CHATEAU-GRILLET AOP

Source: https://www.vins-rhone.com/

L’APPELLATION

L’appellation Château-Grillet est réservée aux vins tranquilles blancs secs élaborés avec le cépage viognier sur le territoire des communes suivantes du département de la Loire : Saint-Michel-sur-Rhône et Vérin.

HISTOIRE

Dans l’Antiquité l’histoire de « Château-Grillet » se confond avec celle de « Condrieu ». Ces vignobles auraient donc été plantés par l’empereur Probus à partir de plants ramenés de Dalmatie au IIIème siècle après Jésus-Christ. Si cette version de l’origine du vignoble est supposée, les preuves d’antériorité de son implantation et de la culture vinicole qui en découlent abondent, notamment sur le site archéologique de Saint-Roman-en-Gal situé à une douzaine de kilomètres et réputé pour ses nombreuses mosaïques exhumées parmi les vestiges de villas romaines alentour. Parmi ces œuvres picturales, l’une représente une scène de vendanges et de foulage du raisin ainsi que l’empoissage d’une jarre (mosaïque du calendrier agricole-début du IIIème siècle, musée de St Germain-en-Laye- Provenance St Romain-en-Gal). En effet, à l’époque le vin est résiné et de ce fait qualifié de « picatum » (poissé) et connu sous le nom d’Allobrogica (A. FERDIERE – Les campagnes en gaule romaine – page 87- tome 2).
Le développement initial du vignoble de cette région est donc probablement lié à la paix romaine qui permet aux Allobroges, dont le territoire englobe une partie de la rive droite du Rhône, en face de Vienne, d’acquérir la citoyenneté romaine et par la même le droit de planter de la vigne. L’Allobrogica est très en vogue au début du siècle des Antonins (IIème siècle après Jésus-Christ).

Au Moyen-Âge, ces vins de la vallée du Rhône ont des difficultés pour gagner le Nord de la France en raison de droits exorbitants exigés par les villes traversées, riveraines du Rhône, notamment Lyon et Macon (R. DION – Histoire de la vigne et du vin en France).
Pour contourner cet obstacle, le XVIIème siècle voit se développer le commerce des vins de la vallée du Rhône qui gagnent Paris en remontant, cette fois, le cours de la Loire. En effet, au niveau de Condrieu, la vallée du Rhône n’est séparée de celle de la Loire que par une distance d’environ quarante kilomètres, franchissable par une partie peu élevée du massif du Pilat. Plus au Nord, les canaux de Briare et de Loing permettent de relier la Loire à la Seine pour entrer dans Paris.
Dés lors, les vins de « Château-Grillet » seront présents dans les caves des plus grands. Un inventaire dressé en 1814 après le décès de l’Impératrice Joséphine de Beauharnais (Catalogue de l’exposition : Le vin sous l’Empire à Malmaison – novembre 2009 – mars 2010), et dans lequel est détaillé le contenu de la cave de Malmaison, révèle la présence parmi les meilleurs « crus » de « deux cent-quatre vingt seize bouteilles de vin de Château-Grillé, prisées cinq cent quatre vingt douze francs ».

L’histoire de « Château-Grillet » demeure néanmoins toujours intimement liée à celle de « Condrieu ». Certains auteurs, comme Théodore OGIER (1856), parlent même à son endroit de « cru de Condrieu ».
« Château-Grillet » est depuis longtemps possession de bourgeois lyonnais. Ainsi Girard Desargues, architecte, géomètre, conseillé du cardinal Richelieu, issu d’une famille d’avocats de Lyon et de Paris, se retire à Château-Grillet en 1648, pendant les troubles de la Fronde. Il y reçoit son ami Blaise Pascal, également géomètre, en septembre 1652. En fier vigneron, Desargues fait probablement goûter ses vins à Pascal puisque ce dernier fait référence dans ses « Pensées » au vin de « Coindrieu » qu’il associe à son ami.

Blaise Pascal. Source: By unknown; a copy of the painting of François II Quesnel, which was made for Gérard Edelinck en 1691[réf. nécessaire]. – Own work, CC BY 3.0, https://commons.wikimedia.org/

Au décès de Girard Desargues en 1661, Effray Desargues lui succède comme propriétaire de « Château-Grillet ». Après 1662, les nombreux propriétaires se succèdent, sans qu’ils puissent faire face à des dettes considérables. « Château- Grillet » est alors saisi par Ennemond Ganaron, écuyer du Roy en la Sénéchaussée de Lyon, puis par Guillaume Greyzolon. Enfin, le 10 janvier 1827, un jugement du Tribunal de Saint-Etienne ordonne le partage de la succession de J. Francois Louis Jacquier. A la suite d’une expertise destinée à vérifier si le domaine de « Château-Grillet » est partageable en nature, celui-ci est adjugé le 1er Mai 1828 à Louis Chasseigneux, entrant ainsi dans la famille des actuels propriétaires.

