La fermentation malolactique, enjeux contemporains

Par Julien Viaud. https://www.rollandetassocies.com/

La fermentation malolactique s’est initialement imposée dans un contexte de millésimes acides, durs, à la maturité difficile, afin d’amener souplesse, rondeur et stabilité microbiologique, principalement aux vins rouges. Aujourd’hui, avec des millésimes solaires et chauds qui se succèdent, à l’origine de vins spontanément plus aimables et stables, sa pertinence et son utilité peuvent être questionnées. Qu’en est-il réellement ?

Désacidification biologique du vin sous l’action de bactéries, généralement de l’espèce Œnococcus œni, la fermentation malolactique se produit le plus souvent spontanément à l’issue de la fermentation alcoolique, venant transformer l’acide malique en acide lactique. Malgré un profil de vins contemporains aux degrés alcooliques et pH naturellement plus hauts, moins acides et plus stables, elle demeure pour l’heure non-seulement obligatoire du point de vue réglementaire dans nombre de cahier des charges de vins rouges, mais aussi plébiscitée pour ses multiples vertus, allant bien au-delà de la seule désacidification pour conditionner la qualité organoleptique ou la garde. Moins bien connus scientifiquement et donc maîtrisés que ceux de la fermentation alcoolique, les mécanismes qui sous-tendent la fermentation malolactique requièrent une vigilance et une expertise d’autant plus grande de la part des vignerons et œnologues qui les accompagnent, à l’instar de ceux du laboratoire Rolland & Associés.

Une utilité pluriforme

Un vin rouge contenant encore de l’acide malique est par nature instable. Et ce, d’autant plus qu’à l’inverse de ses comparses rosés et blancs, il sera rarement stocké au réfrigérateur. Au-delà de désacidification, effectivement de moins en moins vitale à l’heure actuelle, la fermentation malolactique joue aussi un rôle essentiel de stabilisation bactérienne. Dégradé par la consommation des bactéries lactiques (oenococcus oeni), l’acide malique n’est en effet ensuite plus disponible pour être utilisé via d’autres voies métaboliques moins vertueuses. Cela permet d’éviter le développement de micro-organismes susceptibles d’engendrer des déviations, entachant le cas échéant la netteté et le précision aromatiques, premières impressions retirées d’un vin, conditionnant par ricochet la réputation des propriétés. Parmi les trublions qualitatifs, figurent par exemple les levures Brettanomyces, qui, si elles parviennent à se développer, engendrent des odeurs animales désagréables, la décomposition du glycérol (maladie de l’amertume), la formation d’acide acétique (volatile), de goût de souris à partir d’acides aminés (lysine et ornithrine) ou encore d’amines biogènes, qui génèrent des goûts de putréfaction. Le tout, sans occulter les possibles problèmes d’oxydation pouvant survenir lors de la phase de latence entre les écoulages et le déclenchement de la fermentation malolactique.

Les limites actuelles à la fermentation malolactique

A l’inverse des levures, qui s’implantent et entrent en action assez facilement dans le milieu sucré du jus de raisin, les bactéries sont plus capricieuses, car particulièrement sensibles aux conditions du vin dans lequel elles sont intégrées. D’une part, l’évolution climatique conduit à produire des raisins moins riches en acide malique qu’antérieurement. Or, si ce composé n’est présent qu’à l’état de trace, les bactéries ont moins d’intérêt à enclencher un métabolisme pour le dégrader, cette dépense d’énergie s’avérant alors contre-productive par rapport au bénéfice retiré. D’autre part, les bactéries lactiques sont très sensibles à l’alcool et ne sont pas toutes capables d’y résister, surtout dans un contexte où les taux en sont accrus. Elles peuvent alors s’avérer être en nombre insuffisant pour déclencher le processus de fermentation malolactique. Ces paramètres, combinés à des pH bas, font que le temps de latence entre la fin de la fermentation alcoolique, les écoulages et le début de la fermentation malolactique peut s’en trouver accru. Or, cette période est absolument décisive, puisqu’il s’agit du moment où les vins sont par essence les plus instables. Donc les plus vulnérables face au développement de micro-organismes indésirables, ultérieurement responsables de déviations qualitatives.

Comment optimiser la réussite de la fermentation malolactique ?

Pour favoriser l’entrée rapide en action des bactéries, un travail d’amont peut être mené, afin de les placer dans les conditions les plus propices. D’abord, en maintenant la cuve fermée, étanche, pleine, à l’abri de l’oxydation. Ensuite, en veillant à maintenir les températures autour de 20-21°C, et en favorisant la nutrition azotée grâce à des acides aminés, une thématique sur laquelle le laboratoire Rolland & associés travaille assidûment, via des analyses et des rectifications si besoin. Si ces paramètres physiques sont respectés, ils raccourciront d’autant le temps de latence entre les écoulages et la fermentation malolactique indigène, rendant également inutile le recours éventuel à des bactéries exogènes (créées commercialement), qui présentent le risque, en cas de mauvaise gestion, d’engendrer des composés non-désirés.

Dans cette phase décisive, l’appui de l’œnologue-conseil et des outils de pointe de son laboratoire est primordial pour amener un maximum de résultats quantitatifs, chiffrés, faisant office de base de travail fiable. Ainsi, un recensement des populations pourra par exemple donner une image fiable de l’ensemble des bactéries en présence, salutaires comme néfastes. Il sera aussi possible de doser les acides aminés, importants pour le développement des bactéries, et de mettre en place rapidement des corrections si un départ de maladie est repéré. Autant de mesures pour être encore plus précis, grâce à une meilleure compréhension de la constitution du vin et une meilleure évaluation des risques.