (1877-1878). Source: American Association of Wine Economists AAWE.
La période d’annexion russe fut d’abord une période de combat et de rébellion, mais aussi de développement de la société et de la culture géorgienne. Les églises furent restaurées, des écoles créées, la littérature géorgienne obtient sa reconnaissance, notamment grâce aux écrivains Tchavtchavadzé et Tsereteli aujourd’hui des références. Les immigrants, à la recherche de libertés religieuses, comme les Souabes apportèrent avec eux leur culture viticole.
Les échanges entre l’Europe et la Géorgie se firent plus réguliers. Des œnologues vinrent étudier en France et le Prince Aleksandre Chavchavadze, homme d’État, poète et fondateur du romantisme georgien devint un producteur de vin important en Géorgie et à l’étranger. La viticulture et la vinification européenne mirent un pied en Géorgie avec le Bordelais Antoine Merle Masseno.
L’arrivée de l’oïdium dans les années 1950 poussa les Géorgiens à abandonner les variétés nobles au profit d’hybrides en particulier l’Isabella. Puis ce fut le phylloxéra qui s’abattit sur les vignobles mais le pays manquait de ressources financières et de compétences pour greffer les ceps sur des souches américaines. Après la révolution russe de 1917, la Géorgie déclara son indépendance mais l’Armée Rouge envahit le pays, il fut incorporé dans l’Union Soviétique par la force avec d’innombrables victimes. La répression combinée aux diverses maladies de la vigne allaient diviser le vignoble par deux en 25 ans.
Sous la direction de Lénine, les paysans furent encouragés à produire car s’enrichir était à terme bénéfique pour l’État. Mais l’arrivée au pouvoir de Staline changea la donne. L’industrialisation et la collectivisation furent introduites à marche forcée et seules les variétés choisies par l’État pouvaient être cultivées. Les planificateurs choisirent des variétés productives, résistantes et faciles à cultiver comme le Rkatsiteli et le saperavi. Staline voyait d’un bon œil le développement de la viticulture géorgienne étant lui-même originaire de ce pays, des recherches furent initiées pour identifier les meilleures zones de production viticole, mais pas dans le but d’améliorer la qualité mais la quantité.
Ces recherches durèrent de 1930 à 1960 et elles sont le fondement du renouveau de la viticulture géorgienne aujourd’hui et elles ont été utilisées pour élaborer la loi sur la Vigne et le Vin promulguée en 1997 et entrée en vigueur le 12 Juin 1998.
En 1980, la superficie du vignoble georgien s’étendait sur 150 000 hectares mais en 1985 Mikhaïl Gorbatchev imposa des lois draconiennes sur la consommation d’alcool, alors de nombreux vignobles furent arrachés et le vin fait maison devint encore plus important.
À l’éclatement de l’Union Soviétique, la Géorgie proclama son indépendance en 1991. La collectivisation céda le pas à la privatisation des terres et à la réforme agraire de 1992 (Decree No. 48-1992). Les paysans héritèrent de 1,25 hectare de terre et les ruraux de 0,25 hectares. Cela provoqua une fragmentation importante du vignoble et l’arrêt du fonctionnement des coopératives. De nombreux vignobles furent arrachés pour être remplacés par l’arboriculturz. En 2010, il ne restait que 45 000 hectares de vignes. L’embargo russe en 2006 et le conflit avec l’Ossétie du Sud en 2008 allaient coûter à la Géorgie 90% de ses exportations vers la Russie. C’est rétrospectivement ce qui pouvait arriver de mieux à la Géorgie car la qualité des vins était plus que médiocre et une certaine proportion était trafiquée.
Cela permit au pays de repenser son modèle économique viticole, de l’orienter vers la qualité et de l’ancrer dans sa riche histoire. Un institut de promotion, l’Association de Vins Georgiens fut créé pour accroître le profil des vins géorgiens à l’étranger, il travaille en étroite collaboration avec l’Agence Nationale des Vins. En 2013, l’UNESCO a accordé le statut de patrimoine culturel immatériel à la méthode traditionnelle géorgienne de vinification en « qvevri », ce qui indique le caractère unique de cette méthode, c’est un message au monde entier : le vin fait partie de l’ancienne culture géorgienne.
Le renouveau est en marche, mais le secteur reste fragile et dépend largement du mouvement des vins nature au travers de l’Association des Vins Naturels. Il en faudra sans doute beaucoup plus pour mettre le pays viticole sur la carte des grands pays viticoles du monde d’aujourd’hui.
Constantine Zanis (1864-1947) Ligne de qvevri – le récipient traditionnel utilisé pour la vinification géorgienne – le long d’une route dans la région de Kakhat’i en Géorgie (fin du 19e ou début du 20e siècle) Source : British Library, Endangered Archives Program https https://lnkd.in/e9xeY9jR
CLIMAT ET SOLS
La Géorgie occidentale jouit d’un climat maritime subtropical humide, tandis que la Géorgie orientale a un très large éventail de climats à différentes altitudes, pendant la même saison, le climat varie de subtropical humide à alpin; sur les sommets, la neige et la glace sont présentes toute l’année. La barrière caucasienne au nord protège la Géorgie des intrusions d’air froid et la mer Noire est une source d’air chaud et d’humidité.
