DESCRIPTION DU PAYS
LA TUNISIE VUE D’AILLEURS
La Tunisie est un petit pays de 163 610 km², (comme l’IIe de France). A 140 km de l’Europe par le canal de Sicile.
Vive la culture !
Le passé a légué au pays, à profusion : sites archéologiques, monuments et musées, architectures originales, urbanisme spécifique, décoration, art de la céramique et des tapis ; de nombreux vestiges sont encore visibles : Dougga, Sbeïtla Bulla Regia, El Jem. La Tunisie fut pendant six siècles le siège d’une civilisation romano-africaine d’une exceptionnelle richesse. Autant de traces des peuples qui ont envahi le pays puis ont été assimilés à des degrés divers : les Phéniciens fondent le premier comptoir à Utique en 1101 av. J.-C. puis Carthage en 814 av. J.-C., détruite en 146 av. J.-C. Et Rome s’installe dans les décombres établit la province romaine d’Afrique dont Utique devient la première capitale. En 44 av. J.-C., Jules César fonde la Colonia Julia Carthago. C’est une période prospère où l’Afrique devient pour Rome fournisseur essentiel de blé et l’huile d’olive.
Installation précoce de communautés juives et des premières communautés chrétiennes licites en 313 ; puis arrivées venant d’Allemagne en 439 de Vandales et d’Alains qui installent leur royaume dans Carthage pour près d’un siècle. Puis à partir du VIIe les premiers Arabes orientaux islamisent la majeure partie de l’Ifriqiya, créent quelques villes nouvelles dont Kairouan et Mahdia. A partir du XIe siècle l’arabisation linguistique et culturelle s’impose, les dynasties se succèdent : omeyyade, aghlabide, fatimide, normande de Sicile, almohade, hafside. Fin du XVe siècle : des musulmans et juifs chassés de la péninsule ibérique. Et puis, la culture ottomane a légué la mosquée Sidi Mahrez à Tunis, édifiée fin XVII° et au XVIII° des motifs purement anatoliens dans l’art des tapis de Kairouan.
Source: Par Auteur inconnu Domaine public, https://commons.wikimedia.org
Au XIXe siècle, quoique toujours officiellement province de l’Empire ottoman, la Tunisie acquiert une grande autonomie, Ahmed Ier Bey veut faire adopter en 1861 une véritable Constitution dans l’héritage des idéaux de la Révolution française de 1789, remise à l’empereur Napoléon III.
Au XIX° siècle, Les Français imposèrent le régime du Protectorat par le traité du Bardo en 1881.
Les 11,8 M (2023 est.) de Tunisiens sont presque tous musulmans sunnites, principalement de rite malikite.
Il existe une petite population chrétienne (25 000 ?). Les quelques tribus nomades sont pour la plupart intégrées et sédentarisées. Des groupes descendants des Berbères ont conservé langue et coutumes, en raison de leur enclavement géographique dans les régions de montagnes. Mais les berbérophones, nombreux au Maroc et en Algérie sont ici très peu nombreux (autour de 50 000), dans quelques villages du Sud-Est tunisien, à l’ouest de Tataouine et à l’extrême sud de l’île de Djerba. Il ne reste plus qu’une infime partie de la forte population juive qui a existé durant deux mille ans, c’est l’une des dernières communautés juives vivantes du monde arabe, dans la région de Tunis et à Djerba où autour de la synagogue de la Ghriba, qui contiendrait des restes du Temple de Salomon se tient un pèlerinage annuel fort concouru.
Synagogue de la Ghriba. Source: Par Karl Heinz Paetzold. Domaine public, https://commons.wikimedia.org/
Le désert du Sahara règne sur plus d’1/3 du territoire au sud. Il comprend des chotts (lac salé) , des plateaux rocheux et les dunes du Grand Erg oriental. Les reliefs culminent au Djebel Chambi à 1 544 mètres ; au nord et à l’ouest : des montagnes, la dorsale tunisienne est l’extension du massif montagneux de l’Atlas. Fort peu de plaines, celle de la Medjerda, où coule le seul cours d’eau du pays alimenté de façon continue – selon les critères de l’ONU, la Tunisie est dans une situation de stress hydrique -. A l’est, une plaine s’étend entre Hammamet et Ben Gardane. Le littoral de 1 566 km est parsemé de tombolos (cordons littoraux) et de lagunes, avec des plages sablonneuses et quelques îles dont les Kerkennah et Djerba sur le littoral.
