MERLOT

1261432 Merlot grape by J. Troncy by Troncy, Jules (1855-1915); (add.info.: Pierre Viala (1859-1936), Victor Vermorel (1848-1927), Traite General de Viticulture. Ampelographie, 1901-1910. Tome VI. Domaine Public.

COULEUR : rouge

PAYS D’ORIGINE : France

PARENTAGE : cabernet franc est le père et Magdeleine noire des Charentes la mère du merlot.

HISTOIRE 

Il n’y a pas eu de mouvement de refus du merlot comme ce fut le cas pour le chardonnay au début du XXIe siècle qui est connu sous l’acronyme ABC (Anything But Chardonnay), mais, il y aurait bien pu en avoir un tellement ce cépage dominait le marché du vin rouge à cette époque, en particulier aux Etats-Unis.
On en recensait 266 000 hectares en 2017 dans le monde, un chiffre stable ces dernières années. Contrairement au chardonnay qui est un cépage qui se plaît un peu n’importe où, ce n’est pas le cas du merlot qui donne très vite aux vins des arômes et des saveurs confiturés avec un excès de chaleur et de soleil ; et beaucoup de dégustateurs considèrent, qu’en dehors de son terroir de prédilection à Pomerol, il ne donne que des résultats médiocres. Mais, il est moins tannique que les autres cépages bordelais, en particulier le cabernet sauvignon et il produit des vins plus gourmands, plus faciles à boire même si parfois la chaleur excessive de sa provenance lui donne des saveurs un peu écœurantes.
Son origine est indubitablement bordelaise et son orthographe moderne apparaît en 1824 dans un traité sur les vins du Médoc. Le nom Merlot a été donné à cette variété parce que les merles aiment beaucoup cette variété de raisin (Jancis Robinson et. al. The Wine Grapes).
C’est à la fin du XXe siècle que les analyses du parentage effectuées ont révélé une relation de parent-progéniture entre le merlot et le cabernet franc mais l’autre parent est resté inconnu et on se demandait si on le trouverait un jour ou si la variété avait disparu.
​Dix ans plus tard, l’autre parent du merlot fut découvert en 2009 par Boursiquot et al. C’était une variété inconnue trouvée pour la première fois au mitan du XXe siècle près de Saint-Malo dans le nord de la Bretagne, où des vignes étaient cultivées à la fin du Moyen-Âge vers 1450. C’était un cépage inconnu mais quelques années plus tard, quatre autres ceps de cette même variété furent découverts en Charente-Maritime, plantés devant des maisons de quatre villages distincts. Les ampélographes et les scientifiques décidèrent de nommer ce cépage «Magdeleine noire des Charentes» pour éviter toute confusion avec d’autres cépages avec le qualificatif Magdeleine. Grâce à des tests ADN additionnels ils ont également établi que cabernet franc était le père et Magdeleine noire des Charentes la mère du merlot.

CARACTÉRISTIQUES VITICOLES 

C’est un cépage au débourrement et à la maturation normaux. Il est moyennement vigoureux s’il est taillé court. Il convient bien aux sols argilo-calcaires. Il peut être sujet aux gelées d’hiver et de printemps et il est sensible à la sécheresse. Il est très sensible au mildiou, aux cicadelles et au botrytisme.
En France, il est cultivé encore plus largement que le cabernet sauvignon et son encépagement s’étend sur 116 000 hectares alors que l’on ne compte que 56 500 hectares de cabernet sauvignon. À Bordeaux, la proportion est similaire avec ​66 000 hectares de merlot et 27 000 hectares de cabernet.
​Une large proportion des merlots cultivés dans le monde est assemblée avec du cabernet sauvignon et du cabernet franc qui fournissent la structure alors que le merlot lui donne les caractéristiques fruitées au vin. Le merlot a longtemps été considéré comme secondaire à Bordeaux et ce n’est qu’au milieu du XIXe siècle qu’il fut enfin reconnu pour sa résistance à l’oïdium beaucoup plus importante que celle cabernet sauvignon.
Il existe deux autres variétés de merlot, l’une appelée, merlot gris qui est le résultat d’une mutation de la couleur du cépage merlot mais l’autre, le merlot blanc est un croisement naturel de merlot et de folle blanche quasiment disparu aujourd’hui.

