NOTES ADDITIONNELLES SUR LE CHANGEMENT CLIMATIQUE, LA VITICULTURE ET LE VIN
Que nous enseigne l’histoire récente ?
En Europe, les dates de vendanges et les rendements annuels sont connus depuis près de mille ans. Elles nous permettent de conclure que certaines époques ont été plus favorables que d’autres à la culture de la vigne car les variations climatiques ne sont pas toutes dues à un réchauffement climatique anthropique et c’est dans cette brèche que se sont engouffrés les climato-septiques pour rejeter les thèses du GIEC. Il est intéressant de noter que les médias en général demande aux scientifiques du climat une bien plus grande rigueur que celle exigée aux climato-sceptiques.
On sait que des périodes chaudes et froides ont alterné. Durant l’Optimum Climatique Médiéval qui a duré quatre cents ans, de 900 à 1300, les températures étaient, en moyenne, supérieures de 1° C et, à la fin du Moyen Age, les vendanges se faisaient en début septembre et la température pendant le maturation des raisins était supérieure d’environ 1,7° C à celle du XIX ième siècle. La vigne était cultivée dans le sud de l’ Angleterre et jusqu’aux zones côtières de la mer Baltique. Quand on observe le renouveau de la viticulture israélienne et à un degré moindre celle du Liban, on comprend que la réimplantation de la culture de la vigne dans des zones autrefois occupées par cette culture peut se faire très vite et la viticulture et vin peuvent retrouver des sommets en quarante ans.
Cette période a été suivie du Petit Âge Glaciaire qui, de 1830 à 1850 a mis fin à la culture de la vigne dans les régions les plus septentrionales de l’ Europe. De plus, la reconstruction des températures de 1379 à 2003 en Bourgogne, à partir des dates de vendanges, a montré que les températures élevées des années 1990 avaient été rencontrées à d’autres époques. Par contre, les températures de 2003 constituent bien un phénomène climatique exceptionnel en Europe.
Les variations de températures ne sont pas uniformes.
Un réchauffement climatique de 0,8°C au niveau mondial n’est pas reparti uniformément sur la planète. On sait maintenant avec certitude que la culture de la vigne est limitée à des zones de température bien précises et dont les écarts entre le minimum et le maximum ne sont que de 2 à 3 degrés. Des observations de températures dans les régions de Barolo, Bourgogne, dans le Beaujolais et de la Vallée du Rhône entre 1950 et 1999 indiquent que les augmentations sont comprises entre 0,7° C et 1,8° C avec une moyenne de 1,3° C soit 0,5% au dessus de la moyenne mondiale. Ces augmentations de température ont, bien sûr, fait augmenter le degré alcoolique des vins. Le potentiel alcoolique du riesling alsacien a augmenté de 2,5° C ces 30 dernières années [i] et il existe une corrélation statistiquement significative (une vraie corrélation) avec des épisodes plus chauds et une maturité phénolique plus précoce. On observe le même phénomène dans la Napa où les degrés d’alcool sont passés de 12,5 % à 14,8% de 1971 à 2001 [ii]. Les acidités ont chuté et Les pHs ont augmenté. Il faut être prudent quand on interprète les augmentations des degrés alcooliques dans la Napa car elles ne sont pas dues entièrement au réchauffement climatique, une certaine proportion est attribuable aux critiques américains qui ont poussé l’industrie viticole californienne vers des vins plus massifs et plus chargés en alcool et en fruits[iii]. Des recherches additionnelles ont montré que le rechaussement climatique contribuait à hauteur de 50% dans l’augmentation des degrés d’alcool [iv].
L’Europe, la grande gagnante du réchauffement climatique et le Nouveau Monde à la peine.
A ce stade, le réchauffement semble avoir été plus bénéfique à la vieille Europe qu’au Nouveau Monde . La climatologie européenne est marginale pour la viticulture mais la vigne donne, en général, ses meilleurs résultats aux limites marginales de sa culture. Ces cinquante dernières années ont apporté une meilleure maturité physiologique mais aussi parfois une surmaturité comme en 1997, 2000 et 2007 pour le Barolo et le Barbaresco et pour le nebbiolo en général. Même si les critiques américains ont, dans l’ensemble, encensé ces millésimes, ils constituent néanmoins une rupture avec le classicisme du nebbiolo dont les millésimes 1996 ou 1999 sont un bon exemple. Par contre, le nombre de bons et grands millésimes par décade est devenu exceptionnel ces trente dernières années.
Une climatologie plus clémente a réduit, dans de nombreuses régions, les problèmes causées lors de la floraison par des conditions adverses comme le gel, le vent et la pluie. Dans le pays du Nouveau Monde, sensiblement plus chauds dans l’ensemble de ceux de la vieille Europe, les effets négatifs du réchauffement sont déjà plus visibles. L’ Australie a connu une sécheresse de plus de dix ans suivie par des pluies torrentielles en 2011. On retrouve dans certaines régions des paysages ‘lunaires’ où des centaines d’arbres morts baignent dans des lacs artificiels créés les inondations.
Mais l’ Europe a peut-être mangé son pain blanc car il est maintenant certain que le changement climatique ne se limitera pas à 2 degrés. on pourrait bien voir des augmentations de températures bien supérieures dans certaines régions viticoles traditionnelles. De quoi chambouler la donne viticole d’une manière radicale.
[i] Duchenne, E Schneider, C (2005) Grapewine and climatic change : a glance at the situation in Alsace. Agronon. Sustain Dev. 24 :93-99.
[ii] Vierra G (2004). Pretenders at the Table. Are table wines no longer food friendly? Wine Business Monthly. July 2004: 11(7)
[iii] Jones GV. (2005). Climatic changes in the Western United States grape growing regions. Acta Horticulturae (ISHS) 689;41-60.
[iv] Jones G.V.. Goodrich, G.B. (2007). Influence of climatic variability on the US West Coast wine regions and wine quality in the Napa Valley. CLIMATE RESEARCH. Vol. 35: 241–254, 2008.