Trois figures tutélaires illustres dans l’histoire de la Tunisie
En 1934 Habib Bourguiba, à 31 ans, fonde le Néo-Destour, fer-de-lance du mouvement pour l’indépendance. Le leader nationaliste est plusieurs fois arrêté et exilé par les autorités du protectorat français, il choisit de négocier avec le gouvernement de la Quatrième République. Lors de l’indépendance en 1956, après la fin du règne du dernier bey de la dynastie des Husseinites il devint le premier président en 1957 quand la république fut proclamée. Il modernisa le pays qu’il dirigera pendant trente ans, le statut de la femme est modifié, vers plus d’égalité avec les hommes, le voile est interdit dans la sphère éducative et l’administration, la polygamie est abolie. « Il appartient en effet au détenteur du pouvoir, en tant qu’émir des croyants, de faire évoluer la législation en fonction de l’évolution du peuple, de la notion de travail et du mode de vie ». En 1950 il brise un tabou en buvant en public un jus de fruit pendant le mois de ramadan. Il fut frappé d’une fatwa de 1974 pour ses propos et ses projets de réformes par le président de l’université islamique de Médine. En 1987, il fut déposé par le Premier ministre Zine el-Abidine Ben Ali, lui-même chassé en janvier 2011 par les manifestations à l’origine des dits « Printemps arabes », qui se réfugie en Arabie saoudite.
Plus loin dans le passé, contemporain de la Peste Noire, de la Reconquista en Espagne, de l’invasion de Tamerlan : Ibn Khaldhoun, mort en 1406, d’origine arabe, est un intellectuel prestigieux. Dans son œuvre majeure, » Le Livre des exemples « , historien, – il insiste sur l’importance des sources-, économiste, géographe, démographe, précurseur de la sociologie. Et il est aussi homme d’État, conseiller ou ministre des souverains berbères du Maghreb à une époque fort troublée. A 45 ans il se retire au Caire, « la métropole de l’univers », sous la domination des Mamelouks, où il rédige son œuvre et enseigne à l’université al-Azhar. Il possède une très grande érudition arabe classique, connaît par cœur le Coran, des hadiths, le droit, la langue arabe littéraire. A lu Platon, Aristote, les textes bibliques. A des connaissances en astronomie et en médecine. Il fut obligé fin 1 400, de conduire une délégation de citoyens de Damas qui demandaient au conquérant timouride Tamerlan d’épargner leur ville et leurs vies, fait prisonnier, menacé de mort, et à la fin, Tamerlan massacra la population, saccagea et incendia la ville.
Le militant syndical Farhat Hached, fils de pêcheur, né en 1914 dans les îles Kerkennah, dans la région de Sfax. Travaillant dans les transports automobiles, à partir de 1936 entre à la CGT. participe à la fondation de l’UGTT en 1946. Alors que Bourguiba refuse toute notion de lutte de classes, les divisions entre Tunisiens, lui est attaché à la défense de la classe ouvrière. Après l’arrestation en janvier 1952 des leaders du Néo-Destour et du Parti communiste, devient le dirigeant de la résistance nationaliste. Soutenu par les syndicats américains, il jouit d’une certaine immunité et pour cela fin 1952, il est assassiné par un commando de « La Main rouge », une organisation de colons, qu’on dit liée aux services secrets français. « Ce meurtre de la personnalité la plus populaire auprès des masses tunisiennes secoue le pays. Dans les semaines qui suivent, des groupes armés engagent le combat au sud du pays. Le combat ne cessera qu’après l’indépendance. »
Farhat Hached. Source: https://fr.m.wikipedia.org/
! Vive le farniente ! ou le paradis touristique
Au XX°siècle, le pays possède les ingrédients parfaits du tourisme balnéaire estival ! Plage, soleil. En 1971, le pays compte 41 225 lits touristiques, 231 838 en 2006. Il est essentiel pour l’économie du pays (équilibre de la balance des paiements, création d’emploi, polarisation des investissements, contribution au PIB -entre 7 et 14 %, selon les sources-, c’est un moteur économique. D’ailleurs, depuis l’indépendance, il a été assimilé à un facteur de modernisation de l’urbain et de la société et il a contribué à la littoralisation de l’urbain.