Louis Chasseigneux entreprend alors des travaux considérables, tant pour l’aménagement du Château et des dépendances, que pour celui du vignoble. Après le décès de Louis Chasseigneux, « Château-Grillet » passe successivement par voie d’héritage à sa fille, Madame Jean-Claude Gachet, née Louise Chasseigneux, son petit fils, Monsieur Marc Gachet, avocat à Saint-Etienne, ses arrières petits-enfants, Monsieur Henri Gachet, avocat à Saint-Etienne, et sa soeur Madame Jean Neyret, née Louise Gachet et enfin aux enfants de cette dernière : Madame Gabriel Mayet, née Odile Neyret, Madame Jean Mortureux, née Claude Neyret, Madame André Canet, née Hélène Neyret.

Après la Première Guerre Mondiale, le vignoble périclite en raison notamment de l’absence de main d’œuvre et ne produit plus en moyenne que 25 hectolitres par hectare. A cette période, Marc Gachet et Henri Gachet gèrent le domaine. Ce dernier sera à l’origine de la demande de reconnaissance en appellation d’origine contrôlée obtenue, parmi les premières, le 8 Décembre 1936.

En 1941, Henri Gachet est rejoint par Gabriel Mayet (époux de Odile Neyret), pour exploiter le vignoble. A la mort de son beau-frère, en 1961, André Canet (époux de Hélène Gachet), reprend le domaine.

Fin 1968, début 1969, Monsieur et Madame André Canet (née Hélène Neyret) rachètent « Château-Grillet ». André Canet restructure complètement le domaine, met en place des moyens de lutte contre l’érosion, et reconstruit les murs de soutènement. Il s’implique grandement dans les méthodes de vinification, orientant le vin de « Château-Grillet » vers un grand vin de garde.

Dans la décennie qui suit, plusieurs extensions de l’aire parcellaire délimitée sont demandées par le propriétaire et approuvées par l’Institut national des appellations d’origine. En juillet 1971, des parcelles sont ainsi intégrées au nord et au sud, ce qui modifie l’amplitude altitudinale du vignoble et la nature de certains sols notamment pour les parcelles situées sous le château, en pied de coteau (arène granitique enrichis en éléments plus ou moins fins) mais ne change en rien l’orientation générale du vignoble exposé au sud.
En 1979, une nouvelle extension est approuvée, portant la surface totale à 3 hectares 69 ares 16 centiares, intégrant des parcelles, avec cette fois, une exposition plus ouverte vers l’est, mais mitoyennes et contiguës au domaine existant.
« Château-Grillet » reste néanmoins l’une des plus petites appellations d’origine contrôlées.
Depuis le décès d’André Canet en 1994, sa fille, Isabelle Canet-Baratin (co-gérante de 1989 à 1994) est l’une des propriétaires du vignoble et gérante de la SCEA Neyret-Gachet.
A l’instar de son père, elle contribue à la restauration totale du château et de ses dépendances, s’impliquant fortement dans la qualité du vin, afin de chercher le plus haut niveau, consciente d’être dépositaire d’un produit d’exception.

Le vin de « Château-Grillet » n’est vendu qu’en bouteille de verre brun, longiligne, une flûte élancée du type « Vin du Rhin » dénommée également « flûte d’Alsace », définie par le décret n°55-673 du 20 mai 1955 et explicitement réservée à huit vins d’appellation d’origine contrôlée, dont « Château-Grillet ». Pour « Château-Grillet », l’utilisation de cette bouteille est consacrée par des usages, anciens, loyaux et constants au moins depuis l’arrêté réglementant l’emploi de la « Flûte d’Alsace » (JORF du 3 juin 1959). Si l’aspect général parait identique, en revanche la taille et le volume de la bouteille n’ont cessé d’évoluer au fil du temps. En 1969, les étiquettes ne portent pas d’indication volumétrique, mais la bouteille fait probablement 62 centilitres ou 68 centilitres. Dès 1980, les étiquettes mentionnent une contenance de 750 millilitres.

Depuis 1987, les bouteilles sont plus courtes mais ont toujours la même contenance (75 centilitres), conformément au changement de la réglementation qui s’applique, à compter du 31 décembre 1988, pour toutes les bouteilles « Vin du Rhin ».
L’étiquette jaune pâle très sobre, identique d’un millésime à l’autre, participe de la singularité et de l’identité de ces vins. Des étiquettes du « Vin blanc de Château-Grillet », datées de 1830, existent encore au domaine.