En outre, les monts Likhi et la rivière Chattahoochee divisent la Géorgie en deux régions climatiques distinctes, la région de montagnes au nord-ouest étant plus froide que le reste de pays. L’hiver en Géorgie est caractérisé par des températures douces et de faibles chutes de neige, le potentiel de neige et de glace augmentant dans les parties nord du pays. Les températures diurnes d’été en Géorgie dépassent souvent 35°C (95°F). Les précipitations annuelles vont de 1 000 à 2800 mm à l’ouest et entre 300 à 800 mm à l’est. La température moyenne annuelle est de 11 à 12°C. La température moyenne en juillet dans l’est du pays est de 24-25°C à 450 m d’altitude et 22-23 °C en Géorgie occidentale à la même altitude. Malgré un climat modéré la Géorgie a parfois des conditions météorologiques extrêmes. La température la plus élevée jamais enregistrée est de 44°C (112°F) tandis que la plus basse jamais enregistrée est de -27°C (-17°F).Des vagues de chaleur avec des températures supérieures à 38 °C (100°F) ont souvent été enregistrées.
Climat actuel
Climat futur
À l’exception de la région fertile de la plaine de Kolkheti, la Géorgie est en grande partie montagneuse et plus d’un tiers est couvert de forêts ou de broussailles. La remarquable variété de paysages va des rives subtropicales de la mer Noire à la ligne de crête enneigée du Caucase. Au nord il y a les hautes montagnes du Caucase, au sud les montagnes Trialeti. Les monts Likhi, du nord au sud, divisent le pays en deux (Géorgie orientale et occidentale). Les principaux vignobles poussent sur des lithosols (sols désertiques), des lithosols bruns rougeâtres clairs (cinnamonique ou couleur cannelle) de prairies, des sols gris rougeâtres clairs cinnamoniques (châtaigne), d’humus brut noir calcaire, forêt noire de prairie, forêt cinnamonique et des sols alluviaux avec leurs sous-types. Les sols cinnamoniques garantissent les meilleures conditions de culture.
C’est sur ces sols que viennent les vins des régions viticoles les plus connues comme Tsinandali, Vazisubani, Akhasheni, Gurjaani, Manavi et Kardenakhi. D’autres sols avec de bonnes caractéristiques vinicoles sont l’humus calcaire brut (principalement des roches calcaires et carbonatées à Racha-Lechkhumi), la forêt brune, les sols rouges, les sols jaunes, les alluvions, les alluvions de prairie et les podzols (sol acide, très délavé) sont répartis dans les principales régions viticoles de l’ouest de la Géorgie.
Source: researchgate.net
RÉGION VITICOLES
D’un point de vue viticole, la Géorgie est divisée en deux sous-régions majeures : la Géorgie Orientale et la Géorgie Occidentale. La Géorgie Orientale abrite les sous-régions de Meskheti, Kartli et Kakheti (la plus importante région viticole de Géorgie), elle-même divisée en Kakheti Intérieure et Kakheti Extérieure.
La Géorgie Occidentale est aussi divisée en plusieurs sous-régions, Iméréthie, Adjarie, Guria, Abkhazie, Lechkhumie, Racha (ces deux régions étant souvent regroupées).
Le pays possède 24 DOPs (GIs) dont 18 sont répertoriées dans l’Union Européenne. Pour consulter le détail des régions viticoles et les cartes, cliquez sur le lien suivant : RÉGIONS VITICOLES GEORGIE
CÉPAGES
Les cépages qui demandaient une pollinisation ont largement disparu. Certains cépages anciens survivent sans doute dans les jardins familiaux. Jancis Robinson (The Wine Grapes) recense 27 cépages autochtones en production pour la Géorgie. Les trois quarts des cépages plantés sont des variétés blanches et le Rkatsiteli est de loin le cépage le plus planté avec 40% de la superficie d’encépagement.
Pour les rouges, le saperavi fait la course en tête. Plus généralement, les producteurs de la Géorgie Orientale se concentrent sur le rkatsiteli et le mtsvane pour les blancs et le saperavi pour les rouges alors que les producteurs de la Géorgie Occidentale misent sur le tsolikouri, le tsitska et le krakhuna, tous des variétés blanches. Pour consulter les détails des cépages géorgiens, cliquez sur le lien suivant : CÉPAGES GÉORGIE
LÉGISLATION ET RÉGLEMENTATION
La première législation significative géorgienne de l’ère moderne date du 30 septembre 1998. Elle avait pour but de légiférer pour garantir l’authenticité des produits et des vins géorgiens. Le 22 juin 1999 la Géorgie promulgua une loi sur les appellations d’origine des produits et les indications géographiques, elle devait entrer en vigueur le 1ier novembre 2019. Mais le décret d’application ne fut publié que le 28 février 2002. Le décret définissait les limites de 16 régions viticoles et les cépages qui y était autorisés. Pour consulter le détail de la législation géorgienne, cliquez sur le lien suivant : LÉGISLATION ET RÉGLEMENTATION GEORGIE
Un fabricant de spiritueux avec une outre à vin. Géorgie, Tbilissi, années 1890. Auteur F. Orden, Kunstkamera. Source: American Association of Wine Economists AAWE
Par rapport à 2022, la valeur des exportations de vin de la Géorgie en 2023 a augmenté de 2,6 %, avec une croissance particulièrement forte en Allemagne (+42,6 %). Dans l’ensemble, le volume des exportations est passé de 101 millions de litres à 90 millions de litres. Mais les prix moyens à l’exportation ont augmenté presque partout et ont plus que compensé la baisse des quantités. Les marchés les plus rémunérateurs sont le Japon (7,18 $/l), la France (6,49 $/l) et les États-Unis (6,19 $/l) – contre 2,70 $/l pour la Russie. Source: American Association of Wine Economists AAWE