Mais partout le tourisme est une activité fragile, vulnérable. Et la « destination Tunisie » craint les soubresauts politiques, l’insécurité. La première guerre du Golfe en 1991 fut la première secousse, puis les attentats, le 11 septembre 2001, Djerba en 2002, le Bardo et Sousse en 2015 qui ont fait des dizaines de morts, en majorité des touristes étrangers. Enfin l’instabilité politique, suite à sa révolution de 14 janvier 2011. Et d’autre part, le tourisme de masse est sujet à des modes : le modèle du tourisme de masse balnéaire est usé pour certains. La discordance entre la demande et l’offre touristique locale explique la crise. Le pays subit l’image d’une destination banale, « bon marché », qu’on peut substituer par n’importe quelle autre destination, c’est la destination balnéaire la plus proche de l’Europe Ainsi, commence à perdre ses marchés classiques, notamment français, allemands et anglais, remplacés progressivement par des marchés maghrébins (notamment libyens). Il demeure une activité saisonnière, concentrée sur les mois d’été. Et le tourisme de masse a généré des critiques face aux conséquences sur l’environnement, quand le nombre d’occupants double lors de la saison comme à Djerba, il favorise l’érosion des plages, base du tourisme balnéaire, génère de la pollution, la multiplication des décharges sauvages. Des offres nouvelles alternatives au tourisme de masse ? Des projets épars et écologiques dans tout le territoire, redéploiement spatial du tourisme au profit de l’arrière-pays, tourisme « chez l’habitant » gîtes ruraux, randonnées, campings en plein air, le patrimoine, à Tunis hébergements de charme dans sa médina. Et bien sûr l’écotourisme le parc national d’Ichkeul, dans le nord du pays. Le tourisme durable est envisagé comme étant une alternative au tourisme de masse, coïncidant avec les tentatives des promoteurs du golfe Persique (station intégrée d’El Kantaoui, suivie d’une autre : Montazah-Tabarka). Jusqu’ ici le développement du tourisme saharien n’a pas rencontré de grand succès.Mais un hôtel très luxueux vient d’ouvrir en octobre 2023 aux portes du Sahara
Tunisie /France
La diaspora tunisienne compte 2 540 000 personnes dont 49% sont établis en France, certains ont eu ou ont des attaches avec la Tunisie, sont ou ont été célèbres en France, artistes, politiques et autres, : Claudia Cardinale, Dany Brillant, Richard Anconina, les Boujenah, Victor Lanoux, Ariel Zeitoun, Élie Kakou, Azzedine Alaïa , Achille Zavatta, Philippe Seguin, Bertrand Delanoë, Jacques Haïk, Dove Attia, Max Azria, Gérard Pullicino, Cyril Hanouna, Daniela Lumbroso, la famille Moati, David Charvet, Ons Jabeur nᵒ 2 mondiale dans le classement WTA en 2022. Gisèle Halimi, surnommée « l’insoumise » née en 1927. Avocate, elle défendit des militants du FLN algérien. En 1971 elle fut signataire du manifeste des 343 qui réclament le libre accès à l’avortement, alors réprimé en France. En 1972, lors du procès retentissant de Bobigny, sa plaidoirie fut importante sur le chemin vers le vote de la loi Veil.