DISTRIBUTION DU CÉPAGE EN FRANCE 

Le cabernet est omniprésent en France et on en recense 115 746 hectares (286 015 acres). La plus grange superficie d’encépagement se situe en Aquitaine dans le Bordelais et en Languedoc-Roussillon (29 914 hectares / 73 919 acres). Sa plus grande résistance aux maladies cryptogamiques que le cabernet sauvignon l’a redu très populaire au XXe siècle et en Gironde, on en recense 69 053 hectares (170 634 acres) contre 26 700 hectares (66 200 acres). Mais son encépagement a commencé a déclinéer au profit du cabernet sauvignon que beaucoup de producteurs jugent comme un cépage intrinsèquement supérieur au merlot. Le merlot produit des vins plus voluptueux avec moins de tannins qui peuvent se consommer plus tôt. Le plateau de Pomerol est l’épicentre du merlot où la variété domine l’encépagement outrageusement. En termes généraux, le merlot domine la rive droite de la Gironde et le cabernet sauvignon la rive gauche.

DISTRIBUTION DU CÉPAGE HORS DE FRANCE DANS LE MONDE

EUROPE ET PROCHE-ORIENT

Italie : avec 28 042 hectares, c’est le quatrième cépage le plus planté en Italie et le troisième cépage rouge après le sangiovese et le montepulciano. La plupart des vignobles se trouvent dans la moitié nord du pays et les deux tiers des raisins récoltés sont utilisés pour des vins IGPs.
La grande majorité des merlots italiens est, généralement, insipide, élaborée avec des vignes à hauts rendements dont la majeure partie est cultivée dans les plaines de la Vénétie. Son autre bastion quantitatif, le Frioul, peut se targuer de fournir des vins plus convaincants avec plus de substance, de structure et de densité. Les merlots du Trentin-Haut-Adige se situent quelque part entre ceux du Frioul et de la Vénétie. Le merlot est également important dans une multitude d’assemblages en particulier dans la région de Maremme en Toscane, même si les producteurs lui préfèrent maintenait le cabernet franc plus adapté compte tenu du réchauffement climatique. On le trouve aussi en Chianti et Chianti Classico où il est assemblé avec le sangiovese local parfois pour le meilleur mais aussi souvent pour le pire car il domine facilement les arômes et les saveurs subtiles du cépage italien. On en trouve aussi en Campanie où le climat est beaucoup trop chaud pour ce cépage. La Sicile en compte aussi quelques hectares qui servent à élaborer des vins dans un style international qui frise parfois la caricature comme au domaine de Planeta. ​


Espagne : le pays a aussi adoubé le cépage et les plantations ont fortement augmenté ces dernières années et on en cultive aujourd’hui 15 530 hectares en particulier en Catalogne (3 500 hectares), en Navarre (2 500 hectares) et en Aragon (2 300 hectares). D’une manière plus surprenante, on en cultive aussi au nord-est et dans la Castille-La-Manche (3000 hectares) au centre de l’Espagne. Le merlot espagnol est principalement utilisé en assemblages, souvent pour ajouter de la chair au tempranillo ainsi qu’au cabernet sauvignon principalement dans les régions plus fraîches de la Catalogne, à Penedès et à Conca de Barberà.

Portugal : comme à son habitude, le Portugal s’est bien gardé de suivre la mode internationale et on n’en recense que 772 hectares disséminés un peu partout dans le pays et dans la région de Lisbonne en particulier.

Allemagne : le réchauffement climatique a encouragé la culture du merlot en Allemagne, principalement dans les régions plus chaudes du Pfalz et de Hesse-Rhénane où on en compte 469 hectares.

En Autriche : on en recense 649 hectares soit beaucoup plus
que le cabernet sauvignon ou le cabernet franc et on le trouve principalement
dans le Burgenland.

La Suisse : le sud du canton chaud tessinois de la Suisse a longtemps été
le bastion du merlot et on en recense 1028 hectares, la grande majorité au
Tessin du sud, vers la frontière italienne.

Hongrie
 On en cultive 1 907 hectares dans le pays même si on valorise plutôt le
cabernet franc et on le trouve principalement dans les régions viticoles du sud
à Villány et à Szekszárd.

Bulgarie
Avec 9 717 hectares, le merlot est le cépage le plus planté en Bulgarie et il
devance le cabernet sauvignon qui ne représente que 9 031 hectares. Une grande
partie des meilleurs merlots bulgares est utilisée dans des assemblages bordelais.

Slovénie
On en cultive 996 hectares qui se trouvent principalement à l’ouest, à
Vipavska Dolina, où elle est la variété la plus plantée, et à Goriška Brda, où
elle arrive en deuxième position. Il y a aussi en Istrie slovène (Slovenska
Istra) dans l’extrême sud-ouest. La variété représente 15% des vignobles de la
région viticole de Primorska.

Tchéquie
On en cultive une centaine d’hectares presque tous situés à Morava, dans le
sud-est du pays.