L’encépagement est exclusivement constitué par le cépage viognier B ou « vionnier », emblématique et encore considéré par beaucoup comme originaire des environs de Condrieu, alors même que son origine rhodanienne est aujourd’hui controversée. L’analyse de son ADN, réalisée en 2004 par les chercheurs de l’Université de Davis et de l’INRA de Montpellier, en fait un cousin de cépages noirs Piémontais : le freisa et le nebbiolo.

Cette découverte d’une parenté italienne n’offre néanmoins pas d’élément sur les raisons de son implantation à « Château- Grillet » comme à « Condrieu ». Seule une histoire apocryphe évoque Probus (empereur romain) qui serait à l’origine de l’implantation sur « Condrieu » d’un cépage nommé Vugava, (le cépage viognier B actuel ?), ramené de Dalmatie (actuelle Croatie) au IIIème siècle de notre ère.

NOTES HISTORIQUES

En 1816, la singularité et la rareté de ce vin autorisent A. Jullien à écrire au sujet de « Château-Grillet », dans son ouvrage intitulé « La topographie de tous les vignobles connus, suivi d’une classification générale des vins » : « Il est dans son genre, l’un des meilleurs de France ».
D’après l’ouvrage intitulé « Thomas Jefferson on wine » de John R. Hailman (2006), le livre de compte de Thomas Jefferson (ambassadeur des Etats-Unis en France entre 1784 et 1789 et passionné de vins) révèle que, le 17 mars : « il paye 9 francs pour des vins de Tain, principale ville pour les grandes Syrahs rouges de l’Hermitage et les Viogniers blancs du Château Grillet ». De son côté, LOWELL B. CATLETT explique dans « Thomas Jefferson : a free mind » (2004) que lorsque l’ambassadeur américain visite « Château-Grillet », il y « trouve les meilleurs vins blancs de la région ».
En 1856, THEODORE OGIER confirme de son côté la renommée des vins de « Château-Grillet » qu’il compare à ceux de « Condrieu » dans ces termes : « Le village de Saint-Michel, est disséminé sur la surface d’un sol couvert de vignes, dont les vins blancs sont en grande réputation, et l’emportent sur ceux de Condrieu. L’on cite parmi ses crus, celui connu sous le nom de Château-Grillet».

Le « Nouveau manuel complet du vigneron français, ou l’Art de cultiver la vigne, de faire les vins » (Arsene Thiebaut De Berneaud – Edition 1873), fait une classification qualitative des vins. Dans la partie consacrée aux vins blancs de « Première classe », il retient cinq provinces françaises dont celle du Forez sur laquelle il écrit : « Le Forez. Les excellents vins de Château-Grillet, département de la Loire ». Curnonsky (1872-1956), gastronome et critique culinaire français, plaçait « Château-Grillet » au sein de sa célèbre « Quinte des grands vins blancs de France aux côtés d’autres crus prestigieux : Montrachet, Coulée de Serrant, Château Yquem, et Château Chalon ».
Enfin, l’encyclopédie Roret en 1921 partage cet avis sur « Château-Grillet » : « A 2 kilomètres du bourg de Condrieu, commune du département du Rhône, se trouve une propriété isolée dite le « Château-Grillet », qui produit l’un des meilleurs vins blancs de France ».
Par sa réputation et sa rareté, le vin de « Château-Grillet » a donc toujoursété extrêmement apprécié et est considéré, encore en 2010, comme l’un des plus grands vins du monde.

Chateau-Grillet. Source: Par Olivier Colas (Photographe viticole : https://olouf.fr) — Travail personnel, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=87360257

CLIMAT ET SOLS

Situé à une quarantaine de kilomètres au sud de Lyon et à un kilomètre au sud de la commune de Condrieu, en bordure orientale du Massif central, le vignoble de « Château-Grillet » a la particularité d’être inséré au cœur même de celui de l’appellation d’origine contrôlée « Condrieu ».

Le substrat géologique de l’ère Primaire offre essentiellement des sols d’arène granitique, plus ou moins enrichis en éléments fins pour les quelques parcelles situées sous le château, identiques à ceux du vignoble de « Condrieu ».

« Château-Grillet » se différencie et s’identifie davantage par son mésoclimat. Le vignoble est en effet niché sur la face sud d’un promontoire qui s’avance perpendiculairement à l’axe de la vallée du Rhône. Cette configuration offre aux vignes étagées entre 150 mètres et 250 mètres d’altitude, un mésoclimat particulièrement, chaud et ensoleillé, bien abrité des vents du Nord.