Pourquoi ne pas fredonner : « J’aimerais tant voir Syracuse/ L’île de Pâques et Kairouan, Et les grands oiseaux qui s’amusent /à glisser l’aile sous le vent/ Voir les jardins de Babylone… (Henri Salvador, Bernard Dimey,1962).
Et pourquoi ne pas lire ou relire Salammbô de Gustave Flaubert, paru le 24 novembre 1862 ?
PRÉSENTATION DU PAYS VITICOLE
La superficie du vignoble tunisien est estimée aux alentours de 15 000 hectares de vignes (dont les deux tiers se trouvent dans le gouvernorat de Nabeul) dans le nord-est du pays. Environ 9 000 hectares sont réservés aux raisins de cuve. Le vignoble tunisien produit annuellement environ 350 000 hectolitres de vin, en croissance de 40 % depuis 2002. 67 % de la production est assurée par l’UCCV (qui assure aussi 80 % des ventes), par une société privée (Société pour l’industrie et la commercialisation des boissons (10%), par la coopérative viticole de Bou Argoub (7%). Les vins sont consommés pour 60 % en Tunisie, par les touristes mais aussi par la population locale.
Les exportations annuelles atteignent 40 % de la production qui génèrent 12,5 millions d’euros. L’Allemagne et la France sont les deux principaux clients mais des vins sont aussi exportées vers la Suisse, la Belgique, les États-Unis, le Canada et certains pays d’Europe de l’Est dont la Russie.
Les importations de vins ne sont pas libres, elles sont soumises à autorisation. La moyenne des importations de vins durant les 4 dernières années a été́ de 720 hl/an.
La production est commercialisée pour près de 70 % en vin d’AOC dont 20 % bénéficient de la mention « premier cru ».
La consommation annuelle par capita est de 2,2 litres
HISTOIRE
Ce que l’on peut dire en préambule de l’histoire du vin en Tunisie, c’est qu’elle ressemble comme deux gouttes d’eau à celle des deux autres grands pays viticoles du Maghreb, le Maroc et l’Algérie. Comme ces deux deniers, la Tunisie se trouve dans l’aire de répartition de l’espèce sauvage originelle Vitis vinifera L. ssp. sylvestris (Gmelin) Hegi, dont les cépages de Vitis. vinifera L. ssp. sativa ont été domestiqués. Avant l’introduction de la viticulture, les grains de raisin sauvage étaient régulièrement consommés comme fruit par les populations berbères des montagnes de l’Atlas.
On doit l’introduction de la viticulture dans les régions du Maghreb aux Phéniciens (1 200-300 A.V.J.C.). Ils ont développé leurs échanges à travers la Méditerranée avec un flotte robuste grâce au précieux bois de cèdre du Liban qui leur ont permis de construire des navires résistatnts. Ils ont ainsi étendu leur influence du Levant au Maghreb ( : pays du soleil couchant), aux îles grecques, à la Sicile et à la péninsule ibérique. C’est au IXe siècle av. J.-C., que les hardis commerçants phéniciens, atteignirent les côtes tunisiennes et notamment le littoral atlantique. Carthage dans la Tunisie actuelle est créée au début du IXe siècle A.V.J.C (-814). Ils y fondent de nombreux comptoirs tous les trente à quarante kilomètres le long des côtes, ils serviront de bases à de nombreuses cités romaines puis arabes, sur la côte donc, mais aussi ensuite établis à l’intérieur des terres. Leur sens du contact et du commerce (encore visible aujourd’hui) leur ont permis de diffuser non seulement leur alphabet ( le premier de l’histoire ?) mais aussi leur connaissance de la viticulture et de la vinification, y compris la propagation de plusieurs variétés ancestrales de l’espèce Vitis vinifera de raisins de cuve. Les traités agricoles de l’écrivain carthaginois Mago sont parmi les premiers textes les plus importants de l’histoire du vin pour enregistrer les connaissances anciennes de la vinification et de la viticulture. Bien qu’aucune copie originale des œuvres de Mago (Magon) ou d’autres écrivains viticoles phéniciens n’ait survécu, il existe des preuves à partir de citations d’écrivains grecs et romains tels que Columella, que les Phéniciens étaient des vignerons et des viticulteurs patentés. Le Carthaginois est considéré est considéré comme l’écrivain sur le vin le plus ancien au monde. On sait peu de choses sur ses dates et sa vie, il a probablement vécu au IIe siècle av. Une partie de ses écrits est rassemblés dans l’ouvrage « De re rustica » (1), (des affaires rurales) en 28 volumes écrits en punique sur l’agriculture, y compris la viticulture.