Serbie
 Le merlot est l’une des principales variétés internationales de la Serbie
mais son encépagement n’est pas connu.

Croatie
Avec 780 hectares, c’est la variété rouge la plus plantée après le plavac
mali

Roumanie
Le merlot est de loin le premier cépage rouge planté dans le pays avec 10 988
hectares.

Moldavie
On en cultive 8 123 hectares.

Ukraine
On en cultivait 2 820 hectares avant l’annexion de la Crimée par la Russie.

Russie
On en recense 1 588 hectares dans la région du Kraï de Krasnodar et le merlot
constituait  5 à 6% des vignes du pays mais c’était avant l’annexion de la Crimée
par la Russie.

Grèce
Le pays en compte 1 248 hectares et c’est l’une des principales variétés de
l’est de la Macédoine et de la Thrace ou le climat est suffisamment frais pour
conserver les caractéristiques du cépage.

Israël
Le merlot est la deuxième variété la plus plantée en Israël après  le cabernet
sauvignon avec environ 1 000 hectares.

La Turquie : en compte 355 hectares.

Malte et à Chypre : on trouve aussi du merlot en petites quantités mais
l’encépagement n’est pas connu.

NOUVEAU MONDE

États-Unis

Le merlot a été extrêmement important aux États-Unis, en particulier en
Californie, où on en recense 18 924 hectares. C’est sans doute aussi dans
l’État de Californie que l’on trouve le plus d’exemples de merlots confiturés
qui proviennent de raisins de la vallée centrale (Central Valley).
L’État de Washington en compte environ 3 500 hectares et le cépage donne de
bons résultats avec des vins aux fruits charnus et une agréable finesse. Il ne
réussit pas bien dans les grandes régions viticoles de la Napa et de la Sonoma
et même certains des domaines qui produisaient les meilleurs merlots comme
Shafer Vineyards dans la Napa ont décidé de jeter l’éponge avec les mono-variétaux
de ce cépage.

L’Oregon en recense 220 hectares mais le pinot noir donne des meilleurs
résultats.

Texas : en cultive 230 hectares

En Virginie, le merlot était la variété de rouge la plus plantée en avec
environ 150 hectares

New York en cultive près de 400 hectares, la plupart dans les conditions
océaniques de Long Island.

Canada : le merlot est la variété la plus plantée de la
Colombie-Britannique, avec 650 hectares et il est dominant dans les grands
assemblages bordelais prestigieux comme Osoyoos Larose aujourd’hui racheté par
le domaine de Mission Hill qui produit un vin d’égale qualité à celui Osoyoos
Larose dans la même région. On le trouve aussi en monocépage. En Ontario, on en
cultive 500 hectares mais il n’a jusqu’à présent jamais atteint l’intensité du
merlot de la Colombie-Britannique ou la précision des meilleurs pinots noirs de
l’Ontario.

Mexique : le merlot est
également cultivé au Mexique, en particulier en Basse-Californie et à Coahulia
de Zaragoza, mais les conditions chaudes en font des vins lourds.

Chili : le merlot est extrêmement
important au Chili, où il est la troisième variété la plus plantée après
le cabernet sauvignon et  lr país (listán prieto), avec environ 14 000 ha
principalement dans les vallées transversales de Colchagua (3 400 hectares), de
la Maule (3 00 ha), de Curicó (3000 hectares), de Cachapoal (2 000) et dans la
Maipo (1 200 ha). Cependant pendant de nombreuses années le merlot au Chili a
été confondu avec  le cépage carmenère et les encépagements sont sujets à caution
en particulier dans les régions qui possèdent des les vieux vignobles car les
deux cépages sont souvent complantés.

Argentine : la variété est beaucoup moins importante en
Argentine qu’au Chili, où Il y environ 8 000 hectares plantés principalement à
Mendoza et dans une moindre mesure à San Juan et dans d’autres régions en
particulier la nouvelle région d’altitude de Valle de Uco où les vignobles sont
plantés à des altitudes qui vont jusqu’à 1350 mètres.

Uruguay : en recense 850 ha soit environ 10% de la
superficie totale du vignoble et juste devant  le cabernet sauvignon et la variété
est en général assemblée au tannat.

Brésil : il y a environ 1 200 hectares dans le Rio Grande do Sul
dans la vallée de Dos Vinhedos.

Australie : le merlot est quantitativement important en
Australie, avec 10 500 hectares plantés et c’est la troisième variété rouge la
plus plantée après le Shiraz (syrah) et le cabernet sauvignon. La variété a été
très largement plantée dans les premières années de ce siècle dans les plus
grandes zones, beaucoup trop chaudes, des régions intérieures de Riverland,
Riverina et Murray Darling. On le trouve aussi dans toutes les grandes régions
viticoles du pays même si l’engouement pour cépage semble s’être quelque peu
amoindri récemment.

