Retour à la mappemonde
LIBAN

DESCRIPTION DU PAYS

Wikipedia.org

Beyrouth au XIXe siècle. Source: Public Domain

LE LIBAN VU D’AILLEURS 

Le Liban est un pays minuscule (10 400 km², 6, 3 M d’hab) situé au Proche-Orient, au cœur d’une région instable, convoitée, déchirée. En grande partie montagneux, entouré par la Syrie au nord et à l’est, Israël au sud et Chypre au large ; Beyrouth est la capitale.

       Le Royaume-Uni et la France négocièrent entre fin 1915 et début 1916, les accords secrets «Sykes-Picot»,  prévoyant le partage des dépouilles de l’Empire ottoman au Proche-Orient après la fin de la Première Guerre Mondiale. Pourtant ce projet était en contradiction avec les trois promesses faites auparavant :  un grand royaume aux Arabes qui s’étaient soulevés contre l’Axe (épisode Lawrence d’Arabie),  un foyer national  en 1917   pour les juifs ( par la déclaration Balfour)  et une seigneurie à la famille hachémite. La SDN confia à la GB le verrou stratégique du canal de Suez vers la route des Indes britanniques, ainsi que l’Egypte et la Palestine ; la France reçut  la Syrie dont elle détacha le Liban, créant un nouvel Etat, ouisqu’il y avait  une minorité chrétienne maronite.

Par Incorporates artwork by Howard Terpning — http://www.impawards.com/1962/lawrence_of_arabia_ver3.html, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/

     Du fait de sa composition pluriconfessionnelle, le Liban se dota en 1926 d’un système politique original fondé sur une répartition du pouvoir proportionnelle au poids démographique de chaque communauté religieuse, c’est le confessionnalisme (musulmans sunnites et chiites, chrétiens orthodoxes et maronites, Druzes), il ne sera modifié qu’en 1989.

Le principal conflit dont les conséquences vont affecter le Liban est celui qui oppose le nouvel Etat, Israël, créé en 1948  sous les auspices de l’ONU,  à ses voisins arabes, faibles et divisés, solidaires seulement le plus souvent  dans la rhétorique contre le nouveau voisin. Premier conflit armé, en conséquence : 700 000 réfugiés palestiniens sont expulsés ou s’enfuient, et se réfugient dans les pays voisins, Liban, Jordanie. Dans les deux pays, cet afflux va bouleverser la composition de la population et donc le système politique libanais. Le Liban devenu refuge va se retrouver accusé d’être un sanctuaire, une base arrière, pour les ennemis d’Israël. On le verra à plusieurs reprises.

La région est une poudrière et devient  en plus un nouveau  terrain de la Guerre Froide : en 1955 les EU créent le pacte de Bagdad avec le Royaume-Uni, le Pakistan, l’Iran, la Turquie dirigé contre l’URSS. Et ils vont supplanter les anciennes puissances européennes dans la région avec en 1956 l’expédition militaire conjointe la France, la Grande-Bretagne et Israël,  menée contre l’Egypte de Nasser  qui avait osé nationaliser le canal de Suez. Le pays des pharaons est soupçonné d’être sous influence de l’URSS qui lui a proposé de financer le barrage d’Assouan, après le refus des Occidentaux.  En 1958 : intervention directe des EU au Liban et en Jordanie « contre le communisme », ou par l’intermédiaire d’Israël dont les Etats voisins refusent toujours d’accepter la légitimité du voisin et qui s’est doté d’armement moderne, y compris de l’arme nucléaire.

La question palestinienne était le nœud principal des conflits, elle s’étend au-delà des frontières d’Israël, comme en Jordanie, où en 1971 le massacre de « Septembre noir » provoque un nouvel afflux de Palestiniens au Liban : Arafat et ses combattants sont expulsés par le roi Hussein. Après les échecs de l’OLP, la guérilla est menée au fil des décennies par les Palestiniens des territoires occupés ( Golan, Gaza, Cisjordanie depuis la Guerre des Six Jours en 1967), d’abord par des intifada ( guerres des pierres) infructueuses.