L’expansion phénicienne. Source: inconnue via Maxime Blondeau
Les Phéniciens étaient capables de planifier la plantation des vignobles en fonction du climat et de la topographie favorables, par exemple de choisir le bon côté de la pente pour les y implanter. Ils produisaient une grande variété de styles de vin différents allant des vins de paille élaborés à partir de raisins secs, un exemple précoce de la retsina grecque, à base de résine de pin comme ingrédient. Les Phéniciens ont également répandu l’utilisation d’amphores (souvent appelées « jarres cananéennes ») pour le transport et le stockage du vin.
Carthage fut détruite par la République romaine lors de la troisième Guerre Punique en 146 avant JC, puis réaménagée sous le nom de Carthage romaine, qui devint la principale ville de l’Empire Romain dans la province d’Afrique.
Les paysans de ces régions bénéficièrent de conditions favorables, n’étant obligés de payer qu’un tiers de leur récolte aux propriétaires terriens. La législation romaine permettait aux paysans de cultiver des vignes, des oliviers et d’autres arbres fruitiers dans des zones vallonnées qui avaient été abandonnées par leurs propriétaires privés sans payer de loyer les cinq ou dix premières années. La mise en culture de ces espaces a été rendue à la fois possible et nécessaire par l’accroissement considérable de la population qui s’est produit aux Ier et IIe siècles. Un autre but des lois était d’encourager la culture de la vigne et de l’olivier en Afrique. La culture de l’olivier et de la vigne connut ainsi un fort essor dans des régions déjà cultivées, comme la Byzacena, et dans des régions pionnières en Numidie et au-delà en direction du Tell de Mauritanie. La culture du blé s’inscrit dans le sillage de ces cultures, et dès le IIe siècle la Numidie commence à jouer un rôle important dans l’approvisionnement de Rome. Il semble que l’Empire Romain ait considéré l’Afrique du Nord comme son grenier à grains et se soit concentré sur la Gaule pour le développement de la viticulture qui resta sans doute locale en Afrique du Nord sous l’Empire Romain. Cependant dans un article appelé » La présence des vins nord-africains à Rome et à Ostie au Moyen âge impérial », Edoardo Radaelli suggère que du vin nord-africain aurait peut-être été importé dans ces deux villes romaines mais sans doute pas pour l’élite romaine.
Rome cède la place à l’Empire Byzantin en 333 A.P. J.C., et même si l’occupation byzantine est perpétuellement menacée par les Wisigoths d’Espagne et par les Maures, elle va cependant subsister jusqu’à la conquête musulmane du Maghreb au début du VIIIe siècle.
Parlant du vin en terre d’Islam, Fernand Braudel le qualifie de « clandestin infatigable ». Clandestin, mais visible. Si l’on se réfère essentiellement à l’époque islamique, depuis al Bakri (un historien andalou arabe, 1040-1094) jusqu’aux textes de l’ère précoloniale, il est établi que les gens faisaient usage du vin. Georg Host, consul en terre magrébine de 1760 à 1768, atteste : « II est bien connu que, d’après leurs lois, les Maures ne doivent pas boire de vin ni rien qui puisse enivrer, mais ils le font quand même secrètement, certains chez des esclaves chrétiens qui en font commerce, d’autres chez les juifs ; d’autres encore dans leur jardin hors de la ville, pressent le raisin et en laissent fermenter le jus dans de grandes jarres de terre cuite ». La consommation de vins n’était pas uniquement l’apanage des classe sociales aisées.
