LAURA CATENA, UN FORMIDABLE ATOUT POUR L’INDUSTRIE VITICOLE ARGENTINE
Claude Gilois, créateur de Vins du Monde en 1995 et importateur de Vins de Catena en France
C’est lors de son passage à Paris le lundi 26 juin, pour une dégustation comparative dépassionnée de vins français et de vins du domaine Catena, organisée par Vins du Monde à l’Hotel de Crillon à Paris, que nous l’avons retrouvée souriante coiffée de son béret[1] de gaucho argentin, sa signature médiatique. Tous les participants à la dégustation se sont vu remettre le dernier livre de Laura Catena, « Malbec, mon Amour » un livre informatif et ludique en français dont le titre est inspiré du film d’Alain Resnais, « Hiroshima, mon Amour ».
Laura Catena est le PDG de la société familiale éponyme et la quantième génération des Catena aux commandes du domaine. S’il il faut des premiers de cordée[2] pour assurer la réussite, alors Laura en a toutes les qualités. D’abord son éducation dans les deux meilleures universités du monde. À Harvard où elle étudie la biologie et obtient sa licence avec mention très bien (Magna cum laude). Elle fait ensuite sa médecine à l’Université de Stanford[3] et devient médecin urgentiste à Los Angeles puis San Francisco. C’est sa façon de sauver le monde, le vin n’a pas ce pouvoir pour elle. Catena est déjà le domaine emblématique de l’Argentine sous la direction de son père, Nicolas un docteur en économie, qui s’est exilé avec sa famille aux États-Unis pendant la dictature argentine (1976-1983) avant de revenir au pays pour créer les premiers vignobles de haute altitude d’Argentine dans la vallée d’Uco.
C’est un évènement viticole en 1995 qui va changer la donne et qui va rapprocher Laura de l’entreprise familiale. Le domaine est invité à la « Wine Experience », le grand raout annuel où tout le gotha de la viticulture américaine vient présenter son vin, où même ceux qui n’ont rien à vendre sont présents. C’est un fiasco pour Catena. Personne ne connaît le domaine. Pire encore, la plupart des gens ne savent même pas que l’on fait du vin en Argentine. Laura décide alors qu’elle va aider son père. Laura est avenante et engageante alors que le père est un réservé parfois timide. À eux deux, ils vont faire une équipe redoutable car il aime travailler en équipe. Elle entre au domaine sur la pointe des pieds et en s’occupe du marché américain pendant 3 ans avant de prendre la direction des marchés d’exportation pendant 8 ans et devient PDG de Catena en 2009 tout en continuant toujours son métier de médecin urgentiste à San Francisco et d’élever ses trois enfants. En 2010, elle sort son premier livre, « Vino Argentino », un livre sur l’œnotourisme avant l’heure, en Argentine. Sa vision du vin et ses méthodes de travail ne sont pas sans ressembler à celles d’Angelo Gaja en Italie ou d’Eben Sadie en Afrique du Sud. Tous ces domaines ont une dimension familiale importante et plusieurs membres de la famille contribuent au succès de l’entreprise. Tous dirigent par l’exemple et placent la barre très haute. Il faut se fondre dans le moule pour y trouver sa place. Tous ont une vision à long terme et tous accordent beaucoup d’importance à la recherche et à l’innovation. Alors que ces deux paramètres sont empiriques chez Gaja et chez Sadie, ils prennent une dimension plus scientifique chez Catana. Dès 1995, elle crée le « Catena Wine Institute » qui travaille en collaboration avec l’Université de Californie Davis et l’« Universidad Nacional de Cuyo ». L’Institut Catena assure la direction des programmes universitaires de recherche et de développement. À travers ces partenariats académiques, l’Institut cherche à faire progresser et promouvoir la connaissance pour la communauté viticole dans son ensemble. Car, l’Institut a ses thésards qui publient dans des revues à comité de lecture. Tous les acteurs de la filière du vin peuvent donc profiter des progrès scientifiques. Son intelligence n’a d’égal que son énergie tout aussi formidable et Laura continuera d’exercer la médecine jusqu’en 2018. Car, en plus de ses responsabilités au sein de Catena qui emploie une centaine de personnes, elle est propriétaire du domaine Luca, qui commercialise des vins de vieilles vignes. En 2020, elle sort son deuxième livre « Gold in the Vineyard » qui présente 12 des plus emblématiques vignobles du monde y compris le vignoble d’Adriana de Catena. Comme si cela ne suffisait pas à combler son emploi du temps, elle est membre du conseil d’administration de l’Université de Californie, « Davis, School of Viticulture and Oenology », et co-directrice du domaine Caro, une joint-venture entre Catena et les domaines Baron Philippe de Rothschild. En 2023, Dr Laura Catena est nommé comme nouvelle présidente honoraire du « Wine and Spirit Education Trust » (WSET), le leader incontesté de la formation dans le domaine des vins et spiritueux dans le monde.
Michel Platini, sans doute le plus grand joueur de Football français, disait que pour gagner une coupe du Monde, il faut au moins un grand joueur dans l’équipe. L’Argentine avait Lionel Messi, et elle l’a gagné en 2022. La France aussi avait un grand joueur Kylian Mbappé et elle aurait tout aussi bien pu la gagner.
Il en va de même pour mettre un pays sur la carte du monde viticole, un faut un leader incontesté et charismatique. Si l’on ajoute qu’elle est quadrilingue (espagnol, anglais, français, Italien) et dotée d’une bonne dose d’humilité et d’empathie, alors L’Argentine a probablement trouvé sa figure de proue. Elle s’appelle Laura Catena.
[1] Le béret de gaucho argentin est en fait le béret basque et l’Argentine possède l’une des plus importantes diasporas basques au monde.
[2] Référence à une déclaration du Président français Emanuel Macron et qui fit couler beaucoup d’encre.
[3] Les universités de d’Harvard et de Stanford sont parmi les mieux classées dans tous les classements des universités au monde
Laura Catena et Claude Gilois