Dans la région donc, depuis 1948 les guerres ont continué : 1956 donc,  1967 la Guerre des Six Jours, 1973  la Guerre du Kippour entre  Israël et l’Egypte,  puis les guerres américaines  du Golfe. Puis la radicalisation aboutit à la création de mouvements radicaux,  à des tirs de roquettes quotidens contre le territoire de l’Etat hébreu. La Syrie et le  Liban sont  accusés de fournir une base arrière, un sanctuaire aux ennemis d’Israël. Puis l’Iran, ancien allié des EU, entre dans le jeu après la chute du schah, la nouvelle puissance chiite est accusée d’armer le Hezbollah … https://www.cairn.info/revue-les-cahiers-de-l-orient-2013-4-page-35.htm

Et entre l975 et 1992 : une terrible guerre civile déchire le Liban : au fil du temps, la présence des réfugiés palestiniens a bouleversé l’équilibre confessionnel. Cette guerre a des enjeux aussi bien libanais que régionaux et internationaux. En 1996 : Tsahal ( « l’armée du peuple » en hébreu ) lance une nouvelle offensive contre le Liban, en occupe le sud jusqu’en juin 2000. Au cours de l’occupation, des combats, et d’une politique d’expulsion délibérée, le nombre des habitants de la région passe de 800 000 à 70 000. Nouveau conflit armé en 2006 : Tsahal attaque le sud du Liban en raison des attaques de roquettes du Hezbollah contre les villes israéliennes. En 2013 : Israël mène tout au long de l’année des attaques contre des positions du Hezbollah. Aujourd’hui, la zone est surveillée par la FINUL, chargée de s’interposer entre Israéliens et Libanais.

Les débris sur la Place des Martyrs à Beyrouth, la capitale libanaise, en 1982.Par James Case from Philadelphia, Mississippi, U.S.A. — Peace, CC BY 2.0, https://commons.wikimedia.org/

En 2018, le premier ministre libanais Saad Hariri décida de déposer une plainte contre Israël à l’ONU après une violation de l’espace aérien libanais par l’aviation israélienne…

      Entre son indépendance et la guerre civile (1975-1992), le Liban avait connu une relative prospérité économique et une stabilité politique, fondées sur la forte croissance du tourisme, de l’agriculture, du secteur des finances et des services (banque, assurances…). Le pays était alors considéré comme le coffre-fort du Levant et comme « la Suisse du Moyen-Orient », en raison de son poids et de sa puissance financière.  A la fin de la guerre civile, de grands efforts furent faits pour reconstruire les infrastructures du pays et une économie viable, par le biais d’investissements colossaux de l’État, de l’Arabie Saoudite, de pays du Golfe Persique, de l’Union européenne.

Récemment, en août 2020, le Liban a été frappé par deux explosions catastrophiques dans le port de Beyrouth, la ville a été déclarée « sinistrée ». Le souffle a été ressenti jusqu’à Chypre, à plus de 200 kilomètres, le paysage est apocalyptique. Le drame a fait autour de 200 morts et des milliers de blessés. Quelle stabilité pour le minuscule État ?

Le 7 octobre 2023, un terrible pogrom baptisé Déluge d’Al-Aqsa mené depuis la bande de Gaza aux mains du Hamas, assasina plus de 1000 morts, kidnappa 200 civils  de tous âges ainsi que des soldats israéliens et continue depuis d’arroser de roquettes le territoire hébreu. Le terrible chantage s’installe dont les   otages capturés, parmi eux une quarantaine d’enfants et adolescents détenus dans la bande de Gaza, sont l’enjeu d’un échange éventuel contre des prisonniers palestiniens. Certains sont morts.

En France, des artistes, un producteur de cinéma et un patron nés au Liban sont ou étaient célèbres : Amin Maalouf, écrivain, Fayrouz la chanteuse surnommée « La voix du Liban », Salma Hayek, Delphine Seyrig, Omar Charif, Thomas Langmann et dans une autre catégorie  Carlos Ghosn  chef d’entreprise franco-libano-brésilien ( Aïe).

Omar Charif: Par Nicolas Genin from Paris, France — 66ème Festival de Venise (Mostra), CC BY-SA 2.0, https://commons.wikimedia.org/

PRÉSENTATION DU PAYS VITICOLE

Les vignobles du Liban s’étendent sur 2120 hectares pour la production de raisins de cuve et jusqu’au début des années 2019, date du retournement économique, le vignoble était en pleine croissance avec environ 150 hectares supplémentaires plantés chaque année. 60% des vignes se concentrent dans la plaine de la Bekaa.  La production annuelle est de 9 millions de bouteilles que produisent 60 producteurs. Même si l’on recense 70% de petits producteurs, 40% de vins sont produits par les 2 grands domaines, Ksara et Kefraya.  Les rouges dominent la production avec 55 %, les blancs représentent 35% et les rosés 14 % ; la production de vins doux et d’effervescent est de 5 %. La plupart des vins rouges (79%) sont des assemblages.

