Cent ans de l’OIV : les résolutions qui ont marqué le monde du vin

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A l’occasion de son centenaire, l’Organisation Internationale de la Vigne et du vin, a listé les résolutions qu’elle juge les plus déterminantes pour la filière, parmi les 1432 qu’elle a adoptées depuis 1924. Pour information et pour poser le cadre : ces résolutions de l’OIV n’ont pas force de loi, mais elles ont une force morale parce que 50 pays les ont mises en place. Elles ont ainsi une vraie légitimité.

  1. La définition du vin

Les bases, la bible, les lois qui régissent l’œnologie sont partis de cette première « résolution » établie dès les origines de l’OIV en 1928 (C 2/28-OEN). Elle cadrait les constituants du vin pour lutter contre les pratiques frauduleuses en cours : « nul autre produit que celui qui provient de la fermentation alcoolique du jus de raisin frais, ne peut recevoir l’appellation vin ».

Cette définition évoluera et se précisera en 1973 : « le vin est exclusivement la boisson résultant de la fermentation alcoolique complète ou partielle du raisin frais foulé ou non, ou du moût de raisin. Son titre alcoométrique acquis ne peut être inférieur à 8,5 » (AG 18/73-OEN).

La définition du vin ne se résume pas seulement à un produit, mais elle légitime également l’utilisation de procédés œnologiques lors de sa vinification. Les résolutions de l’OIV servent couramment de référence au sein des réglementations nationales. Le Codex Alimentarius (ensemble de normes alimentaires internationales) fait notamment référence au Code des pratiques œnologiques de l’OIV au sein de ses descripteurs.

  • La définition du « terroir »

Le « terroir » vitivinicole est un concept qui se réfère à un espace sur lequel se développe un savoir collectif des interactions entre un milieu physique et biologique identifiable et les pratiques vitivinicoles appliquées, qui confèrent des caractéristiques distinctives aux produits originaires de cet espace. Le « terroir » inclut des caractéristiques spécifiques du sol, de la topographie, du climat, du paysage et de la biodiversité (résolution OIV/VITI 333/2010). 

Le terme, d’origine française, est apparu au XIIe siècle pour désigner globalement une région agricole. La révolution de cette définition universelle est d’avoir associé « les pratiques vitivinicoles » aux particularités physiques et biologiques du lieu, comme le commente Benjamin Bois, président de la commission Viticulture de l’OIV de 2015 à 2018 : « le terroir s’est converti au XXe siècle en un concept permettant d’élargir l’influence du lieu d’origine sur la qualité du produit à un très grand nombre d’éléments naturels et anthropogéniques ». Il aura fallu 10 ans à cette commission pour obtenir un consensus harmonisé pour cette résolution adoptée à Tbilissi (Géorgie) le 25 juin 2010.

  •  Les lignes directrices pour la caractérisation des levures de vinification du genre Saccharomyces isolées des milieux vitivinicoles 

Cette résolution OIV-OENO 370-2012 a été adoptée lors du 35e congrès en 2012 à Izmir en Turquie. Elle constitue un cadre complet décrivant les méthodes de caractérisation des levures pour déterminer les aspects technologiques de la vinification des vins blancs et rouges, les aspects organoleptiques de la qualité du vin, ainsi que les aspects de sécurité alimentaire. L’un des objectifs essentiels de cette résolution est également de garantir l’origine vitivinicole des levures œnologiques sélectionnées.

Les experts soulignent son importance pour l’avenir de la vinification, notant l’intérêt croissant pour différentes souches de levures Saccharomyces et nonSaccharomyces. Dans le contexte des défis actuels provoqués par le changement climatique, les souches sélectionnées offrent aux vignerons des outils biologiques pour assurer un processus de fermentation efficace et complet et améliorer la qualité du vin.

« Cette résolution prend en compte un grand nombre de critères de sélection liés à des critères technologiques, des critères de qualité sensorielle des vins qui permettent de garantir la qualité des sélections de levures pour les professionnels », selon Hervé Alexandre du groupe d’experts Microbiologie (Institut Universitaire de la Vigne et du Vin Jules Guyot).

