VOYAGES

LA PLUS BELLE ROUTE DES VINS DU MONDE-SALTA-CAFAYATE-SUITE

LA MISERICORDE DU HAUT DES DEUX SINGES
Longue et sinueuse est la descente. Elle requiert une prudence tous instants. Elle représente un dénivelé de 2 500 m. Le moindre écart, c’est la chute vertigineuse sans parachute. Aucun autre véhicule montant ou descendant ne fut entrevu. Elle se déroula donc sans la moindre encombre ce qui permit d’apprécier un décor à couper le souffle, d’en avoir plein les mirettes. C’est en pareille circonstance qu’on découvre que les mots sont impuissants à traduire ce que l’œil voit. Arrivée au creux de la vallée dont l’altitude est à peine inférieure au plus haut col pyrénéen (le Port d’Envalira – 2409 m), la route longe par moment la rive d’une rivière, le rio Calchaquie. Il court au creux d’un très large lit pierreux. Il est à la source de la fertilité des terres encadrées de massifs à l’aspect méditerranéen grâce à un système d’irrigation qu’il alimente. Il a donné son nom à la vallée étroite et longue de 80 km.

Le río Calchaquie
L’après-midi était déjà bien avancé. Le soleil commençait à jouer à cache-cache derrière les pics dont les ombres s’étiraient, quand soudain à la sortie d’un virage juste au bout d’un tronçon rectiligne surgit Cachi la Blanche, s’étalant sur une légère pente. Son nom signifie en quechua sel. La région compte plusieurs salines, dont une appelée la Saline de l’homme mort, située à près de 5 000m d’altitude. C’est un gros bourg de 2 500 âmes, situé à 2280 m d’altitude, soit bien plus haut que des sommets alpins. Toutes les maisons, la plupart de plain-pied, sont d’une blancheur immaculée qui rivalise à la fois avec celle du sel des salines restées vierges et de la neige éternelle du pic Nevado (1) de Cachi (5 896m) qui le surplombe sans donner l’impression de le dominer. Il a été fondé en 1683 par un conquistador d’origine basque répondant au nom d’Arramburu.

Un calme apaisant y règne bien qu’il se soit mué en lieu d’attraction touristique depuis quelques années. Mais il est resté encore authentique, comme si le temps s’était figé. La plupart des visiteurs arrivent à la mi-journée depuis Salta et s’en retournent à bord de leur bus dès que le soleil décline après avoir fait un tour dans les ruelles désertées par les habitants. Ceux-ci vivent de l’agriculture et passent donc leur journée au champ et non à faire le guide. Cachi est encore pour le moment épargné par les boutiques de souvenirs et colifichets qui polluent tout décor dès qu’elles s’y installent. Situé juste à mi-chemin entre Salta et Cafayate, les deux Singes décident d’y faire escale pour la nuit et de s’offrir un copieux et gastronomique repas pour se remettre d’une journée harassante, certes, mais qui ne peut que rester gravée dans leurs neurones. Ils jettent leur dévolu sur le meilleur hôtel, La Merced el Alto ce qui se traduit en français La Miséricorde du Haut. Cette appellation suggère l’hospice pour indigents.

Il se trouve à 2km du centre, un peu plus haut, il n’a rien de l’hospice même s’il a l’allure d’un ancien monastère restauré. Selon les critères européens, c’est un hôtel à coup sûr de quatre étoiles, voire de cinq. Il offre un spa avec massage relaxant et vue sur la montagne, une belle piscine extérieure, dispose d’un restaurant et d’une belle cave qui ne manqua pas d’attirer la curiosité d’un des Singes, de celui en charge de la sélection pour Valade et Transandine. Les tarifs, s’ils ne sont pas prohibitifs, ne sont pas non plus ceux réservés aux indigents errants. Ils varient entre 107 dollars pour une chambre individuelle à 213 pour une triple. A l’époque, sa gestion était assurée par un jeune couple de…. Bretons de la région nantaise. S’il a l’allure d’un monastère tout blanc sur fond de montagne et ciel azur, avec son clocher en coupole, en réalité, ce n’est qu’apparence, mais une apparence plus que vraie que nature. C’est une authentique contrefaçon. Il n’a été construit il y a qu’une vingtaine années, sur la base d’un plan de l’époque coloniale, par un groupe hôtelier argentin convaincu de l’avenir touristique de cette région bien qu’enclavée dans le nord-ouest du pays. Elle offre un climat et un panorama exceptionnels. C’est encore un bout du monde. C’est donc le moment d’y aller. Après une tête dans la piscine à eau tempérée, un bon spa suivi d’un massage accompagné d’une douce somnolence réparatrice, pour l’un des Singes, et d’une visite quasi inquisitoriale de la cave pour l’autre, tous les deux se retrouvèrent au restaurant. Hormis un couple de retraités américains qui terminait son repas sans se dire un mot et n’ayant bu que de l’eau, ils étaient les seuls. D’emblée, avant de consulter la carte, commande de cinq bouteilles de vin de Cafayate fut passée au grand étonnement du rare personnel, et furent débouchées sur le champ dont un torrontes, un cépage blanc emblématique de la région, en apéritif – Ils ne vont pas s’envoyer cinq boutanches derrière le gosier, ces deux vieux, dût se dire le personnel, ajoutant, « on a en vu des pas mal mais des comme ça jamais : cinq boutanches à deux… » Eh bien, à vrai dire…. Si vous voulez connaître la suite, assurément cocasse (oui, oui, cocasse, on vous l’assure), de cette soirée à La Miséricorde du haut, il vous faudra attendre la semaine prochaine et lire l’épisode 2, intituté :
​« Soirée épique à Cafayate ou le caviste qui ne buvait pas de vin. A SUIVRE…..