Nouvelle-Zélande : les plantations de merlot sont en baisse
en Nouvelle-Zélande où on en cultive environ 1 200 hectares, ce qui
 fait du merlot le deuxième cépage rouge le plus planté (loin)
derrière le pinot noir. La variété est beaucoup plus facile à mûrir aussi loin
de l’équateur que  le cabernet sauvignon et prospère sur les sols bien drainés
d’Hawke’s Bay.

Chine : avec 3 200 hectares, la Chine n’est pas en reste
avec ce cépage qui est planté dans le nord-est et dans l’ouest du pays.

Japon : Il est également cultivé au Japon où on en trouve
environ 800 hectares

Afrique du Sud : avec 6 500 hectares, le merlot est la
troisième variété rouge la plus plantée en Afrique du sud, soit près de 15% de
tous les cépages rouges. Il est planté dans la plupart des régions viticoles,
avec les plus grandes superficies de Stellenbosch (2100 hectares) et Paarl (1
300 hectares) et les vins ont tendance à être fabriqués dans un style
californien chocolaté et brillant. Le problème endémique des maladies virales
et particulièrement celui de l’enroulement de la vigne est un obstacle à la
production de vins de cépage soit en mono-variétal soit en assemblage avec de
la finesse et des taux d’alcool maîtrisés.

Source:non identifiée

SYNONYMIE

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ARTICLES INTERESSANTS

Le merlot peut-il s’adapter au changement climatique ?

Le merlot, cépage emblématique du vignoble français et notamment du Sud-Ouest, est confronté aux conséquences du changement climatique. Des terroirs traditionnellement bien adaptés ne le sont plus sur les millésimes secs de plus en plus fréquents. De nouvelles pratiques sont à envisager pour ne pas renoncer au merlot. 

Cépage rouge le plus présent en France avec 112 000 ha en 2021, le merlot est intimement lié aux vignobles du sud-ouest de la France où il participe à la renommée d’appellations mondialement reconnues comme Saint-émilion. Le seul département de la Gironde accueille d’ailleurs 60 % des merlots français !

Mais la variété qui occupe 14 % des surfaces viticoles du pays n’est plus à son apogée. Après un pic en 2005 à 118 000 ha, les surfaces se sont (légèrement) érodées pour aboutir à un plateau sur la période 2011-2019. Depuis deux ans, de nouveau, le merlot recule. Attention, on ne détrône pas un roi rapidement en viticulture, mais il est raisonnable de s’interroger sur l’avenir de son règne. Le changement climatique pourrait-il déstabiliser l’ordre établi ?

Des témoignages terrain le laissent penser comme récemment celui des vignerons bio du Lot-et-Garonne qui dans leur communiqué de presse dédié aux vendanges 2022 « année de la canicule » indiquent que « le cépage merlot montre à nouveau ses limites avec des concentrations en sucre au sommet. Se pose la question de la pérennité de ce cépage, à la fois fragile [au mildiou] et avec une précocité qui place sa maturation lors des canicules d’août ou septembre ».

Les terroirs à merlot historiques ne sont plus adaptés au cépage

Pascal Hénot, œnologue conseil depuis 35 ans et directeur du centre œnologique Enosens de Coutras sur la rive droite du bordelais, terre de merlot, constate lui aussi un changement, et il concerne l’adaptation du cépage aux terroirs. « Le réchauffement climatique que l’on connaît dans la région modifie le rendu du cépage. Sur certains terroirs, il n’est plus adapté. À l’inverse des terroirs qui jusqu’à présent ne convenaient pas au merlot donnent de bons résultats. On assiste à une inversion de la hiérarchie qualitative des terroirs propices au merlot dans le bordelais. Les grands terroirs à merlot d’hier sur des sols filtrants de graves ou de sables sont désormais trop chauds et trop précoces. Sur ces sols, on ne constate pas de blocage de maturité mais plutôt des mauvaises maturités. Les vins n’ont plus de belles expressions fruitées, les tanins sont secs, les degrés élevés. C’est mal mûr ! A contrario, le stress hydrique rend certains sols argileux, plus froids, et plus riches, aptes à faire de beaux vins de merlots. L’année 2022, chaude et sèche, signe la revanche des terroirs modestes. Ce sont eux qui ont donné une belle qualité de vendange au merlot. »