  • La santé des consommateurs 

En 1998, la sous-commission « Nutrition et Santé », adopte la résolution OENO 1/98 Programme d’éducation « Vin et société ». Elle introduit un programme d’éducation complet destiné à renforcer les valeurs culturelles qui découragent l’abus d’alcool et à accroître la sensibilisation aux risques associés, en particulier chez les jeunes. La résolution insiste sur la nécessité de renforcer l’éducation dans d’autres environnements où les jeunes sont exposés à des risques.
Cette résolution a évolué en 1999 en «  Programme d’éducation « Vin, alcool et société : Mode de vie et comportement sains » et propose un cadre de formation polyvalent adapté à différents niveaux d’enseignement et domaines de contenu. Elle est mise à disposition des enseignants et autres formateurs en lien avec tous les publics.

  • Définition, amélioration des méthodes de technologie, normalisation et commercialisation des raisins de table

La production de raisins de table a toujours été un enjeu important à l’OIV, pris en charge par la sous-commission « Raisins de table, raisins secs et produits non fermentés de la vigne » ou SCRaisin.

Une des premières normes de référence est représentée par la résolution AG 13/54-viT en septembre 1954 à Paris :

« Le raisin de table est le fruit de la vigne destiné essentiellement à la consommation en nature et produit par des cépages spéciaux ou cultivés à cet effet. »

Dans cette même résolution, les délégués de l’OIV avaient pris des décisions importantes, telles que :

  • l’établissement d’une nomenclature internationale uniformisée pour les variétés de raisins de table exportées, seule une liste restreinte de variétés de raisins de table destinées à l’exportation devait être prise en compte, (à l’exclusion des variétés destinées à la consommation nationale), 
  • l’adoption d’une norme de maturité, exprimée par un taux (en g/L) de glucides (glucose et fructose) et un taux (en g/L) d’acidité (acide tartrique).
  • La détermination des rapports isotopiques de l’eau dans le vin et le moût

La résolution « Méthode pour la détermination du rapport isotopique 18O/16O de l’eau dans le vin et le moût » (OIV-MA-AS2-12) , adoptée en 2012 à Zagreb (Croatie) est une adaptation de la résolution (OIV-OENO 353/2009.

Selon Alexander Kolesnov, (université russe de l’Amitié des peuples Patrice-Lumumba) alors expert de la sous-commission Méthodes d’analyse et du groupe d’experts Spécifications des produits œnologiques : « Les résultats de l’analyse, en fournissant un degré de fiabilité suffisant, nous permettent de répondre à la question de la nature de l’eau contenue dans le vin et le moût, ce qui est d’une grande importance pour l’évaluation objective de la qualité, surtout lorsqu’on résout des problèmes d’identification des produits falsifiés issus d’une dilution aqueuse. »

  • Les critères de quantification des allergènes

La résolution OIV-SECSAN 709-2022, adoptée à Mexico en 2022, est une révision de la résolution initiale (OIV/OENO 427/2010), adoptée en 2010 sur ce thème. Elle introduit des critères actualisés qui correspondent aux derniers progrès des méthodes analytiques. Ils concernent particulièrement l’utilisation d’agents de collage d’origine protéique à potentiel allergénique, conformément au « Code de bonnes pratiques de collage des vins de l’OIV » (OIV-OENO 520-2014).

Angelika Paschke-Kratzin, alors présidente du groupe d’experts « Sécurité alimentaire » de l’OIV, souligne l’importance de ce travail : « Les allergies alimentaires constituent un problème croissant puisqu’elles touchent de plus en plus de consommateurs. Au moins 1 % des adultes souffre d’hypersensibilités liées aux aliments ou d’allergies alimentaires définies… Les aliments qui contiennent un des allergènes listés par le règlement (UE) nº 1169/2011 doivent être étiquetés afin de protéger les personnes réactives de l’UE et hors UE ».

Pour en savoir plus : https://www.oiv.int/fr

Article extrait du dossier sur le centenaire de l’OIV dans la revue française d’œnologie : https://www.revuefrancaiseoenologie.fr

Nadine Franjus