La consommation intérieure était de 5 millions de bouteilles en 2019 et 4 millions de bouteilles sont exportés. Les principaux marchés d’export sont le Royaume-Uni (5 millions d’Euros), la France (2,5 millions), les USAs (1,8 million) et les Émirats arabes-uni. (1,25 million).    Le pays importe aussi 2 millions de bouteilles par an principalement de France (87%), l’Italie (11%) et l’Espagne (2%).

La consommation intérieure par capita était de 0,5 litre en 2019.

HISTOIRE

Le Liban à la particularité d’être un jeune État dont la construction ne date que de 1920 mais c’est un vieux pays viticole dont l’histoire remonte à plusieurs millénaires, sous différents noms (pays de Canaan, Le Levant, Phénicie) même s’il est difficile à dater exactement l’implantation de la viticulture. L’extrême instabilité de la région, les interférences des pays voisins (Syrie, et Israël) et la guerre civile quasi ininterrompu de 1975 à 1990, n’ont pas encouragés les archéologues et les archéobotanistes et autres scientifiques à prospecter le pays et il faut s’en remettre souvent à la littérature pour appréhender la production et la consommation de vin dans la région. Même si la vigne sauvage existe au Liban depuis toujours, le Liban n’est pas une région fondatrice de la viticulture domestiquée car il existe aujourd’hui faisceau de preuves qui la place dans la région montagneuse de Transcaucasie (Caucasie du Sud). La Géorgie tient la corde pour l’instant avec la découverte sur site de Khramis Didi Gora au sud de Tbilissi de traces d’acide tartrique et de résine dans des amphores datant de 6000-5200 A.V.J.C mais de nouvelles prospections pourraient encore remettre en cause cette date car il n’est pas impossible qu’une certaine forme d’élaboration et de consommation de vin aient existé même avant le néolithique.

Dr McGovern dans son ouvrage « Ancient Wine : The Search for the Origin of viticulture » indique que la viticulture domestiquée aurait pu apparaitre dans le pays de Canaan (Liban, Palestine, Syrie et le nord de l’Israël) aux alentours du 5e  millénaire avant notre ère, la viticulture s’étant déplacé vers le sud-est à travers la Mésopotamie et le sud-ouest vers la Syrie. D’après McGovern, la viticulture domestiquée était déjà établie en Palestine (Philistines) et Transjordanie à l’est d’Israël dans la période Chalcolithique au moins 3 500 ans A.V.JC. Ces deux régions sont situées au sud du Liban actuel et la viticulture Elle aurait donc dû atteindre le Liban avant d’atteindre la Palestine.

Le Pays de Canaan. Source: wikipedia.org

UNE ÉTUDE D’IMPORTANCE MAJEURE DE 2023 REMET EN CAUSE L’ORIGINE ET LA DATATION DE LA DOMESTICATION DE LA VIGNE

Résumé

Un article publié dans la prestigieuse revue Science en début 2023 a remis en cause sur la base d’analyses génétiques l’histoire de l’origine de la vigne. Alors que l’on pensait que la domestication de la vigne provenait de la Transcaucasie (Géorgie, Arménie et Azerbaïdjan d’aujourd’hui) il y a environ 8 000 ans, il y a en fait eu une autre région de domestication dans les pays du Levant (Israël, Palestine, Liban et Jordanie). De plus, les origines de la domestication sont plus anciennes et remontent à 11 000 ans. Les chercheurs ont travaillé sur 2 448 génomes de vigne prélevés dans 23 institutions dans 16 pays.  Ce sont les raisins domestiqués au Levant qui ont progressé vers l’ouest avec les populations humaines et, par une série de croisements accidentels avec des vignes sauvages, en Europe, ils ont donné naissance aux variétés Vitis vinifera largement cultivées aujourd’hui. Les vignes domestiquées du Caucase, jusqu’à présent considérées comme les ancêtres des raisins de cuve dans le monde entier, ont donné naissance aux variétés actuellement cultivées en Géorgie et en Arménie, et sont d’origine très différente, bien   que les raisins partagent des caractéristiques communes, car les sélections qui ont accompagné la domestication ont été effectuées sur les deux catégories de raisin. La domestication au Levant concernait initialement le raisin de table destiné à la consommation et non à la vinification, elle a fini par avoir une énorme influence sur le monde moderne du vin. Depuis le Levant, ces raisins domestiqués de Vitis vinifera se sont répandus vers l’est à travers l’Asie centrale, en Inde et en Chine, en suivant le corridor montagneux d’Asie intérieure (un itinéraire emprunté par d’autres plantes et civilisations) et ils se sont étendus au nord jusqu’au Caucase, en passant par les montagnes du Zagros, puis au nord-ouest à travers l’Anatolie jusqu’aux Balkans. Et ils se sont également répandus vers l’ouest sur la côte nord-africaine. Ils ont également voyagé dans la péninsule ibérique et en Europe occidentale.