À la base, en matière de production, les rapports entre paysans musulmans, propriétaires de vignes, d’une part, et juifs et chrétiens, de l’autre, sont bien établis, les premiers fournissant aux seconds les raisins nécessaires pour la production du vin.
Cependant, l’attitude des fuqaha (spécialistes de la jurisprudence islamique) est strictement prohibitionniste. Le vin est considéré comme illicite, diabolique.
Longtemps appelée « régence de Tunis », notamment sous la domination ottomane, la Tunisie passe sous protectorat français le 12 mai 1881 avec la signature du traité du Bardo. À cette date, même si la production et la consommation de vin ont toujours été possibles, on ne recense qu’environ 2 000 hectares de vignes en Tunisie produisant, en autres, des vins kasher pour la communauté juive et des raisins de table. L’Algérie était déjà un important producteur de vin et le protectorat français imposa le modèle algérien à la Tunisie. Des emprunts furent accordés aux investisseurs pour l’implantation de vignobles. De 1881 à 1892, deux vagues successives de colons s’installèrent en Tunisie. La première était constituée de riches propriétaires terriens à la recherche de nouvelles terres à vil prix. La deuxième vague fut déclenchée par la crise du phylloxera qui avait poussé des viticulteurs italiens à la faillite, ils vinrent de Sicile et de Pantelleria pour trouver de nouvelles terres viticoles apportant avec eux leur savoir-faire, leur technologie et leur expérience. Les exportations de vin tunisien en France bénéficiaient de tarifs préférentiels en particulier à partir de 1890 quand ils furent exemptés de droits de douane si leur taux alcoométrique était moins de 11% par volume. En 1892, 6 000 hectares vignes furent plantés et la production s’établissait à 9,5 millions de litres. La Première Guerre Mondiale interrompit l’expansion qui reprit dans les années 1920. De 1920 à 1925, la production passa de 50 millions de litres à 100 millions de litres. Les exportations triplèrent passant de 20 millions de litres à 60 millions. La superficie du vignoble de 18 000 hectares en 1915 augmenta à 20 000 hectares en 1925, les rendements de 20 hectos par hectos/ha en 1920 passèrent à 35 hectos/ha en 1925. Mais, en 1928, une nouvelle loi imposa des quotas et limita l’importation des vins tunisiens en France sans droit de douane à 55 millions de litres au grand dam des Tunisiens qui produisaient 120 millions de litres et en exportaient 70 millions. Après plusieurs années de lobbying les quotas sans droits de douane furent portés à 75 millions de litres avec des quotas additionnels de 50 millions de litres bénéficiant de droits de douane réduits.
Dans ce climat de débauche de production et de consommation, paradoxalement la consommation de vins et d’alcool des populations musulmanes fut interdite. Dans un article intitulé : »Le vin et la viticulture en Tunisie coloniale (1881-1956) ; entre synapse et apartheid », Nessim Znaien résume utilement la situation. « Le vin produit en Tunisie est en grande majorité exporté à l’étranger, ce qui donne ainsi une vitrine au protectorat français en Tunisie, des revenus supplémentaires et permet d’asseoir la domination coloniale. En parallèle, le commerce et la consommation d’alcool par les indigènes tunisiens sont strictement interdits à partir de 1917. L’administration souhaite faire respecter l’interdit religieux musulman de consommation d’alcool, mais renforce ainsi les représentations coloniales sur les coutumes des indigènes. Malgré ces interdits, le vin est une synapse entre la société des colons et la société colonisée. Par les ventes de vin clandestines, ou par les représentations autour des consommations de chacun, le vin est un moyen de renégocier ou réaffirmer l’autorité coloniale ». Dans un premier temps les vins tunisiens servaient de vin de coupage pour les domaines français mais la législation française interdit cette pratique en 1930. Cette interdiction conjuguée à la chute des prix, conséquence de la crise de 1929, précipitera une dégringolade des exportations. De plus, en 1932, une loi fut introduite qui interdit l’expansion des vignobles au-dessus de 10 hectares et un an plus tard, l’implantation de nouveaux vignobles et la replantation furent interdites. En 1934, des primes à l’arrachage furent octroyées si bien que le vignoble tunisien passa de 51 000 hectares en 1933 à 42 000 hectares en 1937. Avec l’arrivée du phylloxera en Tunisie en 1936, le vignoble tunisien fut réduit à 30 000 hectares en 1945. L’occupation de la Tunisie par les troupes allemandes ainsi que de sévères sècheresses entre 1941 et 1945 réduisirent encore la production et l’exportation. Après la guerre, la production tunisienne augmenta et des prêts furent accordés en 1946 pour les viticulteurs voulant replanter leurs vignobles. Avec l’accord conclu en 1955 entre la France et la Tunisie, les quotas d’importation sans droit de douane passèrent de 75 millions de litres à 125 millions de litres si bien que la production tunisienne doubla entre 1954 et 1958 et les exportations triplèrent passant de 40 millions de litres à 130 millions de litres.