En 25 ans, plus 2,5 degrés d’alcool sur la rive droite de Bordeaux

Pour l’expert, le merlot n’est pas dépassé dans le bordelais mais « il n’est plus adapté aux mêmes terroirs. Ce peut être attribué au changement climatique, continue Pascal Hénot. En 30 années de relevés effectués par Enosens, les dates de floraison et de vendange se sont avancées d’une semaine sur le merlot en Gironde. Ce décalage phénologique qui peut sembler somme toute faible se répercute sur la maturité. Sur nos parcelles de merlot de référence, on constate une augmentation du degré d’alcool potentiel de près de 2,5 points depuis la fin des années 90. L’acidité totale a baissé de 1 g/l H2SO4, idem pour la concentration d’acide malique. Concernant le pH, on mesure en 25 ans, une hausse de 0,15 point. En tendance, malgré la variabilité interannuelle, on peut estimer que le pH moyen des merlots est passé de 3,60 à 3,75. »

Un cépage moyennement résilient dans le Languedoc

Le merlot ne s’est pas fait une belle réputation que dans le Sud-Ouest dans la France. Le cépage a aussi su se faire une place plus au sud dans le Languedoc où l’on recense approximativement 26 000 ha de merlot, exclusivement en IGP. Dans les départements de l’Aude et de l’Hérault, le cépage se positionne au deuxième rang des cépages rouges les plus cultivés, à la troisième place dans le Gard.

Mais si l’on se réfère aux experts du Giec, la zone est particulièrement exposée au changement climatique : « En Méditerranée, le changement climatique sera l’un des plus radicaux au monde ». Dès à présent, les études montrent un réchauffement significatif du climat notamment dans le Languedoc (voir article page 24 du magazine). Nous nous sommes donc rapprochés de l’ICV, spécialiste dans le conseil et l’analyse du vin très implanté sur l’arc méditerranéen. Quels constats dressent les équipes du groupe concernant le merlot ? Jacques Rousseau, responsable des services viticoles répond : « Depuis deux ans, nous étudions le comportement de cépages méditerranéens comme l’assyrtiko, le nero d’Avola, le montepulciano ou encore le verdejo. Ces études, nous ont amenés à réfléchir aux traits de résilience des cépages face au changement climatique. Dans ce cadre, il est possible et intéressant d’étudier le comportement du merlot pour chacun des traits testés. »

Vis-à-vis de la tolérance à des stress hydriques élevés dus à des périodes prolongées de sécheresse, « le merlot n’est pas le mieux placé, reconnaît Jacques Rousseau. Le cinsault ou le carignan se comportent mieux ». Face aux coups de chaud, avec des températures supérieures à 40 °C, le recul est faible. « Mais si l’on se réfère à l’épisode de juin 2019 où les températures sont montées à 46 °C dans l’Hérault, on peut dire que merlot n’a pas eu de vertus particulières. Il n’a pas non plus montré de sensibilité particulièrement plus élevée. »

Le changement climatique induit aussi une augmentation des dégâts de gelées de printemps, avec l’avance des dates de débourrements. « Et dans ce contexte, une date débourrement tardive ne sera pas un critère suffisant pour y échapper. Selon les modèles étudiés par l’Inrae, nous tendons vers une avance de la date de débourrement de 20 jours d’ici 2050. Même des cépages tardifs comme le cabernet sauvignon seront exposés. De fait, la fertilité secondaire c’est-à-dire l’aptitude à produire du raisin en cas de repousses des bourgeons secondaires après destruction des bourgeons primaires est un critère de résilience important. De ce point de vue le merlot est un cépage intéressant puisque ses contre-bourgeons sont très fertiles. »

Sauvé par l’irrigation

Pour ce qui est des vins, le comportement du merlot se révèle moyen tant sur le potentiel malique que sur sa capacité à maintenir une belle aromaticité. « Ce rapide bilan ne doit pas faire conclure au fait que le merlot est à écarter. Il reste intéressant dans des terroirs adaptés sur des sols profonds et/ou sous réserve d’un soutien par l’irrigation pour faire face à des déficits pluviométriques excessifs. »

« Logiquement, la question des apports d’eau se pose désormais à Bordeaux, constate Pascal Hénot. Contrairement aux vignobles méditerranéens et étrangers, le bordelais n’est pas équipé en système d’irrigation. Réglementairement et socialement la mise en œuvre ne sera pas aisée, mais on peut imaginer que sur de grands terroirs historiques à merlot, sur lesquels les entreprises ont les moyens financiers, on voit se développer dans les années à venir des systèmes de goutte-à-goutte. »

Le merlot n’a pas dit son dernier mot !

par Séverine Favre: https://www.mon-viti.com/articles/viticulture/le-merlot-peut-il-sadapter-au-changement-climatique