Les raisins du Levant sont arrivés en Europe, ils ont été croisés avec des raisins sauvages locaux pour produire des raisins plus petits, moins sucrés avec des peaux plus épaisses qui n’étaient pas très bons à manger, mais qui en fait étaient parfaits pour faire du vin. La majeure partie de notre patrimoine viticole provient de cette lignée.

il n’y a pas de preuves archéologiques directes de raisins domestiqués à une époque aussi précoce. Cependant, l’équipe a également daté génétiquement l’âge des raisins dans divers endroits à travers l’Europe, et ils correspondent à la propagation initiale de l’agriculture. Pour en être absolument certain il faudra récupérer des génomes anciens à partir d’échantillons archéologiques de pépins de raisin. Plus difficile à dire qu’à faire. Lire: LES ORIGINES DE LA DOMESTICATION DE LA VIGNE ET DES CÉPAGES

_____________________________________________________________________________________________________________________________________

Si aucun doute existe pour la Syrie dans la diffusion de la viticulture domestiquée, Il existe cependant des interrogations quant à la place du Liban dans la phase d’expansion de la viticulture au Proche Orient. La région a-t-elle été marginalisée de par sa position excentrée et par la chaine de montagne protectrice du massif Anti-Liban ? À L‘âge du bronze Ancien (3200-2000 A.V.J.C.), on assiste à la naissance des cités-États comme Byblos, Tyr, Megiddo sur la côte méditerranéenne du Levant et Byblos devient dans la première moitié du troisième millénaire le plus grand port d’exportation de la côte. On pourrait supposer que la production de vin du terroir libanais et son export vers l’Égypte pharaonique deviendraient un élément de la vitalité du commerce local. Cela ne semble pas avoir été le cas car les archives ne mentionnent que l’export du cèdre, un bois très demandé à l’époque. Passé sous la domination de l’Égypte, le Levant est souvent mis à contribution sous forme de vin. Dans les correspondances entre la cour de pharaons et les royaumes sous domination datant du 14e siècle A.V.J.C., il est fait état d’une fête du vin à Byblos ce qui infère que les environs de la ville doivent avoir des vignobles.

À cette époque, le vin du libanais commence à apparaitre dans la littérature d’Ugarit, un royaume au nord du Liban. Dans des extraits connus sous le nom de Rapiuma, il est écrit : « tout au long de la journée, il verse le vin… du vin pour les gouvernants…. le vin du Liban. ».

L’âge du fer (1200 A.V.J.C.- 333 A.V.J.C.) est l’époque de l’essor de la civilisation Phénicienne, un nom donné par les Grecs pour désigner les peuples s’échelonnant du nord de la Syrie jusqu’au sud de la Palestine. Libérée de la tutelle de l’Égypte et des Hittites, elles disposent d’une période d’autonomie qui lui permet d’étendre considérablement ses réseaux commerciaux, puis de se lancer dans un mouvement d’expansion sur les rives de la mer Méditerranée. Les Phéniciens émigrés fondent alors des cités sur différents sites de Chypre, de Sicile, de Sardaigne, de Corse, de la péninsule Ibérique, de Grèce (Turquie actuelle) et d’Afrique du Nord. Même si le vin est omniprésent dans la vie des habitants au début du règne phénicien, c’est pendant la période allant du 9e siècle et 6e siècle A.V.J.C. qu’il obtient sa reconnaissance internationale.  Le vin devient, même pour les Israéliens le modèle du genre et sous la plume du prophète Osée, on peut lire : « Je serai comme la rosée pour Israël… sa renommée sera comme celle du vin du Liban ».

