Par Alexandre Abellan Le 03 février 2024 via Vitisphere
‘Les nouvelles technologies dans la filière vin vont bien au-delà des tracteurs autonomes’ note Alexandra Wrann. – crédit photo : Meininger’s International
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ette année, la conférence de Meininger va traiter des nouvelles technologies : le vin étant un produit hautement culturel, dont le marketing repose sur la tradition et l’artisanat, n’est-il pas contradictoire de mettre l’IA ou de la blockchain dans la viticulture, la vinification et la vente du vin ?
Alexandra Wrann : Oui et non. Oui, le vin est un produit culturel avec beaucoup de tradition et de savoir-faire artisanal. Mais il ne faut pas confondre l’attachement aux racines et le passéisme daté. La filière vitivinicole doit s’adapter aux tendances sociales, ou du moins ne pas refuser de le faire. Et les innovations technologiques présentent de nombreux avantages – comme nous voulons le montrer lors de la Meininger’s Wine Conference : les vignes pourraient éventuellement être mieux protégées contre les maladies grâce à la technologie spatiale de la NASA. Les employés du vignoble pourraient tailler plus précisément grâce aux conseils de l’IA. La technologie de cave automatisée pourraient sauver des employés et optimiser les processus. Les conseils en matière de vins basés sur l’IA pourraient éventuellement remplacer le nombre croissant de personnel spécialisé.
D’un autre côté : non, car le vin, un produit riche en tradition, peut bénéficier en particulier des innovations technologiques – et avec elles les entreprises qui produisent et vendent du vin, qui se positionnent de manière plus durable pour l’avenir. À mon avis, cela est particulièrement important en période de crise (commerciale).
Les vignerons sont friands de nouvelles technologies, tenant parfois du gadget, mais le reste de la filière vitivinicole européenne semble plus réticente. Ajouter un QR Code ingrédient/nutrition sur ses étiquettes semble par exemple irriter beaucoup d’opérateurs…
C’est exactement ce pourquoi nous voulons donner un élan avec cette conférence. Cependant, je ne souscris pas à l’idée selon laquelle les producteurs sont plus férus de technologie que le reste des acteurs de la filière vitivinicole. Bien sûr, le robot dans la vigne génère beaucoup plus d’attention et d’étonnement, ce qui crée peut-être cette impression – alors qu’une IA qui optimise la gestion des stocks semble moins spectaculaire. Mais ces outils sont extrêmement utiles pour la performance des entreprises. Nous voulons montrer que les nouvelles technologies dans la filière vin vont bien au-delà des tracteurs autonomes, etc. Elles s’implantent tout au long de la chaîne de valeur et peuvent faciliter la vie professionnelle de pratiquement tout le monde, des viticulteurs aux metteurs en marché. Du moins si vous savez comment. Et c’est à cela que sert notre événement !
Face à la multitude de nouvelles technologies et de start-ups les portant, comment faire la différence entre une mode éphémère et une tendance forte ? Qu’en est-il des NFT par exemple ?
C’est un point très important. Cependant, si je pouvais prédire exactement quelle idée ou quelle entreprise connaîtrait un succès retentissant sur le marché, je serais peut-être plus susceptible de travailler en bourse pour des fonds d’investissement (rires). Je plaisante : notre événement consiste moins à prédire exactement « quel outil spécifique sera l’application du futur, alors achetez-le maintenant ! » Il s’agit plutôt de montrer quelles sont les tendances, quels sont les points de contact, pourquoi s’embêter avec l’IA, etc. Nous voulons décomposer la complexité de ce sujet et la rendre plus tangible. En fin de compte, la décision d’adopter ou non un produit ou une technologie doit être prise indépendamment par chaque entrepreneur. Mais un savoir-faire valable facilite ces décisions. C’est ce que nous voulons offrir.
Et nous souhaitons également porter un regard critique sur les nouvelles technologies. L’exemple des tokens non fongibles, ou NFT, est très bon. Nous avons invité ici un expert, Ed Prinz d’Autriche, qui examinera la question de savoir si les NFT apportent une valeur ajoutée à l’industrie du vin ou ne sont que du vent. Ce sera une présentation passionnante que j’attends avec impatience !
Des applications comme Vivino remplaceront-elles à l’avenir les sommeliers et les cavistes ? Vont-ils contribuer à connecter les vins et les consommateurs ?
Cela jouera également un rôle important dans notre programme de conférence. Je pense que les conseils et la description du vin sont actuellement les mises en œuvre technologiques les plus faciles à comprendre dans l’industrie du vin – du moins pour le consommateur. Mais à quel point sont-ils réellement bons ? Nous aurons sur scène un master of wine, Konstantin Baum, qui rivalisera virtuellement avec l’IA de conseil d’une entreprise. Il s’agira donc d’une approche plutôt expérimentale et ludique, avec laquelle nous voulons montrer jusqu’où ces outils sont déjà allés – ou non.
Pour répondre plus concrètement à la question : oui, je pense qu’une partie du conseil en vin, par exemple sur Internet, sera à terme remplacée par des applications technologiques. Pour les entrepreneurs, il peut y avoir des économies potentielles ici – et ils peuvent investir ailleurs. Cependant, le vin restera toujours un bien hautement émotionnel qui fonctionne mieux lorsqu’il est recommandé par de vraies personnes – en magasin ou au restaurant – et dégusté entre amis. J’en suis également convaincu. Et aucune IA ne pourra jamais remplacer cela.