Sommelière argentine établie en France depuis 2013, Paz Levinson explique sa gestion du vin dans les restaurants gastronomiques alors que les consommations changent et que l’offre sans alcool s’étoffe. Elle est à la tête des vins et boissons de l’ensemble des établissements de la cheffe Anne-Sophie Pic, la plus étoilée par Michelin, présente dans 5 pays.

Par Isabelle Bachelard Le 12 octobre 2024

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Les restaurants étoilés face à la déconsommation du vin

Paz Levinson, cheffe sommelier exécutive groupe Pic, n’oublie pas qu’elle est née et a été formée en Argentine. Elle présentait sa sélection de vins argentins aux professionnels dans un bar à vin parisien le 7 octobre. – crédit photo : Isabelle Bachelard

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onstatez-vous une déconsommation de vin ?

Paz Levinson : La déconsommation a commencé avant le covid. Ensuite la consommation a explosé dans les restaurants en 2021 et 2022. Ce n’était pas normal ! En 2023 on est revenu vers les chiffres de 2018. En 2024, il y a une baisse à la bouteille, surtout le midi, dans les étoilés comme les autres restaurants, même si on applique différents coefficients. On a augmenté le choix au verre. A Valence au 3 étoiles Pic, il y en a maintenant 20 à 25. Chaque client peut trouver son bonheur, et si ce n’est pas le cas, on ouvre des bouteilles.

Quelles solutions avez-vous trouvées ?

Quand je suis arrivée à Valence en 2018, il y avait des accords mets & vins proposés avec le menu pour 160 €. Ce n’étaient pas des petits vins, mais moi je voulais proposer une expérience globale, avec des pépites de la cave. Je n’aimais pas que ce soient les vins servis au verre qui soient proposés pour les accords. Aujourd’hui on propose deux choix d’accords pour accompagner le grand menu à 410 €, « imprégnation absolue » à 250 € et « raretés » à 500 €.

Quels sont ces accords ?

A Valence on a commencé à faire des menus avec 80 % de boissons avec alcool et 20 % sans, sans le dire aux clients, c’était une partie intégrante du repas et jamais les clients ne se sont plaints. Et même ils nous disent merci. C’est vrai que les menus-dégustation peuvent être très longs, avec parfois 12 plats. Notre métier est d’éduquer, comment se comporter avec l’alcool. C’est pour cela que je fais des programmes avec alcool, sans alcool et des programmes mixtes. Je crois beaucoup à l’équilibre du repas, et aussi il ne faut pas fatiguer les gens. Ils nous font confiance. Nous avons introduit des bières, des cidres, tout ce qui résonne avec les plats. On goûte beaucoup pour arriver au bon accord. Il peut y avoir des thés, spiritueux et cafés. On aime aussi inclure une verticale de raretés par exemple trois millésimes de Côte Rôtie de Jamet, 2001, 2005 et 2010.

Comment bien servir ces vins ?

Etoilé ou pas, notre logique est efficacité et professionnalisme. Même dans une ambiance décontractée, le service doit être bon et réactif. Au bistrot André, la brasserie qui jouxte l’étoilé à Valence, quand je suis arrivée il y avait 50 vins et pas de sommeliers. Aujourd’hui il y a 500 étiquettes et 3 sommeliers. Pas d’armoires à vins sous gaz inerte, c’est couteux et encombrant. Je préfère avoir les bouteilles et utiliser les systèmes Coravin pour les vins tranquilles et les effervescents. Mais attention il faut bien les utiliser, rincer le système, appuyer plusieurs fois. Cela consomme du gaz. Il faut déguster à chaque fois qu’on sert un vin.