Byblos. Source: https://whc.unesco.org/fr/list/295/

Une découverte récente de 1999 vient étayer l’existence d’une industrie viticole dynamique à cette époque. Des fouilles à Tell el-Burak, à environ huit kilomètres au sud de la ville côtière libanaise de Sidon, ont révélé les restes bien conservés d’un pressoir à vin utilisé depuis au moins le 7e siècle A.V.J.C. C’est le premier pressoir à vin jamais trouvé sur les terres phéniciennes, qui correspondait à peu près au Liban moderne. Un grand nombre de graines montrent que des raisins y ont été apportés des vignobles voisins et écrasés en foulant les pieds dans un grand bassin de plâtre durable pouvant contenir environ 5 500 litres de jus brut. Une autre découverte, de la même date vient corroborer celle du pressoir. Deux navires coulés ont été découverts à quelques kilomètres des côtes israéliennes datant du 8e siècle A.V.J.C. Ils transportaient des amphores de typologie phénicienne avérée, sans doute tyrienne, qui avait contenu du vin compte tenu de la présence d’acide tartrique dans les résidus analysés. Les chercheurs pensent qu’ils reliaient la cité de Tyr à l’Égypte ou à la nouvelle colonie, Carthage.

Les vins jouissent alors d’une grande réputation et le poète grec Hésiode   écrit à la fin du 8e siècle A.V.J.C : « Alors repose-toi à l’ombre des rochers, bois du vin de Byblos ». En 333 A.V.J.C, la Phénécie passe sous le contrôle hellénistique qui s’étendra jusqu’en 64 A.V.J.C., date à laquelle commence la conquête romaine du levant. Cette époque voit l’apogée des vins de Byblos avant qu’ils ne soient supplantés par ceux de Sidon. On frappe même de la monnaie à l’effigie de Tyr et de Sidon. Le passage à l’autorité romaine s’inscrit dans une continuité culturelle et l’appréciation des gourmets, des critiques et des poètes pour les vins libanais ne faiblit pas. Pline l’Ancien, dans un guide viticole avant l’heure, distingue trois vins libanais dans la catégorie « Outre-Mer ». Le culte de Dionysos est remplacé par le culte de Bacchus. On frappe encore de la monnaie avec l’effigie de Dionysos avec au revers de la pièce l’effigie de l’Empereur. On condamne avec des amendes ceux qui portent atteinte aux vignobles et on pénalise suivant la sévérité de l’infraction.

Pline l’Ancien. wkipedia.org

Le magnifique temple de Bacchus à Baalbek avec ses 42 colonnes et ses 69 mètres de long, construit au 2e siècle A.P.J.C évoque la production viticole pour les profanes. La viticulture est à son apogée à l’époque romaine et Pline l’Ancien référence 91 cépages en terre libanaise en estimant le nombre à environ 400. Pline répertorie aussi les différents types de taille, vigne rampante, échalas, sans échalas, gobelet, treillis, vigne grimpante autour des arbres, une indication glorieuse de la compétence des travailleurs de la vigne. L’Empire Byzantin qui remplace l’autorité romaine ne change en rien la réputation des vins du Liban si ce n’est l’émergence aux vins de Sarepta qui dame le pion à ses illustres rivaux de Tyr de Byblos etc. Si la réputation des vins du Liban dépasse largement ses frontières, elle le doit aux vignobles des côtes, ceux de l’intérieur des terres étant relégués au second rang. C’est sous l’époque byzantine que l’on commence à attribuer au vin des propriétés médicinales, en particulier grâce au physicien Alexandre de Tralles (526-605). La période byzantine est aussi riche par ses mosaïques dont le thème récurrent est la vigne et le vin en particulier celle trouvée à Qabr Hiram aux environs de Tyr.

Source:Par Eternalsleeper , Domaine public, https://commons.wikimedia.org/

Godefroy de Bouillon dans sa tour de siège à l’assaut de Jérusalem. Source:  Source: wikipedia.org

La région tombe sous la domination musulmane de 636 à 1099. Le contrôle de la dynastie omeyyade de 661 à 750 se fera avec une certaine tolérance envers les populations chrétiennes. Le paiement d’un impôt explique dans un premier temps la mansuétude des envahisseurs. Mais l’Islam impose sa loi au 8e siècle avec l’interdiction de vendre du vin. Avec, en plus les combats qui se déroulent, des vignobles sont abandonnés et d’autres tombent en déshérence. Mais l’impôt prélevé sur le commerce des vins a souvent raison de la piété des autorités. Les combats continuent quand les Byzantins essaient de reconquérir leurs territoires pratiquant souvent la politique de la terre brulée qui désorganise les populations.