Cette situation perdura jusqu’à l’indépendance de la Tunisie en 1956 quand les tarifs douaniers préférentiels furent éliminés et ironie de l’histoire en 1955, à la veille de l’indépendance de la Tunisie, les deux pays avaient conclu une union douanière. En 1964, le gouvernement tunisien décida de nationaliser les vignobles appartenant aux colons européens. La France répliqua en annulant les accords douaniers et en arrêtant les importations de vin tunisien.
Le départ d’environ 100 000 colons européens en 1956 et 1957 causa une diminution de 30% de la consommation intérieure. Les Tunisiens tentèrent bien de rediriger les exportations vers l’Allemagne, les États-Unis et l’Afrique. Mais dès 1965, le nouveau président de Tunisie, Habib Bourguiba, conseilla aux viticulteurs de remplacer progressivement la culture de la vigne par d’autres cultures plus rentables comme les fleurs ou les asperges.
Depuis une vingtaine d’années, la viticulture tunisienne a bénéficié d’apports financiers d’investisseurs privés (Italiens, Suisses, Allemands et Autrichiens). En avril 1999, l’État a autorisé la location de sept mille hectares de terres domaniales pour une durée de 25 ans dont l’exploitation a été confiée à des sociétés de droit tunisien qui s’associent en général à des partenaires étrangers qui peuvent détenir jusqu’à 66% du capital. Un programme de modernisation des caves a été lancé en 2002 : douze millions d’euros ont été investis pour améliorer la qualité des crus des dix organisations membres (1 500 viticulteurs) de l’Union Centrale des Coopératives Viticoles (UCCV), plus connue sous l’appellation commerciale des « Vignerons de Carthage », premier producteur du pays (deux tiers de la production nationale) avec 36 millions d’euros de chiffre d’affaires et premier exportateur à hauteur de 25 % de sa production. Mais elle reste nationalisée, le ministère de l’agriculture continue de contrôler, les quantités produites de raisins et de vin. Les conditions d’exploitation de la filière vitivinicole sont difficiles avec des taxes à la consommation élevées et une interdiction totale de la publicité pour les vins et les boissons alcoolisés en général. De plus, le monopole d’État n’encourage pas le développement de nouvelles technologies et l’implantation de nouveaux cépages plus qualitatifs. Si l’on ajoute à cela le réchauffement climatique, qui n’avantage en rien la viticulture des pays chauds, la Tunisie semble moins bien placée que le Maroc pour tirer son épingle du jeu dans un marché globalisé et concurrentiel mais, avec l’affut touristique annuel sur ses côtes, elle est en meilleure position que l’Algérie qui se languit dans la médiocrité et le laisser-faire.
