LA HUNTER VALLEY : LA RÉGION VITICOLE LA PLUS DÉROUTANTE DU MONDE ?
Il n’y a pas assez de mots pour décrire cette région située à deux heures de route environ au nord de Sydney en Australie
Bizarre, déconcertante, étonnante, imprévisible, inattendue, inespérée, singulière, stupéfiante, surprenante, troublante… et encore ces mots sont-ils trop faibles pour décrire cette région où on ne devrait pas pouvoir faire du vin.
C’est pourtant une des régions viticoles les plus anciennes d’ Australie et qui doit en grande partie son succès à sa proximité avec la ville de Sydney et à la détermination d’un homme, James Busby, considéré aujourd’hui comme le fondateur de la viticulture australienne.
C’est sans doute lors de l’exposition universelle en 1855, qui consacra la fameuse classification bordelaise, que la Hunter Valley allait connaître son heure de gloire. Dans les rapports officiels des juges, la Hunter Valley était décrite comme une région qui produisait, non seulement des vins semblables à ceux de la vallée du Rhône, mais aussi des rouges de faible couleur que l’on trouvait en Bourgogne et sans oublier les mousseux dont la qualité pouvait rivaliser avec les meilleurs vins de Champagne et même des vins doux qui pouvaient concurrencer ceux de Montignac et du Cap. Ce fut même un effervescent de la Hunter Valley qui fut choisi, en préférence à un Champagne, pour honorer la cérémonie de clôture en présence de Napoléon III.
Exposition Universelle de Pars en 1855. Source: Par Émile Thérond — Adolphe Laurent Joanne, « Paris illustré: nouveau guide de l’étranger et du Parisien », Hachette, 1867, p.697, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/
L’abandon des droits de douane entre les États au début du XX e siècle et le changement du goût des Australiens pour des vins mutés allaient précipiter le déclin de cette région viticole qui allait renaître après la guerre et engendrer certains des personnages les plus charismatiques de l’industrie viticole australienne (Len Evans, Maurice O’Shea, Murray Tyrrells).
Il est extrêmement ardu de comprendre la viticulture des pays étrangers avec des références uniquement françaises tant il est difficile d’appréhender toutes les variables qui peuvent influer sur elle.
Le climat de la Hunter Valley est régulièrement décrit comme un climat méditerranéen, alors que la région est soumise à un climat subtropical et faire de la viticulture et du vin sous des climats tropicaux et subtropicaux n’est pas une mince affaire. La latitude nordiste de la région et sa proximité avec l’ océan Pacifique en font sans doute la région la plus chaude et la plus pluvieuse de toutes les régions de production de vins de qualité internationale . Ce sont les montagnes à l’ouest et au nord de la vallée qui, en constituant un entonnoir, permettent aux ventx frais de l’océan de pénétrer dans la zone viticole et agissent comme un régulateur thermique. Sans cette configuration topologique, la viticulture dans cette région ne serait pas possible. Cette particularité géographique n’est pas sans ressembler à l’ouverture de la baie de San Pablo qui provoque un abaissement important de la température dans le vignoble de la Napa Valley. Mais cela n’est pas sans apporter une contrepartie négative dans la Hunter Valley car la région est balayée par des pluies qui peuvent être diluviennes.
Et pourtant… cette région d’une grande beauté mais dont tous les paramètres indiquent qu’elle devrait être inhospitalière pour la culture de la vigne produit les plus grands sémillons australiens qui ne titrent pas plus de 10,5-11,5 o d’alcool, des chardonnays de grande classe, (en particulier chez Tyrell) et des shiraz dont la typicité est très différente de celle des autres régions viticoles en particulier de la Barossa. On les a souvent décrits comme ayant des arômes et des saveurs de selles de cuir suintant à une époque où beaucoup de journalistes ignoraient les caractéristiques organoleptiques des contaminations aux Brettanomyces mais il est vrai que les personnages de la trempe des Len Evans, Tyrrels et O’Shea savaient alimenter les histoires les plus farfelues avec faconde.
Alors comment peut-on expliquer le paradoxe de cette région dont les températures peuvent atteindre 45 o C ( température où la vigne cesse de fonctionner) et qui est constamment balayée par la pluie pendant la période de maturation des raisins et pendant les vendanges? La réponse est contenue dans la question. C’est justement la pluie qui permet à la vigne d’être suffisamment rafraîchie pour permettre à la photo-synthèse de continuer à s’effectuer. Si l’on ajoute à cela que les sémillons sont plantés sur des terroirs sableux à fort drainage et qu’ils sont souvent récoltés avant les grosses pluies qui sévissent habituellement pendant les vendanges, on a des vins d’une grande fraîcheur, presque cisterciens en début de vie et qui ne sont mis en général sur le marché que 5 ans après la mise en bouteille et qui pour les meilleurs possèdent un potentiel de garde de 30 ans ou plus. Les Chardonnays sont bien typés et dépassent rarement les 13.5 o d’alcool comme les Shiraz qui ont des caractéristiques de fruit moins explosifs que ceux des régions chaudes. ils sont plus minéraux, avec des tannins un peu poudreux, des boisés bien maîtrisés.
Une région remarquable en tout point.