La période des croisades sonne le réveil et la revitalisation de la viticulture et du vin. La vigne à cette époque se concentre majoritairement dans les agglomérations urbaines en particulier à Tripoli mais aussi à Tyr, Byblos. La parenthèse des croisés s’achèvera en 1289 par la prise de Tripoli mais elle reste une période faste pour la viticulture et le vin. En 1258, les Mamelouks prendre le contrôle du l’Égypte et des territoire environnants. Les chrétiens maronites subissent dès lors les persécutions des Mamelouks qui coupent, en autres, les ceps de vignes pour les priver d’une ressource alimentaire et aussi pour les priver d’un symbole religieux important. Malgré l’attitude répressive des musulmans, la consommation et la vente ne sont pas totalement interdites et l’impôt fait office de tolérance. Si la période de domination musulmane ne fut, dans l’ensemble, pas totalement négative, elle mis un frein à l’essor du commerce du vin car les références au vin et à l’alcool furent largement éliminées. Les voyageurs de l’époque évoquent parfois les libertés prises par certains musulmans avec l’interdiction de consommer du vin.

Château Ksara. Source: Ksara

La bataille de Marj Dabiq au nord d’Alep met fin à la domination des Mamelouks en 1516 et le Liban passe aux mains des Ottomans. Au 16e, 17e  et 18e siècles encore une fois, l’impôt sera la solution adopter pour la viticulture et le vin plutôt que l’interdiction. Cela aura quand même pour conséquence un repli de l’industrie viticole, les producteurs ayant tendance à se consacrer à d’autres cultures et de produire du vin plutôt pour leurs besoins personnels et ceux des proches.  L’élaboration du vin continue tant que les populations musulmanes respectent les interdits et elles se contentent des produits dérivés de la vigne. À cette époque, les moines se dévouent sans relâche pour assurer le succès de la viticulture de montagne, qui en ce siècle, sort de l’anonymat auquel la viticulture des centres urbains l’avait auparavant condamné.  Au 10e siècle l’Empire ottoman est au sommet de sa puissance et attire les chancelleries d’Occident. Profitant d’un contexte favorable, des missions religieuses chrétiennes fondent des établissements au Liban. Le monde s’interconnecte plus rapidement avec un transport maritime de plus en plus rapide. Les statistiques font leur apparition dans la gestion de l’économie et pour l’année 1843, on recense une production viticole de 24 500 hectolitres de vin. Ces statistiques montrent aussi, qu’à la même époque, les imports de vin en provenance de France sont importants et que les exports sont négligeables. D’autre part, la part du vin dans la richesse nationale est faible ; le vin, le tabac et les fruits secs ne représentent que 7, 5% du PIB. Mais l’importance des imports est conjoncturelle car la France vient d’envoyer un contingent de soldats pour enrayer les violences entre les communautés religieuses Druzes et Maronites. Le fait que l’armée ne s’approvisionne pas un niveau local met en lumière le manque de filière viticole structurée au Liban. Une autre donnée statistique intéressante est révélée par les quantités de raisins produits. 500 tonnes pour la montagne du Liban et 400 tonnes pour la Bekaa qui devient un pole émergent important de la   production. De plus, les prix de raisin de la plaine sont supérieurs à ceux de la montagne. Le géographe Vital Cuinet (1833-1896), dont le travail s’appuie sur les registres ottomans, chiffre la superficie viticole à 1977 hectares qui produisent 3 6664 353 kg de raisins toutes catégories confondues ; le vin représentant 202 691 kg avec un rendement moyen de 1,5 tonne par hectare, ce qui équivaut à superficie de 135 hectares de vignes pour les raisins de cuve. Certes, ces chiffres sont à prendre avec précaution mais c’est une bonne indication de la déliquescence de l’industrie viticole tournée vers l’autosuffisance sous la domination ottomane. François-Eugene Brun, un ingénieur Français arrivé au Liban en 1 859 sera à l’origine d’un regain d’activité vinicole avec la création du domaine des Tourelles en 1 868 à Chtaura près de Zahlé dans la Bekaa. De même, les Jésuite prennent aussi leur marque dans la Bekaa à la suite d’une donation de terre marécageuse à Tanaïel, qu’il faudra combler avant de la  cultiver utilement. Mais c’est sous l’impulsion du Père André Kirn, que la viticulture prend son essor au domaine de Ksara qui sera amalgamé avec le domaine de Tanaïel. Sous l’impulsion de Ksara.  La viticulture commence alors à se transformer avec l’adoption de tailles plus appropriées  que celle des vignes rampantes. De nouveaux cépages sont introduits illégalement car on est en pleine crise de phylloxéra en Europe. Ce sont principalement des cépages méditerranéens, comme la clairette, le macabeu, le malvoisie, le picardo et l’ugni blanc et l’aramon, le carignan, le cinsault et le grenache pour les rouges. 80% du vignobles est détruit par le phylloxera fin du 19e siècle et le vignoble est majoritairement replanté avec des cépages internationaux aux dépens des variétés locales.

