Le rôle du bois dans le vin

Histoire du tonneau

Le tonneau en bois a plus de 2000 ans ! On attribue son invention aux Gaulois ou aux Celtes. Les Gaulois s’en servaient parfois comme armes inflammables, notamment durant les guerres contre les Romains, mais aussi et surtout pour le transport de vivres de toutes sortes. Les Romains qui eux utilisaient des amphores, se sont vite rendu compte des avantages de la barrique : plus solide, plus facile à transporter, et plus facile à stocker.

Mis à part le cerclage métallique, son procédé de fabrication n’a pas changé en deux millénaires ! Et si pendant tout ce temps, l’hégémonie de la barrique n’est pas contestable, dans les années 1960-70, tout s’effondre. L’arrivée de contenants fabriqués à partir d’autres matériaux font concurrence à cet outil séculaire, et dans le monde viticole, il est remplacé par la cuve en acier inoxydable.

tonneliers

Un outil limitant les risques de contaminations microbiennes pendant l’élaboration du vin, qui est aussi plus facile à nettoyer, qui permet de vinifier et d’élever de plus grandes quantités, qui réduit la part de perte due à l’évaporation du vin au travers du bois (la fameuse « part des anges »), qui prend moins de place, coûte moins cher et nécessite moins demain d’œuvre !

Pourquoi donc revenir à la barrique quand la cuve inox apporte autant d’avantages me direz-vous ? Et bien l’on s’est aperçu que le bois avait des effets bénéfiques sur les vins que la cuve n’arrivait pas à reproduire : la stabilité, la texture et la complexité aromatique. Nous développerons ces éléments plus loin. Retour en grâce du tonneau quelques années plus tard dans le monde du vin, devenant un outil œnologique quasiment incontournable, alors qu’il n’était jusque-là, qu’un moyen de stockage et de transport. Aujourd’hui d’autres méthodes font leur apparition ou leur retour, mais l’usage de la barrique reste très populaire.

Quel bois ?

Il est possible de tomber sur des vins élevés en fûts d’acacia, de châtaignier, ou même de cerisiers (comme dans la région du Valpolicella), mais le roi des arbres en ce qui concerne la barrique, c’est le chêne !

En effet, ce type d’arbre présente des avantages conséquents :

  • Facile à débiter par fendage
  • Facile à courber
  • Bonne durabilité du matériau
  • Bonne isolation thermique
  • Légère porosité favorable à l’élevage des vins
  • Confère une certaine complexité aromatique

Le chêne français est celui qui a la meilleure réputation. Les tonneaux français sont recherchés dans le monde entier : les tonneliers français exportent 70% de leur production (source Le Figaro).

Les meilleures forêts françaises sont celles du centre (Allier, Nevers, Limousin) et des Vosges. On trouve plusieurs espèces de chênes, mais les deux espèces principalement utilisées en tonnellerie en France sont Quercus Petraea (chêne sessile ou chêne rouvre) et Quercus Robur (chêne pédonculé).

Le Quercus Petraea peuple notamment la prestigieuse forêt de Tronçais, considérée en tonnellerie comme le fleuron des bois français. Elle était exploitée depuis des siècles, mais fut largement aménagée par Jean-Baptiste Colbert , ministre de Louis XIV en 1670, dans l’optique de fournir du bois à la Marine royale pour la construction de bateaux. Si elle est moins grande qu’à cette époque (un million d’hectares !), elle couvre tout de même une superficie de plus de 10 000 hectares. Cette espèce de chêne est dite à « grains » fins. La notion de grains fait référence à la pousse de printemps et à la pousse d’été. Au printemps, le bois pousse et les efforts se concentrent sur l’envoi des nutriments des racines aux feuilles, cette phase est plus ou moins la même pour chaque espèce.

La pousse d’été, elle reflète la photosynthèse de la canopée et peut différer suivant les arbres, les climats, les conditions météorologiques. Par exemple, plus le temps est sec et
chaud, plus les grains sont grossiers. Les grains fins du chêne rouvre donnent des tannins élégants au vin, ainsi qu’une palette aromatique complexe.

à gauche Quercus Petraea à grains fins, à droite Quercus Robur à grains grossiers

à gauche Quercus Petraea à grains fins, à droite Quercus Robur à grains grossiers

à gauche Quercus Petraea à grains fins, à droite Quercus Robur à grains grossiers

Le Quercus Robur, que l’on trouve principalement dans les forêts du Limousin, est moins compacte, plus poreux et offre un grain plus grossier. Considéré comme plus rustique, il donne plus de tannins au bois (sensation d’astringence) et une aromatique moins intéressante que Petraea.

