B Corp : le label qui entend améliorer les pratiques sociétales des domaines

Par Goulven Le Pollès. La Revue du Vin de France

Publié le 24/03/2025 à 17:30

Label B Corp

Le label B Corp, pour « Benefice Corporation », réunit aujourd’hui 500 entreprises en France, dont de grands noms du vignoble, comme Bollinger ou Piper-Heidsieck. Englobant des dimensions sociales et sociétales, le label séduit de plus en plus au sein de la filière.

SOMMAIRE

Bien que l’aura du label semble récent en France, B Corp a vu le jour en 2006 aux États-Unis sous l’égide de l’ONG indépendante B Lab. Depuis, le secteur du vin « représente une belle dynamique au sein du mouvement global » selon Elizabeth Soubelet, membre du Comité d’Administration de B Lab France, avec une centaine de domaines viticoles certifiés dans le monde à ce jour.

Son objectif ? « Transformer l’économie mondiale au bénéfice des humains, des territoires et du vivant ». B Corp apparaît en France pour la première fois en 2014, avec la certification du cabinet de conseil Utopies. Depuis, plus de 500 entreprises ont été certifiées, de la PME aux mastodontes de secteurs très variés.

Même topo dans le domaine du vin, où selon Elizabeth Soubelet, « on trouve aussi bien de grands groupes comme Barons de Rothschild (Lafite) que des domaines familiaux comme Maison Le Breton » – le nombre de domaines actuellement inscrits dans le processus de certification étant confidentiel.

200 questions très pointues

Au-delà du simple label écologique, B Corp englobe les dimensions sociales et sociétales, comme l’explique Robert Eden, co-propriétaire du Château Maris à Félines-Minervois – premier domaine viticole certifié en Europe : « Nous sommes passés en bio en 2002 puis en biodynamie en 2004. Nous étions déjà dans une démarche d’agriculture régénérative. Il nous manquait l’aspect humain et social : comment donner du sens au travail de nos salariés, de notre communauté ? Nous cherchions un guide pour nous améliorer sur le long terme dans ce domaine et dès les premières questions du questionnaire, B Corp nous a fait réfléchir et nous a semblé le label le plus adapté ».

Et Laurent David, propriétaire du château Edmus à Saint-Émilion d’abonder : « Avant d’être labellisé B Corp, nous étions déjà certifiés Ecocert et Demeter, nous avions un système de décision collégiale, de répartition des bénéfices… B Corp est venu attester de tout ce travail déjà entrepris ».

EN CE MOMENT :

Car le corps du label repose sur un questionnaire de 200 questions, divisées en six thèmes : « Gouvernance, Collaborateurs-trices, Collectivité, Environnement, Clients et Formulaire lié aux exigences de transparences », le tout savamment enrobé d’anglicismes et d’éléments de langage. L’entreprise se voit délivrer un score entre 0 et 100 et n’est éligible au label qu’à partir du nombre 80 – selon B Corp, 60 % des entreprises engagées dans le processus de certification l’obtiennent.

Un suivi à long-terme

Si certaines des 200 questions relèvent du doctorat en physique quantique – « Quelles sont en tonnes métriques vos déjections de déchets non dangereux ces 12 derniers mois » ou poussent à botter en touche – « Veuillez indiquer si votre société utilise des sociétés écrans pour minimiser le paiement d’impôts », force est de constater que le questionnaire est précis, complet, et englobe de fait des critères qui vont bien au-delà de la simple dimension écologique.

De plus, comme nous le soufflait Hélène Sarkis, gérante du domaine Joblot situé à Givry, qui a depuis peu entamé le processus de certification : « Les domaines candidats bénéficient du soutien de domaines parrains pour répondre à certaines questions qui ne seraient pas évidentes. Et c’est cet esprit collectif que nous recherchons chez B Corp.

Les domaines s’entraident, confrontent leurs idées sur les dimensions sociales et sociétales, et c’est tout l’écosystème qui en bénéficie ». Un point partagé par Robert Eden : « Avec d’autres domaines labellisés, nous nous rassemblons régulièrement en France ou à l’étranger, pour échanger sur nos pratiques. C’est enrichissant, inspirant et très encourageant ».

La santé financière de l’entreprise, l’importance de cette dernière portée à la « RSE » (comprendre Responsabilité Sociétale des Entreprises) et à ses salariés est au centre du questionnaire : santé des bilans financiers, salaires minimaux, bien-être des salariés, couverture médicale, programmes de retraite, taux de départ des salariés… Autant de questions auxquels les domaines candidats doivent répondre – un processus probablement lourd pour beaucoup de petits domaines.

Aussi faut-il compter en moyenne neuf mois pour obtenir la certification. Pour les Châteaux Maris et Edmus, le processus aura duré deux ans, car selon Robert Eden « la certification vous interroge quant à vos pratiques. Dès le début du chemin, vous commencez à travailler sur certains points d’amélioration, puis, six mois plus tard, vous mesurez le progrès. Tout cela prend du temps ». Une certification qui sera valable trois ans, avant la prochaine inspection.

Du pur greenwashing ?

Comme pour tout projet en ascension, aussi louable soit-il, les voix s’élèvent pour dénoncer ou prévoir les potentielles dérives. À commencer par le calcul du fameux « score », basé sur une moyenne, sans minimum éliminatoire. Aussi, un domaine viticole peu soucieux de son impact environnemental pourrait être certifié B Corp, car son score serait rééquilibré par les bonnes pratiques liées au bien-être de ses collaborateurs ou à sa bonne « gouvernance ». Du moins, jusqu’à aujourd’hui, car Elizabeth Soubelet l’assure « le nouveau référentiel qui arrive en 2025 instaurera des exigences minimales sur sept thématiques d’impact, renforçant la rigueur de la certification ». 

De plus, si l’ONG a pour but de créer des synergies vertueuses entre ses membres, certains jouent à l’œil de Moscou, dénonçant leurs co-labellisés jugés « trop gros », pas assez engagés ou utilisant le label comme outil de « green ou social washing » – comprendre son utilisation de manière trompeuse auprès de son public pour améliorer son image.

Mais Robert Eden le clame haut et fort : « Je vois difficilement comment un domaine, aussi important soit-il, peut utiliser le label pour faire du green washing. On ne parle pas d’un label « coche-cases » et il n’est pas acquis pour toujours, il faut constamment prouver que l’on met en place de nouvelles pratiques positives pour nos salariés, pour notre écosystème et que l’on s’améliore dans le temps. Le label est difficile à obtenir et il peut être perdu l’année suivante. Et de toute évidence, ça n’est pas le label qui va déclencher l’acte d’achat, mais la qualité du produit ».