Musée archéologique de Sousse représentation du mois de septembre symbolisé par le foulage du raisin. Source: http://cultpatr.blogspot.com/2016/08/patrimoine-vinicole-de-tunisie.html
CLIMATS
Le climat de la Tunisie varie en raison de la diversité géographique du pays, il peut être divisé en trois régions. La région montagneuse du nord a un climat méditerranéen avec des hivers doux et pluvieux et des étés chauds et secs. Le sud a un climat chaud, sec et semi-aride à l’entrée du désert du Sahara, tandis que la frontière côtière orientale a un climat de steppe aride. Les précipitations varient également selon les régions, avec des précipitations annuelles moyennes de 158 mm par an pour l’ensemble du pays, mais moins de 100 mm par an dans le sud et plus de 700 mm par an dans le nord. Historiquement, les températures moyennes varient également selon les saisons et les régions ; dans la région côtière du nord, la température varie d’un minimum de 10 ° C pendant les mois d’hiver (décembre à février) à un maximum de 27 ° C pendant les mois d’été (juin-août), tandis que dans les régions du centre-ouest et du sud, la température varie d’un minimum hivernal de 11°C à un maximum estival de 32°C. Dans les zones semi-arides à arides du sud, la sécheresse peut être fréquente, tandis que la région côtière connaît des inondations.
La viticulture tunisienne se concentre dans le nord-est du pays.
Climat actuel
Climat futur
SOLS
La Tunisie étant à la fois un pays méditerranéen et un pays saharien, les sols présentent tous les signes de cette diversité climatique, morphologique et géologique. Selon le système français de classification des sols, les sols de la Tunisie sont classés en podzols, vertisols, sols rouges méditerranéens, sols calcico-magnésiques (sols dominants), sols bruns et isohumiques, sols salins et hydromorphes et aussi sols peu évolués.
Le nord-est où se concentre la viticulture, les terres présentent des rendzines très diverses : terre rouge, terre brune, formant une mosaïque de sols occupant les glacis et les pentes et sols peu développés et assez sains des plaines. Les sols holomorphes sont confinés aux dépressions et aux « Garâas ». Il y a aussi les sols minéraux bruts érodés associés aux sols bruns recouvrant les pentes les plus saillantes (Jebel Abderrahmane). Ils sont raisonnablement bien adaptés à la culture de la vigne.
RÉGIONS VITICOLES
La viticulture tunisienne se concentre, pour les deux tiers, autour du Cap Bon dans le gouvernorat de Nabeul, à la pointe au nord-est de la Tunisie.
Il existe huit Appellations d’Origine Contrôlée, AOCs (Mornag, Grand cru Mornag, Thibar / Mucat de Thibar, Coteaux d’Utique, Coteaux de Tébourba, Sidi Salem, Kelibia et Radès / Vin Muscat de Radès)[1]. Pour consulter le détails des régions viticoles tunisiennes, cliquez sur le lien suivant: TUNISIE RÉGIONS VITICOLES
[1] La littérature sur ce sujet mentionne sept appellations en oubliant Radès / Vins Muscat de Radès qui est sans doute l’appellation la moins utilisée compte tenu de sa spécificité.
CÉPAGES
La Tunisie ne possède pas une liste de cépages règlementaires. Les cépages autorisés sont définis par appellation, AOC. Les cépages principaux sont des cépages français plantés à l’époque du Protectorat français et sont principalement des cépages rhodaniens : carignan, cinsault, grenache et clairette. Les cépages internationaux ont fait leur apparition depuis une trentaine d’année. Pour en savoir plus sur l’encépagement du pays, cliquez sur le lien suivant: TUNISIE CÉPAGES
LÉGISLATION ET RÈGLEMENTATION
La législation sur le vin en Tunisie est ancienne et celle des temps modernes débuta en 1931 avec la législation sur les vins de liqueur. Elle est calquée sur la législation française et chaque AOC dispose d’un cahier des charges précis, tous les critères importants de la viticulture et de la vinification y sont mentionnés. Pour en savoir plus sur la législation et la règlementation tunisienne, cliquez sur le lien suivant: TUNISIE LÉGISLATION ET RÈGLEMENTATION