Il est important de noter que le chêne américain (Quercus alba, ou chêne blanc) est aussi utilisé dans l’industrie vinicole. Il pousse plus vite que les chênes européens, et est plus facilement sciable, donc moins coûteux à débiter. Il est donc moins cher à produire. Il est utilisé principalement en Californie, mais on le trouve également en Europe, et plus particulièrement dans les régions espagnoles de Rioja et Ribera Del Duero. S’il est meilleur marché que le chêne français, son principal inconvénient est qu’il donne une empreinte boisée (arôme de noix de coco notamment) très marquée qui a tendance à dominer le vin. Si vous êtes intéressés par un léger goût de chêne américain, laissez-vous tenté par le Primavera de Bodegas Tierra en Rioja (50% de bois américain, et 50% de bois français).

à gauche, barrique bordelaise, 225L, à droite barrique bourguignone, 228L

Quel est l’impact du bois sur le vin ?

Le vin élevé en barrique va tout d’abord gagner en stabilité. Le vin respire lentement au travers des douelles (pièce de bois). Cette exposition à l’oxygène, bien que minime, va engendrer une oxydation légère de l’éthanol (alcool principal du vin), et le transformer en éthanal (acétaldéhyde). Ce composé est le lien qui permet aux
anthocyanes (couleur du vins) et aux tannins (sensation d’astringence) de se « lier », résultant en une couleur plus intense et plus stable. Cette intensification de la couleur n’étant pas recherchée pour les vins blancs, ils peuvent être « collés » plus tard pour corriger le brunissement. Cette liaison entre ces deux composantes va
engendrer un assouplissement des tannins des vins rouges ; ils vont perdre de leur caractère astringent et parfois amer, et le vin va gagner en souplesse, en rondeur.

Puisque nous sommes dans le thème des tannins, il est bon de mentionner que l’élevage en fût en apporte également. La quantité variant selon les espèces de chênes, et la qualité et le temps de séchage des merrains (planches de chêne séchant à l’air libre entre 2 et 3 ans avant de pouvoir être utilisées par les tonneliers).
Suivant le type de vin et le style du vigneron, ces tannins sont plus ou moins recherchés. Par exemple, pour la syrah qui contient naturellement beaucoup de tannins, les vignerons ne cherchent généralement pas à en avoir plus. Ils utiliseront plus souvent des barriques usagées donnant peu ou pas de tannins, ou bien des
contenants fabriqués à partir d’autres matériaux (cuve en béton par exemple).

L’élevage en barrique va également être générateur de perte. En effet, au travers des douelles, de la bonde (trou par lequel on remplit le tonneau), et des joints, le vin respire mais aussi s’évapore lentement ! C’est ce que l’on appelle, la « part des anges ». On l’évalue à plus ou moins 2% par an.

Ce sont principalement l’eau et l’alcool qui s’échappent. Si le résultat direct est une perte en volume, cette évaporation va aussi concentrer les arômes et la structure du vin. Enfin, l’effet tant recherché par nombre de vignerons de la mise en fûts, est le gain en complexité aromatique. Ce qui va en grande partie influencer le type d’arômes, c’est l’étape dite de la « chauffe ».

Le tonneau est placé autour d’un brasero pour chauffer les douelles, ce qui rend le bois plus souple et qui permet le « cintrage » de la barrique. C’est l’intensité de cette chauffe, qui va déterminer les notes aromatiques retrouvées dans le vin. On parle de chauffe légère, moyenne, ou forte. En réalité il existe près de 70 types de chauffes ! Une chauffe légère impactera le vin de manière subtile avec des notes légères de clou de girofle ou de sous-bois par exemple. En Bourgogne par exemple, le Pinot Noir étant un cépage assez délicat, les vignerons auront tendance à choisir ce type de chauffe afin de préserver le fruité du cépage. Pour un exemple de boisé léger et élégant, le Ladoix ‘les Briquottes’ de Céline Perrin fera parfaitement l’affaire !

Une chauffe moyenne se ressentira plus, donnant généralement des odeurs plutôt vanillées, et une chauffe forte dévoilera des notes dites empyreumatiques de type fumé, café torréfié, mais aussi pain grillé, caramel, et épicé. Pour un boisé plus marqué, goûtez l’assemblage de Cabernet Sauvignon et Merlot de la maison Iaquin en Slovénie, la cuvée Jak.

Bien sûr, plus la chauffe est forte et plus la proportion de fûts neufs utilisée est grande, plus il est important que le vin soit concentré et puissant. S’il est trop léger, il se fera écraser par le boisé, et le vin deviendra ce que l’on appelle vulgairement, du « ju