Source:Par Eternalsleeper , Domaine public, https://commons.wikimedia.org/

 Mais les changements vers un industrie viticole moderne sont lents et sur la scène internationale seul le Vin d’Or, un vin doux (et peut-être sec aussi), tire son épingle du jeu. Il faudra attendre la création du domaine de Château Musar en 1930, pour que le vin libanais arrive sur les radars des vins de classe internationale et qu’il gagne ses lettres de noblesse fin des années 1970.  Le domaine est la création de Serge Hochar, qui a étudié l’œnologie à Bordeaux et qui s’est pris d’amitié avec le bordelais Ronald Barton du château bordelais Langoa-Barton, alors en poste au Liban durant la Seconde guerre mondiale. Mais l’industrie viticole connaîtra son vrai renouveau avec la fin de la guerre civile en 1990 qui aura duré 25 ans avec l’arrivée de nombreux petits producteurs sur le marché.

L’Institut national de la vigne et du vin, annoncé dans la loi de 2000 sur le vin a été   finalement créé en 2013. Un musée du vin, sous l’égide des frères Saadé  du Château Marsyas et lancé  avec tambours et trompettes par   le ministre de la culture de l’époque,  devait voir le jour  dans la Bekaa en 2013. Le projet semble avoir été renvoyé aux calandres grecques mais le Liban dans la situation actuelle à d’autres chats à fouetter.

 Le retournement de la conjoncture en 2019 avec une situation économique catastrophique, une inflation galopante et l’instabilité politique chronique du pays n’augure rien de bon pour le marché intérieur des vins et les marchés d’export apparaissent aujourd’hui comme le fil d’Ariane de l’industrie viticole libanaise.

Vignoble du Liban. Source: Vins du Monde

Climat actuel

Climat futur

Vignoble du Liban. Source: Vins du Monde

CLIMAT

Il existe de forts contrastes locaux dans les conditions climatiques du pays. Le Liban est inclus dans la région climatique méditerranéenne, qui s’étend vers l’ouest jusqu’à l’océan Atlantique. Les tempêtes hivernales formées au-dessus de l’océan se déplacent vers l’est à travers la Méditerranée, apportant des précipitations à cette saison ; en été, cependant, la Méditerranée reçoit peu ou pas de précipitations. Le climat du Liban est généralement

Subtropical et se caractérise par des étés chauds et secs et des hivers doux et humides et la température annuelle moyenne est  de 15˚C (59 oF). Le long de la côte, les étés sont chauds et humides avec des températures dépassant les 35°C (95 oF) en août. Mais en raison de l’effet modérateur de la mer, la plage de températures quotidiennes est plus étroite qu’à l’intérieur des terres. Janvier est le mois le plus froid, avec des températures autour de 5 à 10°C (41-50 oF).

Presque toutes les précipitations tombent en hiver, atteignant en moyenne 750 à 1 000 mm (30 à 40 pouces) sur la côte et atteignant plus de 1 270 mm (50 pouces) à des altitudes plus élevées. Sur les sommets, ces précipitations tombent sous forme de neige abondante qui reste jusqu’au début de l’été. Environ 70% des précipitations moyennes dans le pays tombent entre novembre et mars et se concentrent sur quelques jours seulement de la saison des pluies, tombant sous forme de fortes averses ou de violentes tempêtes.

