CHANGEMENTS CLIMATIQUES

RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE : LES STRATÉGIES D’ADAPTION DANS LES VIGNOBLES ET DANS LES CHAIS: CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES

En 2013, un article publié dans l’une des revues les plus prestigieuses ‘Proceeding of the National Academy of Sciences’ (I) faisait état d’un scenario catastrophe pour l’évolution de la vigne et du vin dans le contexte du réchauffement climatique.
Les chercheurs ont utilisé 17 programmes de modélisation conçus par les spécialistes du climat pour évaluer l’impact sur les principales régions viticoles du monde. Ils ont travaillé sur deux des quatre scenarii proposés par le GIEC . Le scénario intermédiaire (aussi appelé RCP 4.5) qui évalue la concentration des principaux gaz à effet de serre (exprimée en concentration de CO2) à 530 ppm en 2050) et le scénario le plus pessimiste (RCP 8.5) qui indique que le taux de CO2 seraient de 630 ppm en 2050. Aujourd’hui, nous atteignons la barrière des 400 ppm et nous sommes au-delà du scénario le plus pessimiste. Ce sont les plus importantes concentrations en C02 depuis le Pliocène il y a 3.5-5 millions d’années.
Ils en ont conclu que les superficies adaptées à la culture de la vigne seraient réduites de 19 à 62% avec le scénario intermédiaire et de 25% à 73% avec le scénario le plus pessimiste car la vigne a une capacité de croissance optimale dans une fenêtre de températures relativement étroite come l’indique le graphique suivant (2 à 2.5 o C).


Au moment où la COP21 aborde la dernière ligne droite des négociations sur les mesures à prendre pour limiter les émissions de CO2 et que la plupart des propositions de limitation ont été annoncées par plus de 90% des pays, on se trouverait sur la trajectoire d’une augmentation de 3,5 ° C si tous les pays respectent leurs engagements, ce qui est loin d’être une certitude car il ne semble pas que l’accord qui se dessine sera soumis sous forme d’un traité.
Mais le rapport des scientifiques comporte un biais important, qu’eux-mêmes reconnaissent, puisqu’il ne prend pas en compte les stratégies d’adaptations qui pourraient être mises ne œuvre pour limiter l’impact du réchauffement climatique, à part peut-être le déplacement de la viticulture vers le nord dans l’hémisphère nord et vers le sud l’hémisphère sud.
Avant d’aborder les possibilités d’adaptations qui s’offrent aux viticulteurs pour limiter l’impact de ce réchauffement climatique, on peut faire d’ores et déjà quelques observations dont les conséquences semblent inévitables.

  1. La proximité des vignobles des océans limitera l’impact du réchauffement climatique car ils agissent comme un régulateur thermique pour limiter les températures à la hausse comme à la baisse. Les variations thermiques des océans sont beaucoup plus lentes que celles de la terre.
  2. En conséquence, la viticulture des îles sera moins affectée. C’est pourquoi les conséquences du réchauffement climatique seront les plus atténuées dans un pays comme la Nouvelle-Zélande dont les vignobles ne se trouvent jamais à plus de 100 kilomètres de la mer.
  3. Les vignobles d’altitude seront moins affectés que les vignobles de plaine car l’altitude est aussi un important régulateur thermique et permet des baisses de températures nocturnes qui facilitent la photosynthèse en cas de conditions caniculaires.
  4. Les vignobles situés sur les versants nord dans l’hémisphère sud et ceux situés sur les versants sud dans l’hémisphère sud auront une meilleure capacité d’adaptation car la vigne sera moins exposée au soleil.
  5. La viticulture sur coteaux sera moins sujette aux conséquences du réchauffement climatique et des facteurs climatiques extrêmes (pluies diluviennes, inondations).
  6. Le Nouveau Monde, moins règlementé, aura une capacité d’ adaptation plus grande et plus rapide que l’ancien Monde ou la règlementation atteint parfois des niveaux trop contraignants voire ubuesques.
  7. Les vieilles vignes non irriguées qui s’autocontrôlent auront sans doute une meilleure capacité d’adaptation, quitte à voir leurs rendements encore diminués.
  8. Les vignobles qui se situent sur les grands terroirs et qui produisent les plus grands vins seront moins susceptibles au réchauffement climatique que les vignobles situés sur des terroirs moins nobles. On connaît la capacité des grands vignobles à sublimer les conditions climatiques adverses.
  9. Les vignobles de plaine seront plus menacés par les conditions climatiques adverses car le réchauffement climatique ce n’est pas uniquement un accroissement de la température mais se traduit aussi par des épisodes de conditions extrêmes comme des pluies diluviennes qui peuvent détruire en quelques heures tout un vignoble.

10.Les régions qui produisent des assemblages seront moins touchées que les régions qui produisent des monocépages. On peut plus facilement jouer avec la composition des assemblages. On peut envisager une concentration plus importante de petit verdot dans l’assemblage voire même la réintroduction à Bordeaux du cépages carménère au dépend du merlot, un des cépages les plus sensibles à l’augmentation de température.

  1. Les pays les moins peuplés par rapport à la superficie de terre arable possèderont des plus grandes capacités d’adaptations car ils possèdent, en théorie, plus de possibilités de relocaliser leurs vignobles.

12.La surface viticole est appelée à se réduire fortement voire même à disparaître sur des terroirs inadaptés qui ont servi largement à satisfaire une demande conjoncturelle dans un contexte d’un fort accroissement de la demande et de la consommation (sud de la France, Espagne, sud de l’Italie).

  1. Les pays qui ont une grande diversité variétale possèderont un plus grand potentiel d’adaptation que ceux où la diversité est faible ou a été particulièrement réduite depuis la destruction de la vigne par le phylloxera.

14.De nouveaux pays producteurs (ou anciennement producteurs) vont émerger (Belgique, Angleterre, Danemark, Suède, Pologne, Tasmanie etc).

15.Les domaines qui possèdent des superficies de vignobles très importantes devront faire preuve d’une plus grande créativité et d’une plus grande adaptabilité pour relocaliser les vignobles sur des terroirs plus appropriés.