Ce paysage de cirque aux pentes abruptes est marqué par les usages viticoles permettant de pérenniser le potentiel de production. Les pieds de vigne sont conduits sur échalas et implantés sur d’étroites terrasses localement appelées « cheys » et sur lesquelles le sol est retenu par des murets ou « chaillées ». Ce paysage prend tout son sens en considérant la demeure dite « Château-Grillet » qui trône dans cet écrin de vignes.

Le seul cépage est le cépage viognier B, planté en limite septentrionale de sa culture, et considéré comme le cépage emblématique des appellations d’origine contrôlées « Condrieu » et « Château-Grillet ». Le sous-sol fissuré permet à la plante de plonger aisément ses racines pour puiser eau et éléments minéraux.

Le périmètre de la zone géographique se réduit à une infime portion du territoire des communes de Saint-Michel-sur-Rhône et Vérin, situées toutes deux dans le département de la Loire.

En 1943, dans le tome 3 de l’«Atlas de la France vinicole » de L. LARMAT, Henri Gachet, alors propriétaire de « Château-Grillet » donne une caractérisation de son propre vin : « Sec assez capiteux, avec peut-être plus de corps et un parfum de muscat… ».

L’appellation d’origine contrôlée « Château-Grillet » reconnaît exclusivement les vins blancs. Vin sec élevé partiellement en fûts de chêne pendant au moins 18 mois, il arbore une robe jaune or, aux reflets dorés et lumineux.
Il se caractérise souvent par une minéralité originale et surprenante. Le nez s’ouvre ensuite, avec une belle intensité, sur des arômes où dominent généralement la violette et l’abricot puis, après aération, on peut percevoir des arômes rappelant la pâte d’amande, le miel, le pêche ou les fleurs blanches. La bouche est remarquablement équilibrée avec une dominante de gras mise en valeur par une pointe d’acidité et une intensité aromatique orientée sur des notes d’abricot. Grand vin de garde, unique et magnifique, il faut savoir attendre pour l’apprécier.

Produit sur une des plus petites appellations d’origine contrôlées de part sa superficie, avec moins de 3,50 hectares en production, « Château-Grillet » demeure l’une des plus grandes au regard de la qualité et de la notoriété de son vin.

DÉLIMITATION DE L’APPELLATION

La récolte des raisins, la vinification, l’élaboration et l’élevage des vins sont assurés sur le territoire des communes suivantes du département de la Loire : Saint-Michel-sur-Rhône et Vérin.

DÉROGATION SUR LA DÉLIMITATION DE L’APPELLATION

Aucune

CÉPAGE PRINCIPAL

Viognier B

RENDEMENTS MAXIMUM

41 hectolitres par hectare 

VINS ET CARACTÉRISTIQUES ŒNOLOGIQUES

L’utilisation de coppeaux est interdite.
Les vins font l’objet d’un élevage au moins jusqu’au 1er octobre de l’année qui suit celle de la récolte.

Afin de préserver les caractéristiques essentielles des vins, les vins sont conditionnés en bouteilles de verre ; les vins sont conditionnés à partir du 1er septembre de l’année qui suit celle de la récolte.
Les vins sont conditionnés dans des bouteilles du type «Vin du Rhin» répondant aux dispositions du décret n° 55-673 du 20 mai 1955 et de l’arrêté du 13 mai 1959, à l’exclusion de tout autre type de bouteille.

TAVNM (titre alcoométrique naturel minimum) 11,5%
Teneur en sucres fermentescibles ≤4g/L
Titre alcoométrique total si enrichissement ≤14%

CARACTÉRISTIQUES VITICOLES


Les vignes présentent une densité minimale à la plantation de 8 000 pieds par hectare ;
Chaque pied dispose d’une superficie maximale de 1,25 mètre carré ;
Les vignes présentent un écartement entre les pieds sur un même rang supérieur ou égal à 0,80 mètre.


Les vignes sont conduites sur échalas. La hauteur d’échalassage est au minimum de 1,50 mètre.


Les vignes sont taillées en taille Guyot simple avec un maximum de 10 yeux francs par pied dont 8 yeux francs maximum sur le long bois.

Dispositions particulières de récolte et de transport de la vendange :
les vins sont issus de raisins récoltés manuellement.
Lors de la vendange, les grappes de raisin sont transportées entières jusqu’au lieu de vinification dans des récipients dont le contenu est limité à 50 kilogrammes.

AUTRES CARACTÉRISTIQUES

Aucune

Dernière modification du cahier des charges : 23 avril 2015