SOLS

90% de la viticulture du Liban se concentrent dans la vallée de la Bekaa. Les 10% restant se trouvent dans le sud du pays et dans le district de Batrun dans le nord du Liban et au sud de Tripoli.  La  Bekaa est une longue vallée étroite à une altitude qui avoisine ou dépasse les 1 000 mètres et qui s’étend nord-sud sur 65 kilomètres entre les montages du Liban et de l’ Anti-Liban. Ces chaînes protègent la vallée des influences désertiques à l’est  et des influences maritimes à l’ouest.
L’encépagement à l’origine était en cinsault mais avec l’influence française, on trouve aujourd’hui  des carignan,  grenache, cabernet sauvignon, syrah,  mourvèdre, uni blanc, clairette chardonnay et viognier. Mais aussi deux cépages autochtones blancs particulièrement intéressants, l’ obeideh et le merveh mais pas de cépages autochtones rouges.
​Aujourd’hui, le Liban compte  environ 27 000 hectares de vignes mais seulement un peu plus  de 2 000 hectares de raisin de cuve et la production se situe aux alentours de 6 000 tonnes par an soit 45 000 hectolitres. 35 % de la production sont exportés. Il existe une quarantaine  d’exploitations qui se partagent le marché.

Source: researchgate.net

Le Liban est un pays montagneux, qui s’étend sur environ 60 km de large d’ouest en est et sur environ 225 km le long de la côte méditerranéenne du nord au sud. Environ 8 pour cent sont couverts de forêts et de broussailles méditerranéennes.

Topographiquement, il y a quatre zones parallèles nord-sud qui sont, d’ouest en est, comme suit :

La bande côtière plate et étroite parallèle à la mer Méditerranée ;

Les Montagnes du Liban, une chaîne de moyenne montagne jusqu’à 1 000 m d’altitude

et hautes montagnes atteignant 3 087 m d’altitude à Qurnat as Sawda  au nord du Liban ;

La fertile vallée de la Bekaa à environ 900 m d’altitude ;

La chaîne montagneuse de l’Anti-Liban, qui culmine à 2 800 m et s’étend sur la frontière orientale avec la République arabe syrienne.

Environ 70 pour cent des terres du Liban sont constituées de roches carbonatées du moyen jurassique à l’éocène. Les sols du Liban sont typiquement méditerranéens, généralement calcaires à l’exception des sols sablonneux formés sur les couches crétacées basales de la plaine du Akkar et des sols alluviaux du centre et de l’ouest de la vallée de la Bekaa. Le Liban a un relief complexe composé de terres en pente escarpées. Le fort gradient de pente est un facteur physique majeur, exacerbant l’érosion hydrique de la couche supérieure du sol et conduisant à une structure faible et à une capacité de rétention d’eau réduite.

Dans la principale région viticole du pays, La Bekaa, le principal type de sol est constitué de cambisols eutriques au centre plat de la vallée et de leptosols lithiques des deux côtés de la vallée, où des pentes modérées commencent à se former.

RÉGIONS VITICOLES

D’un point de vue viticole, on peut diviser le Liban en quatre sous-régions, le Liban méridional (Liban sud), le Mont Liban, la vallée de la Bekaa et le Liban septentrional (Liban nord). La Bekaa est aussi généralement divisée en quatre sous-régions, la Bekaa occidentale, la Bekaa Centrale, la Bekaa orientale et la Bekaa septentrionale. Pour en savoir plus sur les régions viticoles du Liban, cliquez sur le lien suivant :   LIBAN RÉGIONS VITICOLES

CÉPAGES 

Les cépages les plus cultivés dans le pays sont par ordre décroissant : cabernet sauvignon, syrah, tempranillo, merlot, chardonnay, viognier, sauvignon blanc, cinsault, grenache, cabernet franc, muscat, arinarnoa, mourvèdre, caladoc, carignan, pinot noir, clairette, merwah, petit verdot, sangiovese, ugni blanc, carménère, obaideh , vermentino et marselan. Pour consulter le détails des cépages, cliquez sur le lien suivant: LIBAN CÉPAGES

LÉGISLATION ET RÈGLEMENTATION

La règlementation sur les vin est régie par la loi numéro No 216 relative à la production, la fabrication, la vente et l’importation du vin du 29 mai 2000 . Pour en savoir plus sur la législation et la règlementation des vins du Liban, cliquez sur le lien suivant: LÉGISLATION ET RÉGLEMENTATION LIBAN

NOS PARTENAIRES POUR LE LIBAN